Braver les interdits

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Pdv Marc

J'ai beau courir après lui, il est déjà trop loin pour que je le rattrape alors je décide de l'attendre sur les marches de son camion. Qu'est qu'il venait faire là ? Pourquoi n'a-t-il pas frappé ?

Comment j'avais pu laisser ça arriver ?
Je me sentais tellement... seul et vide. Et elle était là. Même une heure plus tard, en fermant les yeux, je revois encore l'expression sur son visage. S'il y avait une chance pour nous, elle est aujourd'hui réduite à néant. Malgré tout, je dois lui parler, tenter de lui expliquer que...

- Qu'est-ce que tu fous là ?

Je relève ma tête d'entre mes bras et vois Fabio me surplomber de toute sa hauteur. Je me relève rapidement et me passe une main dans les cheveux pour essayer de ressembler à autre chose qu'un sans domicile.

- Je dois te parler.

- Mais je n'ai pas envie de t'écouter.

Il me bouscule pour passer et j'arrive à bloquer la porte avec mon pied avant qu'il ne la referme sur mon nez.

- Écoute-moi juste cinq minutes d'accord ? Et après je te laisse tranquille. Promis.

- Tes promesses tu peux te les garder...

Il met ses mains sur ses hanches, les laisse retomber puis finit par s'appuyer sur le rebord du l'évier en soufflant. Je sais que je ne vais avoir qu'une chance alors j'essaie de faire le tri dans mon esprit, de choisir les bons mots, mais tout est confus. Je ne sais pas par où commencer et je vois qu'il s'impatiente.

- Ok euh... je suis désolé.

Il se met à rire et je reprends aussitôt.

- Oui je suis désolé pour tout ! Vraiment... Je sais que tu ne veux plus me faire confiance, et c'est normal je comprends, mais essaie de me croire quand je te dis que je t'aime. Pourquoi je te mentirais ? Pourquoi j'insisterais si ce n'était pas vrai ? Qu'est-ce que j'aurais à y gagner ?

Je n'essaie pas de paraître moins désespéré que je ne le suis et m'approche de lui lentement pendant que je parle. Il a l'air de réfléchir, de peser le pour et le contre de ce que je dis et j'ai l'impression qu'il me croit.

- Et Lucia ? C'est parce que tu m'aimes aussi ?

Je me rapproche encore et parviens à prendre sa main.

- Elle... je n'ai rien à dire pour ma défense. Je me suis laissé aller parce que... ça faisait trop mal et qu'elle était là pour combler le vide que tu avais laissé.

Il a toujours les yeux baissés sur sa main dans la mienne et je ne peux pas dire ce qu'il pense. Je sens que si mon cœur continue de s'emballer comme il le fait, je ne vais pas pouvoir rester sur mes pieds durant longtemps. Il secoue la tête avant de relever des yeux indifférents vers moi.

- Oui mais voilà. Moi je ne veux plus de toi. Pas après tout ça. C'est mieux pour tout le monde.

J'ai l'impression qu'une vague vient de s'abattre sur moi et je recule en lâchant sa main. Je l'interroge du regard, l'observe sans comprendre. Mais peut-être qu'au fond je comprends très bien ce qu'il se passe. J'ai eu l'audace et la prétention de croire que ce que je ressentais, ce besoin impérieux d'être avec lui, près de lui, était partagé. En réalité il s'en sortait bien mieux sans moi. Malgré ça, je ne peux pas empêcher mes larmes de couler. À une certaine époque, qui n'est pas si lointaine, je n'aurais jamais laissé qui que ce soit me voir pleurer et je n'aurais sûrement pas pleuré pour une affaire de coeur. Je le regarde une dernière fois et croise ses yeux vides. Il ne semble même plus en colère ni même triste. J'ai beau savoir que je mérite ce qu'il m'arrive, cette situation est insupportable. Après tout ce que nous avions partagé il ne voulait plus de moi ? de nous ? Mon problème résidait en cette seule distinction. Fabio ne me manquait pas, je le voyais toutes les semaines et partageais le plus souvent des podiums avec lui. 

Ce que nous étions ensemble me manquait, parce qu'avec lui je pouvais enfin essayer de m'aimer. Je faisais partie d'un tout que nous formions à deux et à présent, je n'étais plus que la moitié de moi-même. Je lui ai laissé la plus grande partie de mon coeur sans vraiment m'en rendre compte, en tombant amoureux de lui doucement puis complètement, et aujourd'hui je vois cette partie écrasée à l'intérieure de son poing fermé, réduite à néant par ses mots. 

- D'accord, mais tu te souviendra que c'était ton choix, pas le mien. 

Je passe la porte sans me retourner et sans prendre le temps de la fermer puis me dirige vers mon camion. Évidemment, Lucia est toujours sur mon canapé. 

- C'était quoi ça ? Tu m'expliques ? Tu te le fais vraiment en fait, c'est ça ? 

- Sors. 

Elle me regarde, amusée comme si je venais de lui raconter la meilleure blague de l'année. 

- Sors d'ici ! 

Maintenant convaincue que je suis sérieux, elle attrape ses affaires à la hâte et fais exprès de passer près de moi pour rejoindre la porte. 

- Tu me dégoûtes. 

Au moins un sentiment réciproque dans la soirée... Je décide d'envoyer un message au psy pour prendre rendez-vous avant la course puisque j'ai séché notre heure du mercredi. Il est temps que je sois vraiment honnête avec quelqu'un et que je parvienne à me remettre sur pied pour finir ce foutu championnat. S'il ne veut plus de moi alors je dois retrouver celui que j'étais, la bête de course qui n'aime que son équipe et sa famille. 

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