Lien Lunaire

16 - Le voyage 🌔

Quel est le but d'une vie ?
Je ne suis plus si jeune et pourtant, j'ai l'impression de n'avoir jamais réellement eu de but dans ma vie.

Je suis né, haïs par mon pseudo père, pris en pitié par ma propre mère et supporté par mon grand frère.

D'aussi loin que je me souvienne, c'est-à-dire lorsque j'étais bien jeune, j'ai toujours eu cette sensation d'être une erreur. D'exister mais que disparaître soulagerait bon nombre des personnes qui m'étaient proches. Le fait de grandir en étant le vilain petit canard, brise une partie de notre âme, et fait de nous un véritable monstre.

J'ai toujours été plus sensible que Max mais pourtant, c'est moi qui était plus monstrueux que lui. J'ai fait des choses... des choses terribles, des choses impardonnables. J'ai arraché la vie de tant de personnes, brisée tant de personnes... j'ai tout simplement été destructeur, pour moi et pour ceux qui m'approchaient.

Je suis destructeur.

Et parfois, je continue de m'imaginer ce qu'aurait pu être ma vie si j'avais agi différemment. Est-ce que la meute de mon père serait toujours là ? Lizzie, Dickon, Marie, Rebecca et tous les autres... Et si, Monroe n'avait jamais rejoint notre meute ? Et si, Max ne l'avait jamais mordue ? Alors elle aurait terminé ses études, notre meute serait entière, nous vivrions toujours dans ce même manoir à Hellbound et Jess ne serait jamais réapparue.

Je reviens à moi et sors de mes pensées lorsque j'entends Max geindre et son corps heurter le sol. Je me retourne et me précipite vers lui pour l'aider à se relever. Il se tient à moi et au tronc d'arbre à côté de lui. Il serre les dents, grimace mais toutes les contusions de son visage ont finalement disparues.

— Tu te sens bien ? demandé-je.

Il me repousse mollement et se redresse tout en inspirant profondément.

— Non Marius, j'étais mort il y a encore deux jours.

Je baisse les yeux et fait claquer ma langue contre mon palais. Oui, j'ai tué mon frère et je peux le dire, l'avouer : c'est moi qui l'ai tué et pas lui. En soit, j'ai gagné la partie, quoi que... non. C'est Max qui a gagné, ou peut-être plutôt la lune puisque ni lui ni moi ne pourrons nous venger l'un de l'autre. Nous sommes voués à nous supporter, quoi qu'il arrive, peu importe les chemins que l'on a pris.

— Mais tu ne l'es plus alors... c'est juste de la fatigue, on n'a rien dans le ventre depuis deux jours et...

— On est au milieu de nulle part, putain !

— Maximilien, je t'interdis de me crier dessus.

— Range moi cet air sarcastique tout de suite, c'est vraiment pas l'endroit ni le moment.

— Je t'ai sauvé la vie !

— Mais c'est toi qui me l'a ôtée !

Certes.

— Oui, sauf que finalement, moi aussi j'allais mourir alors je t'ai sauvé et crois-moi, j'étais loin d'être obligé de le faire ! Parce que...

Je me tais, je sens mon coeur s'accélérer et ma pudeur refaire surface.

—Parce que quoi ? insiste Max de sa lourde voix agacée.

Parce que j'aimerais mourir pour ne plus jamais ressentir toute cette haine, cette douleur, cette torture...

— Rien, laisse-moi t'aider à avancer, grommelé-je.

Lorsque je m'approche de lui, il me repousse brutalement. Je serre les mâchoires, inspire par le nez, expire par la bouche, je l'insulte dans ma tête et reprends ma marche devant lui. Il n'a qu'à se débrouiller et s'il préfère moisir ici dans cette forêt, ainsi soit-il.