vingt-huit

2.5K 138 30
                                    

emma ;

Mes yeux menacent de se fermer un peu plus à chaque seconde alors que je me fais force pour les maintenir ouvert, afin de finir mes devoirs pour le lendemain.

Je soupire et essaie de me concentrer au maximum, mais tout me distrait bien plus que la tonne de calculs que je dois faire.

Je regarde mes ongles, mes bracelets, ma bague, puis je vérifie si j'ai des fourches dans mes cheveux, je fais le tri dans ma trousse, jusqu'à même observer chaque personne présente dans le CDI.

Le tour est vite fait, alors je replonge ma tête dans mes cahiers en saisissant mon stylo et ma calculatrice.

Pourtant pas moins de dix minutes plus tard, la meilleure distraction au monde me fait relever les yeux.

Noé vient d'ouvrir la porte et passe sa tête entre cette dernière pour balayer la pièce du regard, sans jamais que son regard ne se pose sur moi.
Il entre dans l'immense salle aux mille et un livres alors que moi, je place mon crayon à papier entre mes dents, en profitant du fait qu'il ne m'ait pas vu pour l'observer sans me gêner.

Il tourne sa tête lorsque la responsable du CDI l'interpelle, puis il fronce les sourcils quand cette dernière lui demande sèchement d'enlever sa capuche.

Pour une fois je suis d'accord avec elle, il faut qu'il enlève ce bout de tissus qui me prive de la beauté de son visage.

Je souris niaisement face à son air blasé, mais j'arrête tout mouvement quand en se retournant, il pose ses yeux sur moi.

Le mois de mars est désormais bien entamé, et même si les beaux jours ne sont pas caniculaires, là, une vague de chaleur s'empare de moi, jusqu'à me brûler quand les lèvres du brun s'étirent et qu'il s'avance jusqu'à moi, pour s'assoir à mes côtés en soufflant :

- Trop bien... t'es là, flemme d'être seul

Je plisse les yeux.

- Ah ? J'suis un bouche trou ?

Il sourit.

- Nan... c'est pas comme ça qu'il faut le prendre..., c'est juste que j'me suis fait virer de cours et ça fait plaisir de te voir là, c'est tout

J'hoche la tête.

- Comment ça se fais que tu sois ici d'ailleurs ?

- J'ai un prof qui est absent et j'en profite pour me faire de l'avance... Puis comme y'a bientôt le bac, ça me permet de réviser

Il acquiesce et se baisse pour saisir son sac et le poser sur la chaise d'à côté.

- T'es sur quelle matière là ?

- Math

- Ah cool celle que je déteste, vas-y je sors mes affaires et je fais avec toi comme ça peut-être que ça m'aidera

Je ne réponds pas et me contente de le regarder faire, il ouvre ses cahiers et je constate que ces derniers sont pratiquement inutilisés.

- T'écris jamais ?

- Bof, souvent j'ai la flemme ou alors j'suis pas là...

- Et tu fais comment ?

- Bah je fais pas

Il sourit et hausse les épaules alors que je secoue la tête, puis Noé pose son coude sur la table et s'aide de sa main pour y poser sa joue dessus en étant tourné vers moi.

- Je te regarde faire, ça te dérange pas ? Juste, si tu peux parler à voix haute ça serait bien comme ça j'essaie de comprendre ce que tu fais

J'hoche la tête et repend mon crayon et ma calculatrice en la positionnant entre nous, Noé me suit du regard pendant que je commence à chuchoter, pour lui expliquer à chaque étape ce que je fais, et pourquoi.
Je me rends compte qu'il est plus que perdu et que ses notions sont abstraites, mais ça n'a pas l'air de l'inquiéter plus que ça.

Il fronce les sourcils et plisse les yeux en penchant sa tête vers les lignes de mon cahier.

- T'as écrit quoi ici ?

- « en fonction de »

Il hausse les sourcils et rit légèrement avant de tourner son regard vers moi.

- Ahhhh ouais, t'écris vraiment mal hein...

Je ris à mon tour, ne pouvant contredire son affirmation.

- Shhhhhh !

On tourne notre tête en même temps et il soupire face à madame Chevalier, la responsable de la salle.

- Elle, j'peux pas me la voir c'est abusé, on dirait qu'elle tient un musée

Je souris et baisse la tête afin de me reconcentrer, sauf que Noé lui ne l'est plus, et qu'il se met à jouer avec mes cheveux, à tourner inlassablement les pages de mon livre d'exercices, à remettre à zéro ma calculatrice, ce qui provoque quelques petits rires de ma part, jusqu'à ce qu'il pince ma taille et que je ne puisse pas contrôler un cri de surprise.

- Sampras, Borowski, dehors !

Je mords ma lèvre alors que le grec me regarde avec un sourire en coin.

Il vient de se faire virer deux fois en même pas une heure, alors que moi c'est la toute première fois que ça m'arrive.

On se lève et on range nos affaires, je suis la première à prendre la direction de la sortie alors que j'entends le brun me suivre au pas, je pousse la porte, pourtant je me retourne quand j'entends la voix de madame Chevalier s'élever une dernière fois.

- J'appelle la vie scolaire, allez en étude, ne traînez pas dans les couloirs !

Noé place sa main sur mes reins et m'incite à sortir alors qu'il fait un bruit avec sa bouche pour répondre et sortir à son tour.

- Elle est tarée j'vais pas en bas moi !

Je souris.

- Mais t'as entendu ? Elle a dit qu'elle appelait la vie scolaire...?

- Et ?

- Bah-

- Il reste même pas vingt minutes, laisse la elle aime trop dépenser son énergie pour rien, viens on va en haut plutôt

J'hausse les épaules alors qu'il prend ma main pour que je le suive, mes yeux ne se détachent pas une seconde de notre liaison, je ne regarde même pas où il m'emmène et ne dit rien pour le ramener à la raison et essayer de lui faire comprendre qu'il faut que l'on descende pour éviter d'avoir des problèmes.

Je me contente simplement de profiter du moment, j'aurais pu payer pour vivre ça avant et enfin, ça arrive.

- Ah putain...

Je fronce les sourcils et lève la tête alors que Noé s'arrête.
En restant dos à moi, il place sa main sur mon ventre pour que je ne fasse pas un pas de plus, puis il observe autour de nous avant d'ouvrir une porte au hasard et de nous entraîner vers cette dernière pour qu'on se retrouve dans une salle de classe encore vide.

Noé se met devant moi alors que je suis contre le mur et il place son index sur ses lèvres en souriant, des bruits de pas se font entendre et mon cœur bat à tout rompre, mélangeant la peur de se faire prendre et la proximité soudaine avec le brun.

J'inspire profondément et surtout comme je peux, car je manque d'air, encore plus quand les iris de Noé se mettent à pétiller à cause de son rire qu'il lâche dès lors que le bruit de pas s'éloigne.

J'ai mal au ventre.

Agréablement mal au ventre.

Je suis perdue, qu'est-ce qu'il se passe ?

 𝗍𝗋𝖺𝗃𝖾𝖼𝗍𝗈𝗂𝗋𝖾 ; 𝐭𝐨𝐦𝐞 𝐭𝐫𝐨𝐢𝐬Où les histoires vivent. Découvrez maintenant