7 - Le dernier fragment de mon coeur 🌒

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Je sors en trombe de ma chambre, maintenant que les douleurs au niveau de mon ventre ont cessé et j'avance d'un pas ferme dans le jardin. Une veillée bat son plein autour d'un feu de camp, sous le ciel étoilé. C'est une soirée fraîche et apaisante pourtant, moi, je ne suis pas apaisé, loin de là.

Les poings serrés, je m'avance vers Gabriel qui reste debout à raconter une histoire et alors qu'il se tourne vers moi le sourire aux lèvres, j'abats mon poing contre son visage. Il tombe à la renverse, quelques uns de ses fidèles serviteurs se lèvent de stupeur tandis que je passe mes jambes de part et d'autre de son corps. Je me baisse, attrape le col de sa chemise et le redresse légèrement pour le frapper à nouveau, son nez se brise sous mes phalanges et du sang vient inonder son visage.

— Qu'est-ce que tu as fait ! m'exclamé-je.

Je saisi son col de mes deux mains et approche son visage du mien.

— Tu l'as violée ! Tu l'as violée tellement de fois et par ta faute... par ta faute...

— Quoi, Marius ? grogne mon père tout en léchant ses lèvres pleines de sang. Ce n'est que maintenant que tu te réveilles et que tu te décides à me frapper ?

Je le fixe un instant, les lèvres retroussées avant de finalement le lâcher et me laisser tomber sur les fesses. Ma main est gonflée, je l'ai frappé deux fois, mais deux fois avec une telle violence que j'ai dû me casser des doigts. Je pousse un profond soupir, je respire fort et j'ai cette angoisse dans la gorge qui m'étouffe.

Gabriel se redresse et se remet sur pieds, il essuie d'un revers de la manche le sang qui coule de son nez et jette un coup d'oeil à ses louveteaux.

— Laissez-nous seuls, ordonne-t-il les yeux rouges.

Il n'a pas besoin de le répéter, très rapidement il ne reste plus que lui, moi et le feu qui crépite. Gabriel s'accroupit devant moi et me fixe un instant tandis que je préfère me concentrer sur l'herbe humide.

— Parle-moi, Marius.

Je relève les yeux vers lui, j'ai une dent contre lui, je le déteste pour ce qu'il a osé lui faire et ce que j'ai vu, ce que j'ai senti... c'est ancré dans ma tête et ça me fait tellement de mal. Il pose sa main contre ma nuque, une main chaude et rêche et il la serre, comme pour me faire comprendre qu'il est présent pour moi.

— Tu l'as violée... marmonné-je sans forces.

— Oui, dit-il seulement ses yeux plongés dans les miens.

— Pourquoi...

— Je suis un barbare, dit-il simplement. Je ne ressens aucune empathie pour mes victimes et je n'en ressentirai jamais. Il fut un temps où j'étais comme toi Marius, je ressentais tellement d'émotions que parfois, je ne parvenais tout simplement pas à les contenir... j'étais une véritable bombe à retardement. Puis, on a piétiné mon coeur, ma dignité, on m'a humilié, on m'a traité comme un moins que rien... lorsque le dernier fragment de mon coeur a été bousillé par ta propre mère, mes émotions se sont envolées.

Je secoue la tête et repousse son bras, finalement je me relève et lui fait face. Il n'est pas beaucoup plus grand que moi, certes je ne suis pas le plus grand des hommes mais je n'ai jamais eu peur de personne sauf peut-être de moi-même.

— Je ne suis pas faible comme tu prétends que je le suis.

— Je n'ai jamais dit ça, Marius.

— Dis-moi... par pitié... dis-moi que ce n'est pas ton enfant.

Je le vois qui fronce les sourcils, penche la tête sur le côté et me considère de longues secondes sans un mot.

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