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—Je ne pensais pas qu’il existait encore des nymphes, et encore moins avec des cheveux bleus.
—Excusez-moi mais… mais je ne comprends pas ce que vous dites.
—Ah oui, où avais-je la tête ? S’exprime son père en me regardant.

Cet homme, il est… il est vraiment étrange.

—Comme tu dois le savoir, commence-t-il alors en captant mon attention, il n’existe quasiment plus de nymphaë.

Puis, Idna se lève de son fauteuil pour contempler la vue du jardin par la fenêtre et poursuivre sa lancée. Sa silhouette apparaît sombrement avec le contre jour, mettant en avant sa stature impressionnante.

—Mais ça n’a pas toujours été le cas, poursuit-il. Bien au contraire. Il existait des milliers de nymphaë par le passé.
Maintenant, elles vivent recluses dans de petits villages à attendre leur funeste destin.
—Que leur est-il arrivé ?

Je suis moi-même une nymphe et pourtant, je ne sais rien. J’ai honte de devoir demander ça à cet homme. Quand je regarde Sherkhan, ce dernier écoute attentivement son père. Les bras croisés, une jambe par-dessus l’autre et la tête baissée, mon cœur s’emballe.

—Le monde a abusé de leur capacité de reproduction et trop en sont mortes. Quand une nymphe à ses chaleurs, elle est condamnée à mourir.
—Ehh ?
—Lorsqu’elle est fécondée, la nymphe meurt en donnant la vie.

Je ne peux m’empêcher d’être triste face au discours d’Idna. Un jour, viendra le moment où je devrais moi aussi accomplir mon destin. Voilà pourquoi pendant tout ce temps, je vivais dans le mensonge au village. Toutes les nymphaë parties pour se marier n’ont jamais pu connaître une fin heureuse.

Quand je regarde mon reflet dans ma tasse de thé, je verse des larmes silencieusement.

—Mais le destin semble s’être inversé et avoir eu pitié des nymphaë depuis quelques temps. Les Dieux ont entendu votre détresse et vous ont accordé un immense pouvoir, vous les nymphaë aux cheveux bleus.
—Un… pouvoir ?

Idna se tourne vers moi et ses cheveux dansent avec le vent qui pénètre dans la pièce. Si sa silhouette est toujours en contre jour, ses magnifiques pupilles dorées ressortent telles des joyaux sacrés.

—Oui, il existe des personnes comme toi, Ren. Des nymphaë capables de déclencher leurs chaleurs pour l’être aimé et qui peuvent porter autant d’enfants qu'elles souhaitent. Il n’appartient qu’à toi de faire le bon choix et de ne pas te tromper de partenaire car tu n’auras pas de deuxième chance.

Je suis bouleversé par les révélations d'Idna. Je… Je ne vais donc pas avoir mes chaleurs tant que je n’aurais pas connu le véritable amour ? Je n’arrive pas à exprimer ma joie, encore sous le choc mais… mais à l’intérieur, je suis soulagé. Je regarde Sherkhan mais très vite, je détourne mes yeux ailleurs, gênés.

—Que… Que se passe-t-il si… si je dévie de ma voie ?
—Eh bien, sourit-il, ton pouvoir maudira ton partenaire et le transformera à tout jamais en un dévoreur de divinités.
—Huh ?

Je m’arrête de respirer en apprenant les origines de ces êtres.

—Par le passé, mon fils a…
—Ça suffit pour les révélations père, Ren n’a pas besoin d'en savoir davantage sur mon histoire.

Je regarde mes paumes de mains, plongé dans mes pensées. A-Alors moi aussi je possède en moi un immense pouvoir. Je… Je n’ai pas besoin d’avoir une magie ou une arme pour être fort ? Il… Il me suffit d’aimer la bonne personne pour être heureux. J’ai là, la chance de pouvoir échapper à mon destin. Mais d’abord, je dois aussi trouver un moyen de ramener la lumière du cerf et de sauver Lastalcia. 

—Quel prince incorrigible tu fais, Sherkhan.
—La ferme, le vieux !

Je percute à l’instant ce que Idna vient de dire. « P-Prince in… incorrigible » ?!

—EEEEEEEEHHHHHHHH ?!!
—Crie pas, bordel de merde.

À genoux sur le fauteuil, je me penche en avant vers Sherkhan, troublé et émerveillé à la fois. Je ne pourrais décrire cette émotion qui me saisit par les tripes mais c’est fantastique ! Je comprends mieux à présent pourquoi tout le monde respecte à ce point Sherkhan. 

—Mais vous… vous êtes un prince, Sherkhan ?! C’est incroyable !
— Mais arrête enfin, ça n’a rien d’extraordinaire… t’es fier de toi ? S’adresse-t-il à son père.

Idna ne répond rien. Mais je comprends mieux d’où me vient cette impression. Père et fils ont tout d'un roi et d'un prince.

***

—Quoi, tu ne savais pas ça ?
—Eh… Eh bien, tu vois…
—Tu es tellement naïf, Ren.

Vévé a fini par se joindre à nous en début de soirée, mais mon amie ne semble pas du tout surprise par le statut de prince de Sherkhan. Encore une fois, je me ridiculise devant Vévé qui affiche un sourire sarcastique.

—Je suis aussi parfaitement au courant pour votre mensonge, révèle-t-elle.
—EEEEEEEEHHHHHHHH ?!!

Quand je crie, Sherkhan grince des dents d’énervement. Je mets immédiatement mes mains devant la bouche pour me taire. A-Alors Vévé est au courant pour mon mensonge ? Je regarde Sherkhan troublé.

—Me regarde pas comme ça, les femmes sont terrifiantes tu sais.

Au… Au moins, il n’y aura plus à faire semblant et d’un côté, je suis soulagé. Je souffle et pose une main contre mon cœur car je n’aurais dorénavant plus à mentir.

Pour cette nuit, Idna nous permet de rester au château même si je n’ai pas encore rencontré la mère de Sherkhan. C-Comme nous sommes encore en froid, je n’ose pas lui poser de question. Et de tous façon, je suis fatigué pour aujourd’hui. Le voyage a été éprouvant et ses révélations pleines d’émotions pour mon petit cœur mais à présent, je comprends mieux pourquoi on me détestait pour mes cheveux. Les nymphaë du village avaient toutes les cheveux verts, j’étais le seul à être différente des autres.

—Ren ? M’appelle Sherkhan.
—Ah, je crois qu'il s’est assoupi.
—Quel crétin, j’te jure.

BLUE HAIRED NYMPH BOYOù les histoires vivent. Découvrez maintenant