Interdit

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Pdv Fabio 

Pendant qu'Eric me hurlait dessus, je me revoyais sur les plages d'Alicante et j'entendais Marc me dire qu'il était amoureux de moi. Comme si je pouvais tout revoir à ma guise, les images défilaient à toute allure et mes oreilles étaient trop occupées à se souvenir du bruit de son souffle et de ses baisers dans ma nuque.

Lorsque j'avais treize ans, je suis allé m'installer près d'Alicante avec mon manager de l'époque pour m'entrainer et je ne me souviens de rien si ce n'est la difficulté que j'avais eu de partir aussi loin de mes parents. Aujourd'hui, Alicante représente tout autre chose dans mon esprit. 

- Fabio tu m'écoutes ? Mais putain qu'est-ce que t'as dans la tête ? Tu as seulement dix points d'écart avec Marquez au championnat et tu pars en vacances avec lui ? Tu m'expliques pourquoi je me casse le cul pour toi si c'est pour que tu foute tout en l'air à mi-saison ?! 

- Je sais, je suis désolé mais...

Tout à coup, il saute de son siège en se dirigeant vers moi et en me pointant du doigt. 

- Oh tu fais bien d'être désolé, et il n'y a pas de "mais". Tu vas arrêter ça tout de suite si tu veux jouer le championnat sérieusement. Est-ce que tu te rends compte de toutes les rumeurs que je dois démentir ? Putain, ils croient tous que vous baisez ensemble et que nous on camoufle ça parce qu'on est des putains d'homophobes ! Maintenant en plus des journalistes fouille-merde j'ai la Gay Pride sur les bras ! T'as merdé gamin. 

Je ne peux pas m'empêcher de me sentir coupable et en même temps, j'ai une énorme envie d'éclater de rire. Cette situation est tellement grotesque. Je parviens à me retenir à temps avant de répondre. 

- Donc, on a pas le droit d'être amis c'est ça ? 

Les yeux d'Eric semblent maintenant sortir de leurs orbites et je me demande un instant s'il se retient de me frapper ou de me tuer. 

- Mais putain qu'est-ce que tu as dans le crâne maintenant ? T'es le gars le plus sérieux et le plus appliqué que je connais quand il s'agit de ton sport et de tes performances et là tu vas me faire croire que tu ne comprends pas le problème ? Vous pouvez pas être les meilleurs amis du monde et mettre votre vie en jeu sur le circuit en même temps ! C'est dangereux et tu le sais. Je ne sais pas depuis combien de temps ça dure mais tu as faillit mourir à cause de ces conneries !

Ce qu'il y a de bien avec Eric, c'est qu'il ne mâche jamais ses mots avec moi. Evidemment je me souviens de l'accident mais maintenant que tout va bien entre nous, pourquoi ce serait mal ? 

- Marc court bien avec son frère ! 

- Oui, et tu sais comme moi ce qu'il en dit ! 

Il fait une pause pour reprendre son souffle puis reprend plus calmement et froidement. 

- De toute manière il n'y a pas de discussion à avoir. Soit tu arrêtes... ça, tout de suite, soit je t'interdis de rouler à la reprise. Je veux que ce soit réglé avant la fin de la coupure estivale sinon tu ne remontes pas sur ta moto, et je me fous de ce que les sponsors diront, je suis responsable de ta sécurité avant tout. 

Avant que j'ai pu répondre, Eric quitte la pièce au pas de course et claque la porte. 

Je décide d'appeler Marc pour le tenir au courant. 

- Salut. Je viens de parler avec Eric et...

- Oui d'accord, tu me diras plus tard parce que là Emilio vient d'arriver. 

Je connais bien Emilio et je sais qu'il sera beaucoup plus calme qu'Eric mais tout aussi sévère. Quand je vois que Marc n'a pas raccroché et qu'il est déjà en train de dire bonjour à Emilio, je décide d'enclencher le haut-parleur sur mon téléphone pour entendre ce qu'ils se disent. 

- Bon, tu sais pourquoi je suis là Marc. C'est la panique. C'est même la merde. 

Je ne me suis pas trompé sur l'aspect calme que la conversation allait avoir. 

- Je sais ce que tu vas me dire et je... 

- Non tu ne sais pas. Je suis ravi pour toi. Vraiment. Après tout ce par quoi tu as dû passer pendant cette année de rééducation, tout ce travail, cet enfermement, je suis heureux que tu aies enfin trouvé un ami avec qui tu apprécies de passer du temps en dehors de ton frère. Mais ce n'est pas possible. Pas Fabio. 

Pour l'instant, il est bien plus doux que ce que j'aurais cru et je ne peux pas m'empêcher de sourire. 

- Alors je ne sais pas si toutes ces rumeurs sur une relation plus qu'amicale sont vraies et tu sais que je serais toujours là pour toi quelle que soit la réponse, mais cela doit s'arrêter, au moins jusqu'à la fin de cette saison. On ne peut pas se permettre un nouvel accident comme celui qu'il y a eu en début de saison. 

Un silence s'installe entre les deux hommes et j'entends moins bien la voix de Marc car je pense qu'il s'est levé pour parler. 

- Ce n'est pas du tout ce que tu crois Emilio. Tu as bien vu, le gamin monte en puissance et il m'est de plus en plus difficile de gagner contre lui sur tous les circuits. Je ne veux pas finir comme Rossi et c'est pour cela que je prends les devants. Tout ça... c'est pour me le mettre dans la poche. Il est fragile émotionnellement, tu le sais, il avait besoin d'un ami autre que son Tom et je me suis dit qu'il y avait un coup à jouer. Il est influençable, il suffit que je tire les ficelles correctement et je ruinerai toutes ses chances au championnat avant la fin de la coupure estivale. 

- Tu plaisantes ? Tout ça n'est qu'une ruse c'est ça ? Même si je dois reconnaitre que c'est très malin, ça ne te ressemble pas du tout Marc. T'es sûr de vouloir faire ça ? Je ne pourrai pas passer ma vie à démentir les rumeurs tu sais... 

- Tu veux que je gagne le championnat ou pas ? Alors laisse-moi m'en occuper. Les rumeurs c'est un imprévu mais on arrivera à gérer.

- Je suis fier de toi tu sais. Mais tu es comme un fils pour moi et je dois te prévenir que, ce que tu fais là, c'est autant du génie que l'oeuvre du mal. Et puis ce gamin je le connais...il mérite aussi ce qui lui arrive...

- Ne t'inquiètes pas, je sais ce que je fais et lui, il n'est pas important, il s'en remettra. Mais à ce moment-là, avec un peu de chance, il sera trop tard pour lui au championnat. 

Je raccroche tout à coup, incapable d'en entendre davantage. Ça ne peux pas être vrai. Ça ne peux pas arriver. Les images défilent sous mes yeux et des larmes coulent le long de mes joues sans que je ne puisse les retenir. Je place ma main sur mon cœur, par peur qu'il n'explose, et regarde la pièce devenir floue autour de moi. Je ne parviens plus à avaler ma salive correctement. Chaque souvenir s'infiltre sous ma peau comme une aiguille et je ne peux m'empêcher de nier. Ce n'est pas possible. Ça doit être une blague. Cependant, les mots qu'il a prononcé tournent en boucle dans mes oreilles et je suis obligé de me rendre à l'évidence.

Comment ais-je pu être aussi naïf ? Je me souviens de chaque moment de doute, où je me demandais ce qu'il pouvait bien me trouver, où je me disais que c'était bien trop beau pour être vrai. Rien ne pouvait être aussi parfait, ça n'existe pas dans la vraie vie ces histoires-là. Toutefois, une question demeurait : À quel point une personne pouvait faire semblant ? 

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