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Les mots de Sherkhan m'ont profondément touché. À chaque fois, il ne peut s'empêcher de se comparer à un monstre. Je sais bien que les dévoreurs de divinités sont des êtres maléfiques, que leur apparence peut faire peur avec ces cornes... mais je sais aussi qu'il m'a une fois de plus sauvé la vie. Alors quand il parle ainsi de sa propre personne, ça me rend triste.

Sherkhan souffre énormément de sa nature. On ne naît pas dévoreurs de divinités, on le devient suite à une malédiction des Dieux. Je ne sais effectivement rien de l'homme qui m'accompagne : ce qu'il aime et déteste. Que ce soit sa couleur préférée, ses passions ou encore son parcours, il me reste tant de choses à savoir sur lui. Alors face à sa parole, je n'ai rien trouvé de mieux pour le faire taire que de l'embrasser.

D'ailleurs, je réalise que mon geste est inapproprié et recule subitement, le visage rouge. Une main devant, je m'agite face au démon qui me regarde.

— J-Je suis désolé, je... ?!

Mais alors que je le pense en colère, il pousse un petit rire en passant une main dans ses cheveux.

—C'est bien la première fois qu'on me montre un peu d'affection malgré cette apparence. Tu m'as complètement décontenancé, petite nymphe.

Sherkhan ne rit pas pour se moquer de moi, au contraire. C'est un rire que je trouve chaleureux et réconfortant. Il ne montre et dit jamais ce qu'il ressent alors je reste décontenancé face à cette réaction que je trouve adorable et enivrante.

—Ren, Sherkhan ! Vous allez bien ?
— V-Vévé ! Réponds-je à mon amie.

Si je vais bien, Sherkhan est blessé. Très vite, je me lève pour laisser l'elfe soigner ses blessures. Je suis émerveillée par la magie de mon amie. Vévé est une elfe vraiment puissante qui n'a rien à envier au plus vilain des démons.

—Les plaies d'avant ne sont pas complètement guéries, tu dois rester prudent.
—Oui, oui, esquisse simplement Sherkhan qui se laisse faire. Décidément...

Mais il pose ses yeux sur moi pour m'observer et me sourire.

— Tant qu'il va bien, le reste n'a... pas d'importance.

Mon cœur s'agite dans ma poitrine alors que mes doigts n'ont pas quitté mes lèvres. C-Ce baiser... ce n'était pas un bisou d'amour et pourtant, je peux encore sentir les lèvres de Sherkhan contre les miennes. Normalement, c'est un acte que l'on réserve à son amoureux mais mon corps a réagi tout seul.

Je ne peux pas protéger Sherkhan comme il le fait avec moi. Je ne sais pas me défendre. Je n'ai jamais tenu d'armes de ma vie et suis incapable d'utiliser de la magie, mais je veux être utile. Alors c'est décidé, j'aiderai Sherkhan a retrouvé sa véritable apparence !

***

Nous arrivons enfin à la citée portuaire de Himi et en profitons pour faire une petite halte quand le bateau s'arrête. Je suis subjugué par cet endroit si connu pour sa pêche et son marché aux poissons ! Je peux sentir l'air marin qui entoure cette charmante petite ville.

—Ren, où tu vas ? M'appelle Vévé.

O-Oupss... dans l'euphorie du moment, j'ai complètement oublié que nous étions des voyageurs. Nous ne passons d'ailleurs pas inaperçus avec nos tenues.

—Allons, allons, intervient Sherkhan. On devrait en profiter pour se reposer avant de reprendre la route.

Vévé soupire avant de répondre :

—Je vais nous chercher une auberge pour la nuit alors. Tâchez de ne pas attirer l'attention.

Quand elle s'en va, Sherkhan la regarde partir au loin.

—Les femmes, j'te jure...

J'observe Sherkhan. É-Évidemment qu'il connait les femmes ! À quoi je pense, moi ? La seule fille de mon entourage est Belle alors, je... je...

— Ren ? M'appelle-t-il.
— Ouah ?!

Je tombe sur les fesses en réalisant à quel point son visage est proche du mien. Cela l'amuse mais il m'aide à me relever.

—Tu es trop tendu, détend toi.

Puis pour me décontracter, il m'invite à le suivre pour me faire visiter cet endroit. Nous quittons alors le port pour nous rendre en ville.

Je regarde les yeux ébahis la magnifique ville de pierre. Tout autour, les gens portent des vêtements traditionnels : les femmes sont vêtues de longues robes et de jolis foulards sur la tête noués à l'arrière alors que d'autres laissent apparaître leur longueur. Les hommes portent des tuniques en coton lassées à l'avant, un la pantalon en tissu et de hautes cuissardes. Mais ce qui me charme le plus dans ce décor, c'est la taille du marché qui est immense ! L'odeur forte du poisson se répand à chaque coin de rue. Au village, je n'en ai jamais mangé à cause du prix élevé et je comprends pourquoi. Ça à l'air si bon. Devant l'un des stands, je salive littéralement sur une chaire rosée.

—Alors petite, m'interpelle le vendeur pêcheur de ce poisson. Tu n'as jamais vu de saumon ?
—Sau...mon ?
—Mh ? Me fixe l'homme. Tu ne sembles pas venir du coin jeune fille, tu t'es perdue ?

Légèrement en retrait, Sherkhan pose sa main sur mon épaule.

—Cette nymphe est avec moi.

Quand il apparaît dans le champ de vision du vendeur pêcheur, ce dernier se crispe face à l'apparence particulière de mon compagnon.

— U-Une nymphe et un dé...
—N'ayez crainte, le rassure Sherkhan, nous sommes en lune de miel.

L'homme retrouve un semblant de calme puis observe ma main.

— Mais... elle ne porte pas son alliance ?
—Oui, nous venons de très loin et la mer était agitée sur le chemin. Nous avons retiré nos alliances le temps de la traversée.

Même ici, nous devons jouer les jeunes mariés. Ça ne doit pas être évident pour Sherkhan de devoir se justifier à chaque fois. J'ai l'impression que je suis le seul à être triste.

— E-Eh bien laissez moi vous offrir un pavé de saumon pour me faire pardonner mon impolitesse !

Alors que je m'apprête à refuser, Sherkhan accepte la proposition du marchand. Nous repartons alors de son stand avec un magnifique morceau de saumon. Je suis toujours en admiration sur la couleur de la chaire et cela n'échappe pas à Sherkhan.

—C'est une espèce qui vit en eau douce, on en trouve beaucoup dans les rivières et les ruisseaux.

Je suis étonné par les connaissances de Sherkhan. Il faut être vraiment intelligent pour savoir ça. Moi... je serais incapable de faire la distinction entre deux oiseaux par exemple. Les nymphaë n'ont pas accès à la connaissance. J'existe dans le simple but de donner vie à une descendance mais grâce à Sherkhan, j'échappe pour le moment à mon destin.

—La chaire est très tendre et délicieuse mais je connais quelque chose qui a meilleur goût, assure Sherkhan.
—Vraiment !?

Je veux savoir, je veux savoir, je veux savoir !

Sherkhan s'arrête pour se mettre face à moi. Les gens autour nous observe mais mes yeux ne cessent de le regarder lui. Le dévoreur de divinités tend alors sa main vers moi après avoir caressé ses lèvres pour toucher les miennes du bout des doigts.

—Le goût de ton baiser.

Mais alors que nos visages sont proches, Sherkhan s'arrête et recule.

—Je ne te ferai jamais rien sans ton consentement. Et puis...

Il se terre un instant dans le silence avant de reprendre.

—Ce vieil homme a raison, tu ne portes pas d'alliances.

BLUE HAIRED NYMPH BOYOù les histoires vivent. Découvrez maintenant