Chapitre 8.1

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— Pourquoi est-ce que tu ne t'es pas manifestée ? gronda Thalya.

Une colère sourde résonnait dans sa voix. Ses deux mains agrippaient la table en bois afin d'empêcher tout mouvement involontaire qui pouvait la parcourir. Des tremblements parcouraient son corps.

— Ton idée est ridicule !

Les mots griffèrent la détermination de la jeune fille. Elle dévisagea Amara pendant une longue minute. La pluie continuait de battre contre les vitres et emplissait le bureau directorial dans lequel s'étaient retrouvées les deux filles de son apaisante mélodie.

— Explicite-toi.

La jeune Championne avait essayé d'adoucir ses paroles, mais ne put étouffer la froideur qu'elles contenaient. Amara s'approcha d'elle avec un sourire incertain.

— Tu as bien entendu Alrik. Pour une fois, je bien d'accord avec lui. Tu te mets en danger, bon sang ! Ce n'est pas parce que tu es Championne que tu peux tout te permettre. Tu n'as aucune idée de la difficulté de la tâche ! Et... Je ne comprends pas ce qui te motive ! Tu n'as jamais aimé Crystal, tu la détestais même.

— Mon opinion a bien changé, maintenant. Et elle ne devrait de toute façon pas influencer la donne. Il est de mon devoir... De notre devoir d'au moins essayer de l'aider.

Cette phrase sonnait si bien dans sa bouche. Elle lui octroyait une grandeur qu'elle ne possédait pas. Amara ne comprenait-elle donc pas la chape de culpabilité, de désarroi qui enchaînait son cœur ? Au vu du regard agacé que lui adressait son amie, non.

— Thalya... Cette entreprise est vraiment, vraiment inutile. Cela ne va pas l'aider. Et tu vas t'exposer inutilement. Toi, et les autres ! Je ne suis pas assez bête pour participer à des entreprises aussi insensées.

Une flamme étrange tremblait dans les yeux bleus de la comtesse. Le reflet d'un sentiment ancestral.

— Tu as peur ? lui demanda Thalya avec une neutralité qui cachait son mépris.

La Championne n'avait plus ressenti cette émotion depuis que la lame ivoirine avait transpercé la chair de Daya. Son monde s'était alors paré de dégoût envers ceux qui l'entourait, envers elle-même. La race humaine méritait-elle seulement d'exister si elle était capable d'une telle horreur ? D'une telle passivité ? Le sens de sa vie s'était noyé dans la vague de questionnement et d'horreur.

Pendant son séjour dans les cachots humides d'Istaldel, elle s'était raccrochée à une idée. Une simple idée qui l'avait aidée à tenir le coup. Sans quoi elle n'aurait plus apprécié à sa juste valeur le sang qui battait encore dans ses veines.

Iranama, le destin, l'avait dotée d'armes pour s'affranchir du pavé habituel. Un titre de Championne, et surtout : des perles. Elle allait libérer Crystal. Eliminer l'albinos. Et rétablir un semblant d'humanité dans une période où l'habitude de la décadence morale la remplaçait lentement, mais sûrement.

— Je n'ai pas peur. Cela ne sert juste à rien. Je ne risque pas mon existence pour une fille que je n'ai jamais pu voir en peinture. Enfin, ça devrait sembler logique.

Les lèvres serrées, Amara s'était approchée de Thalya et effleura ses mains crispées. Les yeux azur accrochèrent ceux, plus sombres, de la Championne.

— Renonce-y, s'il te plaît, supplia la blonde.

— Il n'en est pas question. Personne ne bougera à ma place ! refusa Thalya en retirant brutalement ses doigts de la table. Mais je t'en prie, va-t'en ! Va rejoindre ton palace de douceur et surtout, éloigne-toi bien de la réalité. Ce serait dommage que tu te sentes concernée.

Le Pouvoir Des Perles - Les Altérés d'IstaldelOù les histoires vivent. Découvrez maintenant