5- Le petit hangar 🌑

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Je suis côté passager dans son pick-up noir, parfaitement propre à l'extérieur comme à l'intérieur. Nous roulons depuis presque une heure, je garde mes bras croisés, les yeux rivés sur le paysage qui défile devant moi. Je sais qu'il me lance des regards mais le voilà muet maintenant. Deux muets, comme deux ados timides.

— Il y a une règle à Hellbound, les loups-garous doivent chasser seulement les animaux et se nourrir d'eux. Il est interdit de mordre ou dévorer un être humain quel qu'il soit.

Il commence à me déballer cette histoire tordue. Je garde mes lèvres scellées, sans lui jeter un seul coup d'œil.

— C'est un pacte que ma meute et celle des Chasseurs ont fait. Parce qu'il y avait trop d'accidents, trop de morts et nous vivions traqués comme du gibier.

— Il suffit de contrôler ses pulsions. Vous êtes aussi idiots que des psychopathes, grogné-je entre mes dents.

Je sens son regard peser sur moi. Je tourne la tête et croise ses yeux incroyablement profonds. Il est si beau, terrifiant, énervant. Je le déteste et je me déteste de l'avoir suivi malgré moi.

— Ferme-la et écoute-moi, ordonne-t-il.

Je hausse les sourcils et détourne mon regard. Nous semblons nous éloigner de la ville, nous enfoncer dans la campagne. Loin de chez moi, je me sens vulnérable. Mon appartement, c'est mon cocon, l'endroit où je me sens en sécurité, le quitter c'est un grave erreur.

— J'ai toujours su respecter cette règle, mais l'autre soir, je t'ai senti et j'ai pas pu me contrôler.

— Moi j'aimerais savoir une chose espèce de taré, comment tu peux te transformer en toutou et retrouver une forme humaine juste après ? Sais-tu que les canidés n'ont pas du tout...

— Tais-toi, m'interrompt-il.

J'inspire profondément et renfonce ma langue dans ma bouche. Difficile pour moi de me taire. Je suis énervée et effrayée, c'est mon seul moyen d'autodéfense. Il ne contrôle pas ses pulsions d'animal et bien moi je ne contrôle pas mon débits de parole en situation de danger.

— C'est pas normal, tu comprends ça ? Insiste-t-il.

Haussera-t-il le ton un jour ? Il reste calme même quand il devrait me remonter les bretelles.

— J'aurais dû pouvoir me contrôler et tu devrais être morte. D'ailleurs, ce serait tellement plus simple si t'étais morte. C'est pas le cas alors je dois rectifier mes erreurs.

Je me redresse sur mon siège et me colle contre la portière en le dévisageant. Il se gare devant un petit hangar glauque et peu rassurant. Il tire son frein à main et se tourne vers moi. Je me retrouve dans un film d'horreur où je suis la proie et lui, l'assassin.

— Je vais pas te tuer, déclare-t-il.

Nous sommes entourés de forêt, un hangar nous attend et c'est lui qui a les clefs du pick-up, que pourrait-il m'arriver de pire ?

— Je vais seulement t'attacher.

J'écarquille les yeux. Il sort de sa voiture et en fait le tour. Je me mets alors à hurler, je verrouille ma portière. Je suis face à lui, lui qui tente d'ouvrir cette porte. Il a l'air agacé. Il tire sur la poignée, la portière grince et se tord. Je crois bien que mes yeux vont sortir de leurs orbites. Il tira une nouvelle fois et la voila brisée. Moi, je suis alors à sa portée. Je tente de passer sur l'autre siège mais il m'attrape la cheville et me tire hors de la voiture. Mon menton frappe l'herbe humide et je tente de m'accrocher à tout ce que je trouve.

— Au secours ! hurlé-je. Aidez-moi !

Il se penche sur moi, enroule ses bras autour de mon buste et me soulève. Je ne touche plus le sol. Contre son corps, mon cœur menace de s'extirper hors de ma poitrine, mon sang se glace et je ressens tout de lui. Ce lien... c'est bien pire que le lien qu'on peut créer lorsqu'on couche avec quelqu'un. Lorsqu'on s'apprête à avoir un orgasme. C'est si fort... je suis terrifiée. Je frappe son dos avec mes poings parce qu'il me porte comme un vulgaire sac de patates mais mes coups ne semblent pas le faire souffrir.

Il me jette dans la paille. Mes cheveux sont ébouriffés et je le regarde. Mon visage doit être déformé par la peur et le questionnement. Il attrape mon pied et me tire, mes fesses glissent sur la paille et je me retrouve allongée sur le dos. Je fixe le plafond pendant qu'il attache un bracelet en acier relié à une chaîne épaisse à mes deux chevilles. Ensuite il me lâche mais je ne bouge plus. Il a tellement serré que je ne sens même plus mon sang circuler.

— Tu vas me violer... me frapper... soufflé-je.

Je me redresse doucement, il s'est accroupi devant moi et m'observe sans un mot de ses yeux sombres. Je reste assise devant lui, je le regarde moi aussi. Des larmes ont coulés sur mes joues.

— T'es pas mon genre, Monroe.

Dans un autre contexte, j'aurais été vexée parce que moi, il me plait énormément.

— Relâche-moi.

Il prend ma main. De nouveau, un frisson parcoure mon corps et se fraye un chemin le long de mon échine. Je le regarde, dans l'incompréhension. Je comprends vite quand il m'attache de nouveau à d'autres chaînes, les deux bras, les deux jambes... comme un animal.

— T'es un monstre... je souffle.

— Je me protège. Nuance.

— De quoi ? Je demande en grognant et relevant mes yeux embués de larmes vers lui.

— De toi.

Je renifle et ramène mes jambes contre ma poitrine.

— Je suis plus vulnérable que toi.

— Pas pour longtemps.

Je pose mon menton sur mes genoux et fixe ses chaussures légèrement salies par la paille. Il a de grands pieds. En fait, il est terriblement grand. Je dirais qu'il frôle le mètre quatre vingt quinze mais je ne suis pas devin.

— Tu me remercieras d'ici trois jours, reprend-il.

— Merci infiniment parfait inconnu de m'attacher comme un animal, de me violenter et de me garder captive dans un vieux hangar qui sent le crottin de cheval. Je te suis entièrement reconnaissante de briser la vie d'artiste qui m'attendait ! Lancé-je d'un ton ironique.

Je le regarde avec dédain, et lui n'a toujours pas changé d'expression. Il s'en fiche royalement.

— C'est bon ? T'as fini ?

Je me mordille les lèvres et baisse le regard.

— Je m'appelle Maximilien, reprend-il. Appelle moi Max, plutôt que « inconnu ».

— Je me ferai une joie de divulguer ton prénom à la police, Max.

Il pouffe de rire.

— Crois-moi, quand tu auras muté, tu ne demanderas qu'une chose : moi.

Je plisse les paupières et le dévisage.

— Tu as beaucoup trop confiance en toi. Je ne développerai pas le syndrome de Stockholm. T'es pas mon genre non plus, Max.

Il hoche la tête. Bien sûr qu'il est bel homme, je crois même que je n'ai jamais croisé un type avec autant de sex-appeal. Mais je le hais.

— Que tu le veuilles ou non, on est lié toi et moi.

— Et alors ?

— Alors tu ne voudras que moi. Tu pourras rentrer chez toi si tu veux, mais loin de moi, tu continueras à voir à travers mes yeux, à rêver de moi, à penser à moi. Je suis pas ton bourreau, je suis victime des mêmes choses. Faut qu'on s'entende tous les deux. Je veux pas risquer ma vie pour une petite rouquine un peu trop coriace.

— Tue-moi alors.

Son visage se décompose instantanément.

— Je peux pas... souffle-t-il. 

Il se relève et me tourne le dos, il quitte le hangar sous mes yeux, ferme les deux portes et me laisse seule dans le noir.

Moi je n'ai que ses yeux en tête et son odeur dans le nez...

Je vous remercie d'avoir lu !

Lien LunaireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant