Pdv Fabio
Quand la moto démarre, je laisse mon cerveau s'éteindre et il n'y a plus que la vitesse qui compte. Viñales a dominé les essais ainsi que les qualifications, ce qui fait que je pars deuxième et que Marc part cinquième, mais je suis clairement supérieur en rythme de course et c'est pour cela qu'il faut que je parvienne, dans le meilleur scénario, à m'échapper dès le début.
Lorsque nous sortons des stands pour aller nous placer sur la grille, Marc vient se mettre à côté de moi et nous roulons côtes à côtes pour sortir de la voie des stands. A mi-chemin, il relève sa visière et m'offre un clin d'oeil plein de sous-entendus. En premier lieu, un noeud se forme au creux de mon estomac, mais un bon noeud, un de ceux qui s'accompagnent de légers battements d'ailes dans l'estomac, puis je me met immédiatement à avoir peur qu'une caméra ait capté ce moment.
Peu importe. Après avoir déposé ma moto, je repars dans mon stand comme à mon habitude et écoute ma musique. En effectuant mes derniers échauffement j'aperçois sur un écran le regard vide et concentré de Marc perturbé par un journaliste. Il ne parle habituellement à personne à part à la télé espagnole dans ces moments-là mais il semble faire une exception.
- Bonjour Marc, vous partez plus loin que votre rival aujourd'hui. Quel est votre objectif pour cette course ?
Il offre un grand sourire à la caméra en la regardant plus longtemps que de raison et j'ai l'impression qu'il sait que je l'observe.
- Mon objectif est de gagner la course bien évidemment, ou au moins de me battre pour la deuxième meilleure place du podium.
- Quelle est votre stratégie ?
Il regarde de nouveau la caméra, sans plus aucun sourire, et remet ses lunettes de soleil avant de répondre.
- Ne pas laisser s'échapper le petit diable.
Le journaliste salue Marc avant de continuer son ascension de la grille et je peine à avaler ma salive.
- Aller faut y aller vieux. Tu veux parler aux caméras aujourd'hui ?
Tom se place dans mon champ de vision et me ramène à moi. Je me contente de faire non de la tête et il me dit que je peux encore attendre deux minutes avant de sortir si je ne veux pas être dérangé. Il me donne une tape dans le dos et me demande si tout va bien. Je mets quelques secondes à lui répondre puis lève les yeux vers lui.
- Je vais gagner aujourd'hui.
La détermination dans mon regard et dans ma voix doivent le contenter parce qu'il m'offre un de ses plus beaux sourires avant de me tendre mes gants et de prendre mon casque. Je fais exprès de descendre la fermeture de ma combinaison jusqu'à la ceinture de mon caleçon et me retourne vers Marc lorsque j'arrive au niveau de ma moto. Nous sommes exactement l'un derrière l'autre et je sais que si ses capacités physiques étaient entièrement revenues, les places seraient probablement inversées mais aujourd'hui ce n'est pas le cas et je compte bien le battre à plate couture. Je vois bien qu'il essaie de rester impassible mais qu'il m'observe derrière ses verres teintés. Je place une branche de mes lunettes entre mes dents pour libérer mes mains puis commencent à remonter ma fermeture éclair de manière suggestive. Je vois ses lèvres s'entre-ouvrir légèrement et je sais que ma mission est accomplie. Je n'aime pas jouer à ces petits jeux habituellement et cela va à l'encontre de nos règles mais il avait commencé.
La course est une bataille de titans. Viñales fait un mauvais départ et se fait enfermer dès le premier virage, ce qui ne pouvait pas mieux tomber. Bagnaia, qui partait de la troisième position, prend l'avantage grâce au moteur de sa Ducati. Lorsque je crois être à l'abri, la moto du 93 passe à l'intérieur, manquant de me faire tomber, et sort comme un boulet de canon en parvenant à garder la corde. Nous faisons trois tours en nous doublant successivement avant que je puisse conserver mon avantage dans la ligne droite. Grâce à ce petit combat, Bagnaia à pu prendre un peu d'air alors j'augmente mon rythme au maximum pour le rattraper en prenant tous les risques. Maintenant que mes pneus sont bien chauds, je me sens intouchable. Je sais grâce aux panneaux d'affichage que Marc n'est qu'à une demie-seconde de moi mais ce n'est qu'une question de temps avant qu'il ne commence à fatiguer. Au bout de quatre tours, je suis parvenu à revenir sur Bagnaia et parviens à le doubler avec deux tours supplémentaires. Maintenant, si je ne fais pas d'erreurs, je suis inarrêtable.
Mais je me rends compte à cinq tours de la fin que je n'ai plus d'informations concernant Marquez derrière moi et je me met à avoir peur qu'il lui soit arrivé quelque chose, qu'il ait chuté, qu'il se soit blessé. Jamais des pensées semblables n'étaient venues parasiter une de mes courses auparavant et je fais quelques erreurs qui me font perdre petit à petit mon avance sur l'italien. Lorsque je passe enfin la ligne d'arrivé toujours en tête, je ne prends même pas le temps de célébrer ma victoire mais me décale pour me retourner et vérifier qui se trouve derrière moi. Sans surprise, Bagnaia passe la ligne après moi à seulement une seconde et demie d'écart et mon coeur saute un battement lorsque je vois la moto de Marc sortir de la chicane.
Je laisse ma tête retomber sur le réservoir de la moto et salue la foule en délire. Je m'arrête pour serrer Tom dans mes bras et taper dans la main des hommes de la sécurité et Marc vient s'arrêter juste à côté de ma moto pour me taper dans le dos. J'essaie de lui rendre mais il redémarre aussitôt pour se rendre au parc fermé.
Lorsque je descends de la moto et après avoir célébré avec ma team, je me dirige vers Bagnaia pour lui serrer la main et croise le chemin de Marc, qui a déjà retiré son casque et ses gants. Je fais de même et nous nous prenons dans les bras l'un de l'autre sans nous soucier des gens autour. Il place sa main derrière ma nuque et je colle mon front au sien pendant quelques secondes, apaisé par sa présence et par son geste. Il sourit comme il en a l'habitude à la fin des courses et se dirige vers le micro d'un des journalistes pour débriefer sa course.
Quand il m'arrose sur le podium, le champagne a le goût des vacances sur mes lèvres et je ne rêve que d'une chose : Alicante.
Avant de poser pour la photo, il se penche vers moi et me glisse à l'oreille :
- On part dès ce soir.
***
Cette fois-ci je serre Tom dans mes bras avant de faire semblant de prendre un taxi et j'envoie un message à mes parents pour leur dire que je suis sur le départ. Evidemment ils ne m'en veulent pas mais au fond je sais qu'ils sont déçus de ne pas me revoir plus tôt.
Nous sortons de l'obscurité pour aller profiter du soleil brûlant d'Alicante et je ne peux pas être plus heureux. Cette fois-ci, ma tête repose sur son épaule dans l'avion et nos doigts sont entrelacés pratiquement tout le trajet car il a relégué le steward dans sa cabine. Je me demande comment j'ai pu vivre jusqu'ici en étant sain d'esprit sans ressentir ce que Marc me fait ressentir à chaque instant. Je ne parviens pas à trouver les mots pour exprimer toutes ces émotions différentes mais je sais une chose : ce voyage ne pourra être que bénéfique pour nous. Je me demande cependant si le brun est dans le même état d'esprit que moi lorsque je vois ses yeux noirs fixer les nuages, impassibles face au spectacle de cette guimauve éclairée par la Lune.
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Rivals
FanfictionCe sport est sans pitié et ils se feront prendre à son jeu. Deux pilotes au plus haut niveau s'affrontent autant sur la piste que dans leur vie personnelle et les enjeux s'entremêlent. La limite entre les deux mondes qu'ils doivent concilier est trè...