Les parois de la Cage cisaillaient ses épaules. Sa tête. Ses jambes.
Recroquevillée, Amara chantonnait, les yeux fermés. Son corps engourdi criait sa douleur. Ses membres devenaient de plus en plus lourds, comme si du plomb remplaçait les muscles, peu à peu.
Une éternité passait, puis une autre. Le temps semblait s'être arrêté. La porte du bureau s'ouvrit. Des pas s'approchèrent de la jeune fille. Elle cala sa respiration sur celle du visiteur, sans ouvrir les yeux. Une main se faufila à travers les barreaux pour prendre la sienne.
— Tu t'es à nouveau mis dans de sales draps, sœurette. Qu'est-ce que tu as fait à Mère pour qu'elle se mette dans un état pareil ?
Amara grogna et secoua la tête. Un élan de douleur remonta le long de sa colonne vertébrale.
— Ça fait combien de temps que je suis ici ?
— Il est bientôt midi. Donc ?
La voix de son frère lui paraissait lointaine, perdu dans un brouillard de peur et de souffrance.
— Je l'ai espionnée, murmura-t-elle en ouvrant les yeux pour le regarder.
Alexey la regardait avec un mélange d'effroi et d'amusement. Le reflet d'une Sijite dansait dans ses yeux de glace. Amara gémit, puis se mordit la langue. La Cage s'était à nouveau rétrécie.
Son cœur battait à toute allure, en réponse au traumatisme qui la torturait depuis l'enfance. Il y avait très longtemps, la Cage avait failli la tuer. Elle se souvenait encore distinctement de cette sensation d'étranglement, de broyage. Les craquements répétitifs, à chaque fois qu'un os cédait sous la pression. Elle avait crié, de toutes ses maigres forces. Certaine de vivre ses derniers instants, loin de tous. Son père avait fini par la trouver.
Il avait bloqué le mécanisme, ouvert le petit cadenas, l'avait prise dans ses bras et l'avait bercée sur tout le chemin qui menait à l'infirmerie. Lui avait promis que ça n'arriverait plus jamais, qu'il serait toujours là pour elle. Ses parents s'étaient disputés ce jour-là. Toute la maisonnée s'était terrée dans un coin, de peur de recevoir une balle de rage perdue. Leurs cris et injures avaient résonnés jusque dans le grenier, où s'étaient réfugiés Amara et Alexey, tremblants. Quelques jours plus tard, leurs parents semblaient s'être réconciliés.
La mort de leur père les avait alors tous pris au dépourvu. Un minable accident de route. La comtesse s'était retirée dans ses appartements pendant plusieurs semaines.
Un élan de douleur tira Amara de ses pensées. Son frère caressait sa main et lui chuchotait des paroles réconfortantes.
— C'est bientôt fini, Amari, bientôt.
La jeune fille se concentra sur le sourire tranquille d'Alexey qu'elle entrevoyait à travers ses larmes. Son frère ne l'avait plus regardé ainsi depuis bien longtemps.
— Comment as-tu su que j'étais ici ? chuchota-elle.
Alexey lâcha sa main et croisa ses jambes.
— Tu n'étais pas venue déjeuner avec moi et je ne t'ai pas trouvée dans ta chambre, ni dans la bibliothèque. Et le poignard que je t'ai offert avait disparu. J'ai donc demandé à mère où tu te trouvais.
— Et elle te l'a dit ? Juste comme ça ? le questionna Amara, suspicieuse.
Alexey rit. Ce son rare réchauffa le cœur de sa jumelle.
— Bien sûr que non ! Elle est restée assez évasive et m'a envoyé sur les roses avec un « Ce n'est pas tes affaires ! ». Un domestique m'a, pour finir, avoué que Mère faisait à nouveau usage de la Cage.
Les lèvres d'Amara s'étirèrent en un sourire douloureux. Aucune autre partie de son corps ne pouvait bouger, emprisonnées par les barreaux de trylme. Une onde de panique traversa son corps quand la jeune fille remarqua qu'elle ne sentait plus ses jambes, presque coupées de la circulation sanguine. Son visage resta neutre sous l'effort de ne pas trop montrer sa faiblesse à son frère.
— Le grand Alexey s'est donc résolu à parler avec un serviteur pour venir me voir ! Quel honneur, ironisa-t-elle.
Le jeune homme soupira et s'approcha d'elle.
— Je vais aller voir Mère et essayer de la convaincre de te libérer, d'accord ? Je ne peux plus accepter ce que tu endures.
Amara cligna des yeux en signe d'assentiment tout en évitant de laisser dégouliner les larmes chaudes de reconnaissance qui pointaient leur nez.
Le grincement de la porte les fit sursauter. Leur mère entra à grand pas dans le bureau. Ses cheveux pâles étaient rassemblés en un sage chignon.
— Alexey, écarte-toi ! vitupéra-t-elle.
Elle s'approcha de son bureau et actionna un mécanisme. La Cage s'arrêta un instant. Alexey fit un bond sur le côté et s'adossa à la vieille bibliothèque. Son visage s'était figé. Il releva la tête à l'entrée d'un autre homme. Xav.
Amara grinça des dents. Son humiliation n'allait-elle jamais se finir ? Tendue, elle attendait qu'on la libère. Elle se demandait même si elle pourrait encore marcher. Ses jambes ne répondaient plus, coincées entre la Cage et sa poitrine.
Dans un sursaut de peur, elle remarqua que la Cage s'était remise à bouger. Les barreaux s'enfonçaient lentement dans sa peau. Elle voulait regarder autour d'elle mais fut contrainte de baisser la tête par le plafond qui s'abaissait inexorablement.
— Mère... Non ! Pitié, ne faites pas ça ! MÈRE !
Personne ne réagit. Alexey fixait le sol, la mâchoire serrée. Ses poings fermés devenaient blancs, coupés de la circulation sanguine. Il hésita.
— Mère... Elle a déjà assez sou...
— Tais-toi, l'interrompit la comtesse. Ce qu'elle a fait est impardonnable.
Son frère s'exécuta et ferma ses yeux. Il se figea. Ses lèvres collées, la tête basse.
— Alexey... Alexey, hoqueta Amara, les yeux embués de larmes.
Son frère refusait de croiser son regard. Mais elle continuait de le supplier, avec l'espoir de recevoir un dernier signe de complicité.
Amara sentit son épaule se déboiter dans un claquement sourd avant de sombrer dans l'inconscience.
Son hurlement résonna longtemps dans le Manoir.
Note de la Créatrice
Je suis désolée de la longueur de ce chapitre. Les autres étaient assez longs et j'ai mal calculé la découpe. J'espère que la scène vous a quand même plus !
Que pensez-vous des agissements d'Alexey ? Qu'auriez-vous fait à sa place ?
N'hésitez pas à partager votre avis et je vous dis à dimanche pour le prochain chapitre !
Elly.
Corrections publiées le 26.01.2019
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Le Pouvoir Des Perles - Les Altérés d'Istaldel
FantasiaL'énergie des Feys flotte sous forme de flux dans l'environnement. Elle nourrit faune et flore et est source de vie en An'kalara. Mais maudit soit l'humain qui voudrait l'utiliser à son avantage. Maudit soit-il, lui et sa lignée. Maudits soient-ils...