Une paix aménagée

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Pdv Marc 

Fabio conduit prudemment mais assez vite pour que nous n'arrivions pas trop tard. Nous n'étions pas très loin du circuit mais il y a encore vingt minutes de route lorsque je vois qu'il est une heure du matin.

Je ne sais pas pourquoi je suis si mal à l'aise. Fabio doit le sentir parce qu'il tend sa main vers la radio pour l'allumer. Au moment où les premières notes des Spice Girl retentissent, nous nous sourions puis nous nous mettons à rire. L'ambiance se détendant, nous nous mettons à chanter en cœur le refrain, ce qui ressemble davantage à une cacophonie qu'à du vrai chant. Nous rions de plus belle lorsque la chanson se termine et que nous nous retrouvons essoufflés d'avoir autant crié.

- Au fait je voulais te dire, si tu veux qu'on reprenne comme avant, je comprendrais.

Je vois les mains de Fabio se contracter sur le volant, laissant apparaître ses veines sur le dos de sa paume.

- Comment ça "comme avant" ?

J'hésite un peu avant de répondre :

- Tu sais qu'on peut pas vraiment être amis hein ? Si mon manager et le tien apprenaient ça tu sais ce qu'ils nous diraient : "les sourires et les blagues c'est bien pour les caméras, mais l'amitié n'a rien à faire dans la compétition !"

- Le tien dirait peut-être ça, s'emporte Fabio, mais pas le mien. Je suis ami avec Miller que je sache et on laisse ça de côté quand on est sur la moto. Tu mélanges tout en fait...

Je me sens tout de suite agressé par sa remarque et je ne trouve rien de mieux à faire que de me murer dans le silence le reste du trajet. Je me sentais idiot de ne pas savoir faire la différence entre le privé et le professionnel comme lui semblait capable de le faire. Cela faisait longtemps que je ne m'étais pas autant amusé avec quelqu'un et je le repoussais bêtement. Je me surprenais à me demander ce qu'en penserait le psy. Il dirait sûrement que mon idée initiale de me rapprocher de lui n'était pas une bonne idée, et même une très mauvaise.

Lorsque le moteur de la voiture s'arrête je jette un regard vers Fabio, qui à l'air complètement fermé. J'étais toujours si sûr de moi, si à l'aise avec les gens et un petit blond de sept ans mon cadet arrivait à me désarçonner ?

- Ça te dit qu'on fasse notre footing ensemble demain ?

Il se retourne brusquement, surpris. J'aimais provoquer ce genre de réactions chez lui.

- T'es lunatique ou un truc du genre ? T'énerves pas, mais tu changes souvent d'humeur non ?

- Juste avec toi.

Je manque de mettre la main devant ma bouche. C'est sorti tellement vite que je n'ai pas pu le retenir. Il l'a vu et semble cacher ses vraies émotions. Il se contente de hocher la tête en souriant. Il tourne ses yeux vers la vitre et j'ai soudain peur qu'il ne réponde rien. Même moi je ne saurais pas quoi répondre à sa place. Rien de ce que je dis ne semble innocent et cette demande est vraiment en décalage avec ce que je viens de lui expliquer. Lorsqu'il plonge de nouveau ses yeux dans les miens, une sensation étrange s'installe dans ma poitrine et je suis incapable de dire à quoi cela est dû.

- Ok à demain alors.

Il sort de la voiture et me laisse seul. Après un moment d'incompréhension je sors de mon côté, la bras sur le toit de la voiture en le regardant s'éloigner. Il finit par s'arrêter et se retourne vers moi tout gêné. Je me force à ne pas éclater de rire et le regarde récupérer les clés sans rien dire.

- Ok euh cette fois bonne nuit...

Je lui lance un clin d'œil rapide pour le détendre, fais claquer la portière passager et rejoins ma loge.
En m'allongeant dans mon lit ce soir-là je me sens complètement détendu et j'ai déjà hâte du lendemain. Après des mois de rééducation, de sport intensif, jours après jours, cette soirée m'apparaissait comme une véritable bulle de détente et de coupure totale avec mon monde.

Je me demande si je devrais parler de tout ça à mon frère. Je sais que ce n'est pas une bonne idée, je n'ai pas besoin de lui pour me le dire, seulement j'ai peur de me retrouver seul et enfermé dans quelque chose que j'aurais moi-même créé. D'un autre côté, le connaissant, il en parlerait sûrement aux autres et c'était entièrement hors de question.

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