quatre-vingt-trois

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emma ;
un an avant.

Les yeux rivés sur le goudron londonien, j'inspire profondément en laissant l'air frais caresser ma peau avant d'apporter la paille de mon jus de fruit à mes dents pour jouer avec.

La nuit est tombée depuis quelques heures déjà, ce qui me laisse le plaisir de contempler la ville recouverte d'un voile sombre qui paradoxalement, est illuminée par toutes les lumières artificielles de la rue qui longe mon immeuble.

Bientôt trois mois que j'ai posé un pied ici et même si ce n'est pas tous les jours facile, je mentirais si je disais que je n'ai pas fait le bon choix.

Car je vais mieux.

Je me concentre uniquement sur mes projets et je mets de côté tout ce qu'il peut se passer, même si ma sœur me tient informé de l'actualité familial et parisienne en général.

Elle m'a assurée avoir réussi à avancer, même si elle n'a pas adressé la parole à Noé depuis.
Puis elle m'a donné des nouvelles de tout le monde, de Lola, de Maëva, d'Ethan, de Zack.

Mon départ a été bien pris, de toutes façons ils étaient tous au courant de ce dernier, j'ai pris le temps de faire les choses biens.

Même si j'aurais voulu les faire mieux.

Le temps se rafraîchi et je fronce les sourcils avant de m'éloigner du balcon que je ferme pour ensuite me tourner pour faire face à mon salon, plongé dans le noir, qui fait ressortir l'écran de mon téléphone qui semble recevoir une notification.
Je m'avance et le prend en main pour le consulter, avant d'écarquiller les yeux face à la tonne de message qu'Esma m'envoi :

Esma :
Meuf
Répond
Omg
Appelle moi
Va sur insta vite !
Putain mais qu'est-ce que tu fous ????
J'en tremble wsh
Emma ptn !

Mes sourcils se froncent de plus en plus même si je ne me retrouve pas inquiète pour autant, connaissant plus qu'assez le penchant théâtral de ma sœur qui en rajoute toujours des caisses.
Mais je décide malgré tout de me rendre sur le réseau social cité, et je n'ai pas besoin de me rendre sur notre discussion puisque je crois savoir de quoi elle veut me parler, et ce qu'elle m'a envoyé.

La quasi-totalité des comptes auxquels je suis abonnée ont changé de photo de profil et la première publication que je vois est celle du principal intéressé, qui annonce la sortie de son tout premier livre.

Alors que moi je reste sans voix devant mon écran, le cœur au bord des lèvres, tout en ressentant une immense fierté de constater que finalement, il a persévéré.

Je me concentre et lis les quelques lignes de son post avant de sentir mes jambes lâcher quand je prends connaissance du nom que Zack a donné à son tout premier projet.

La force de mes émotions me pousse à m'assoir sur le canapé pour reprendre mes esprits alors que la petite voix dans ma tête me répète sans cesse :

Lune, c'est le titre de son livre.

Ma gorge se serre et mes mains se mettent à trembler, puis je lis la fin du paragraphe avant de faire défiler les photos de sa publication.

J'ai pleins de questions, beaucoup trop de questions.

Je soupire et passe une main dans mes cheveux, finalement ce n'est même pas important, la seule chose que je retiens c'est qu'il travaille dessus depuis bien longtemps, et je ne suis même pas surprise par ça.

Mais il m'avait promis de parler à personne de son projet avant moi.

Et là je me rends bien compte que les mots qu'il a prononcés sont partis en fumée.

Je reste immobile un moment avant que mon portable se mette à vibrer, me faisant sursauter, alors je le joins à mon oreille après avoir décroché.

- Putain mais enfin tu réponds ! Ça fait une heure que je t'appelle ! Emma tu savais toi ? Tu savais qu'il écrivait ? Bordel mais je suis sous le choc ! J'en reviens pas... Puis Lune ! Lune t'entends ? Moi je suis désolé hein mais si ça c'est pas u-

- Esma... je... je peux te rappeler s'il te plaît ?

Je ne lui laisse pas le temps de répondre que je raccroche pour ne pas qu'elle m'entende craquer, parce que je ne peux malheureusement pas me contrôler et n'arrive pas à penser convenablement, à aller au-delà du fait que ma place devrait être à ses côtés.

Le nœud qui se forme dans mon œsophage ne me quitte pas et s'agrandit au fil de ma navigation sur le réseau social qui me donne accès à toutes les stories, toutes plus joyeuses les unes que les autres, retranscrivant Zack en train d'être félicité lors d'une soirée, entouré d'un bon nombre de ses amis et d'énormément de filles.

Je me lève et fais les cents pas, perturbée par ce que je viens d'apprendre et de voir.

Je n'arrive pas à y croire.

Et je n'arrive pas à comprendre ce que je ressens puisque tout se bouscule et n'a finalement pas de sens.

J'ai mal et je me trouve égoïste de ressentir ça.

Alors pour me sortir de ma torpeur, j'attrape ma veste et sors de chez moi le plus rapidement possible avant de me retrouver dans la rue à fouler le chemin menant quelques rues plus loin, où je sonne à l'interphone pour finalement entrer grâce à un habitant qui sort du bâtiment.

Je n'emprunte pas l'ascenseur et monte les escaliers, essoufflée, puis toque une multitude de fois sur la porte qui s'ouvre sur Mathis, mon collègue et ami, qui m'accompagne ici au quotidien, puisqu'il est ingénieur du son au studio où je passe mes journées.

Il fronce les sourcils et je crois même qu'il me parle mais je ne l'entends pas, la seule chose que j'arrive à entendre, c'est les battements de mon cœur qui résonnent au plus profond de moi.
J'entre quand le brun se décale, puis je me retourne pour lui faire à nouveau face, alors que lui, vient seulement de fermer la porte de chez lui.

Puis la seconde d'après, je m'empresse foncer sur lui pour l'embrasser, cédant finalement à ses avances qui durent depuis plusieurs semaines maintenant.
Il sourit contre moi alors que je fronce les sourcils et me force à fermer les yeux quand je sens ses mains se balader sur moi.

C'est la toute première fois que je vis ça avec quelqu'un d'autre depuis que je ne suis plus avec Zack.

Et mon ventre se tord face à ce constat.

J'ai encore mal, mais je persiste et me laisse porter par le moment qui je sais, réussira à me faire oublier.

Car au-delà de ça je sais que Mathis me plaît, qu'il est bon, et peut-être que l'on se correspond.

 𝗍𝗋𝖺𝗃𝖾𝖼𝗍𝗈𝗂𝗋𝖾 ; 𝐭𝐨𝐦𝐞 𝐭𝐫𝐨𝐢𝐬Où les histoires vivent. Découvrez maintenant