Réveil

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Pdv Fabio

Mes paupières s'ouvrent presque malgré moi tant elles me semblent lourdes. Je me demande un instant où je me trouve.
L'accident.
Toutes les images me reviennent en tête à travers des flashs entrecoupés. Tout est allé si vite.

- Marc...

J'arrive à peine à reconnaître ma propre voix. Les calmants doivent tellement atténuer la douleur que je ne sens presque pas mon propre corps.

- Il est réveillé !

Je distingue la voix de mon père qui crie à travers une sorte de filtre auditif mis en place dans les tympans. Je ferme les yeux de nouveau pour combattre le violent mal de crâne qui m'assaille.
Ce n'est que lorsque le médecin commence à me manipuler que je reprends totalement conscience.

- Comment tu vas mon garçon ? Tu as mal ? Est-ce que tu te souviens de ce qui s'est passé ?

Évidemment, mon père me mitraille de questions avant même que je puisse répondre à celles que le médecin me pose. Cependant, la seule chose que je veux, c'est qu'on réponde à ma question.

- Où est Marc ?

Toutes les pairs d'yeux de la pièce me regardent fixement sans comprendre et j'ai peur de la réponse qu'on va me donner. 

À ce moment, Tom entre dans la pièce et je respire de nouveau un peu mieux.
Il s'avance rapidement pour me prendre dans ses bras. Mon bassin me fait un peu mal et ma jambe gauche aussi, mais rien n'est comparable à la migraine qui commence à réellement s'installer sur le devant de mon front et dans mes tempes.
Lorsque nos yeux se croisent, il soupire et me dit.

- Il est dans la salle d'attente. En fait... il était là tout le temps depuis l'accident.

Je soupire et respire plus aisément.

- Mais avant de le voir, tu devrais regarder ça...

Après que tout le monde a quitté la pièce, Tom me tend une tablette sur laquelle une vidéo attend d'être enclenchée. J'hésite un instant en voyant le visage de Marc sur la vidéo puis finis par presser mon doigt sur l'écran.

Je l'observe un instant, statique, assis derrière une table typique de conférence de presse, la tête baissée. Une journaliste lui pose immédiatement une question.

- Marc, pouvez-vous nous expliquer ce qu'il s'est passé sur la piste hier ?

Marc soupire et commence à parler, avec le sourire poli qu'il affiche habituellement mais avec une voix tremblante que je suis peut-être le seul à détecter.

- Je... Fabio et moi nous sommes percuté. C'est un fait de course et je suis vraiment... désolé de ce qu'il s'est passé et de l'état critique dans lequel se trouve Fabio...

Il se passe rapidement la main sur les yeux, ces derniers s'étant mis à briller au moment où il avait commencé à parler.

- Mais comment expliquez-vous votre réaction et la proximité apparente entre vous deux après cet accident ?

Il lance un regard vers la droite et je sais ce que cela signifie : il regarde son manager. Lorsqu'il repose les yeux sur les caméras, son front s'affaisse contre le micro devant lui.

Je manque de couper la vidéo tant le voir dans cet état m'est insoutenable.

- Fabio est quelqu'un d'extraordinaire, autant en tant que pilote qu'en tant qu'être humain. Lui et moi sommes en réalité ... très bon copains. Je... je tiens beaucoup à lui et... j'ai hâte qu'il puisse être de retour sur la piste.

Les questions fusent dans tous les sens mais Marc se lève et quitte la pièce en souriant pour donner le change avant que la vidéo ne s'arrête.

Après quelques secondes de choc, je veux redonner la tablette à Tom, avant de me raviser.

- Je veux voir l'accident.

Mon meilleur ami commence à secouer la tête en m'offrant un regard désapprobateur.

- Laisse-moi voir.

Il me lance la vidéo et à partir du moment où nos deux motos partent dans les airs, j'ai la main devant ma bouche, comme pour éviter à ma mâchoire de se décrocher. Je vois la moto s'écraser sur mon corps, le corps de Marc propulsé presque au niveau des barrières et la poussière des graviers envahir les objectifs des caméras. Je le vois ramper vers moi et me retirer mon casque en hurlant sur toutes les personnes qui s'agitent autour. Je le vois rester à genoux, la tête entre ses mains, pendant que je suis ramené sur une civière. Ces images me bouleversent et je ne peux supporter de les regarder plus longtemps.

Quelques minutes plus tard, un homme habillé de blanc, le visage fermé, fait irruption dans la pièce. 

- À quel point c'est grave docteur ?

Le médecin m'explique qu'un des mes tibias a été fracturé par la moto de Marc, que j'ai une commotion cérébrale qui les a obligé par la suite à me maintenir dans le coma pendant trois jours et qu'en gros, tout mon corps est mâché. Cependant, au vu de la gravité de l'accident, cela aurait pu être bien pire et il me confirme que je pourrais bientôt remonter sur une moto si je suis bien toutes ses consignes et toutes mes séances de kiné. 

- C'est un miracle que vous n'ayez pas de lésions cérébrales après un tel traumatisme crânien. Cependant, si vous remarquez quoi que ce soit d'étrange dans votre humeur, vos comportements ou quoi que ce soit d'autre, ne soyez pas stupide, contactez-moi. 

J'ai envie de rire face à sa franchise mais c'est un peu trop douloureux alors je me contente d'un sourire. Lorsqu'il sort de la chambre et que mon père le suit pour signer les papiers de ma sortie, je demande à Tom d'aller chercher Marc. Il acquiesce mais semble réticent.

- Ce n'est pas uniquement de sa faute tu sais ? Dans un accident il y a toujours deux pilotes... De toute façon c'est vraiment terminé entre nous, tu n'as pas à t'en faire.

- Oui mais c'est lui qui est rentré dans ta roue ! Tu l'as bien vu ! , me hurle-t-il en me coupant la parole.

Le voir dans cet état me fait prendre conscience de ce qu'il a pu vivre durant ces quelques jours que j'ai passé dans le coma. Je sais qu'il a dû rassurer mes parents, rester fort à leur côté pendant qu'ils laissaient éclater leur inquiétude et je me sens reconnaissant d'avoir un ami aussi dévoué. Je me redresse un peu sur le lit grinçant et reprend plus doucement. 

- J'ai vu qu'il voulait me doubler et au lieu de jouer la sécurité, j'ai dévié de ma trajectoire pour fermer la porte à l'intérieur. Ce geste m'aurait sûrement conduit à chuter, même s'il avait réussi à passer, j'aurais certainement perdu l'avant.

Il se met à rire doucement. Je l'interroge du regard.

- À peine réveillé, t'es déjà dans l'analyse de ta course.

Nous rions ensemble mais la douleur que cela produit dans mes abdos m'empêche de continuer plus longtemps. Je le remercie pour la centième fois depuis que j'ai ouvert les yeux et il quitte la chambre. Mon cœur se met à battre la chamade. J'essaie de me relever encore un peu grâce à la télécommande du lit automatisé, incapable de le faire avec mes propres muscles. Je me demande comment je vais trouver Marc et comment il va agir avec moi.

Ce n'est que lorsque je le vois entrer dans la pièce, les yeux rouges, que je me rends compte que rien n'a d'importance lorsqu'il est près de moi. J'oublie toute ma douleur et nous restons là, l'un face à l'autre, à nous regarder dans les yeux.

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