29 - Hurlement 🌕

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Je me trouve devant leur porte d'entrée. Mon cœur palpite contre ma poitrine, des fourmis engourdissent mes jambes, ma gorge est nouée.

Je me trouve devant la porte d'entrée de la maison de mes parents.

Je dois essayer.
Maintenant que je suis seule, sans meute, sans amis, sans rien.
Je dois essayer de revoir mes parents.

J'inspire profondément, bloque ma respiration, et je frappe trois coups bien distincts à la porte.

Je tire sur ma veste, je n'ai que cette robe de soirée sale et qui sent le feu de cheminée...

Ma mère ouvre la porte. Elle ouvre de grands yeux lorsqu'elle me voit et entrouvre la bouche sans qu'aucun son n'en sorte. J'esquisse un faible sourire, légèrement gênée.

Finalement elle me tire contre elle et m'enlace. Elle me serre si fort que je crois étouffer.

— Ma Monroe, j'ai cru que nous ne te reverrions jamais...

Je ferme les yeux, soulagée de cette réaction. D'autant plus après ce que j'ai dit au téléphone.

Elle m'invite à entrer et me sert un thé. J'enlace également mon père puis ils me regardent, tous les deux, comme s'ils m'analysaient.

— Je suis désolée, commencé-je pour briser le silence.  J'aurai dû tout vous dire depuis le début... je... je ne sais plus vraiment où aller et... j'aimerais rester ici, si vous voulez toujours de moi.

— Évidemment ma chérie, souffle ma mère. Pourquoi ne voudrions nous plus de toi ?

Parce que Marius pense que vous êtes des chasseurs. Mais cela, je ne pourrais leur dire.

— Parce que je ne vous ai jamais parlé de mes problèmes...

— L'important c'est que tu te sois remise de cette blessure. Je sais que l'accident d'Alice t'as profondément marquée, et ça a dû raviver tellement de souvenirs en toi.

Nous sommes debout, dans la salle à manger. Mon père est d'un silence glacial et ma mère tente de me rassurer de sa douce voix. Je ne sais plus vraiment quoi faire. Quoi leur dire. Je me sens si faible et pourtant, j'ai des facultés qui me rendent plus forte. A l'intérieur, je me brise. Comme si finalement, j'avais réellement besoin d'être entourée d'une meute pour survivre.

— Assieds-toi ma puce, reprend ma mère. Je vais te préparer une tisane.

Je m'assois alors à la table, pose mes mains sur la nappe et ma mère part dans la cuisine. Mon père me regarde un instant avant de la suivre pour lui donner un coup de main. C'est étrange la sensation que j'ai. Celle de ne pas être à ma place. J'entends des murmures provenir de la cuisine. Instinctivement, je tends l'oreille.

— On ne va pas la mettre à la porte, chuchote ma mère.

— On ne peut pas non plus la laisser vivre ici maintenant qu'elle est comme eux.

Je sens mon cœur qui s'accélère et toutes les paroles de Marius qui me reviennent en mémoire.

— S'il te plaît Gustave, c'est notre fille... souffle ma mère.

— Non, notre fille est morte. C'est un monstre aujourd'hui. Elle change de forme et tue des innocents. D'ailleurs, ça n'a jamais réellement été notre fille et je n'aurais jamais dû te suivre !

Je relève la tête. Que veut-il dire par là ? Alors je ne suis pas leur fille ? Je me lève d'un bond, mon pouls est incontrôlable et je ne sais plus comment réagir.

— Elle va t'entendre, alors baisse d'un ton !

— Tu aurais dû laisser ce bébé là où il était ce soir là, si l'un des nôtres l'apprend...

Je décide de partir sur le champ. Je ne suis visiblement pas la bienvenue ici. J'ouvre la porte d'entrée brusquement et cours à l'extérieur. J'entends ma mère m'appeler mais je ne m'arrête pas de courir le long de ce patelin de maison. J'entends mon cœur qui bat contre mes oreilles, mon souffle court.

Je ne suis pas leur fille.

Depuis que Max est parti. Je suis rien d'autre qu'une pauvre brebis égarée, perdue et déchirée.

Marius avait raison. Ils nous chassent et je n'ai jamais été leur véritable fille. Je ne sais pas qui sont mes parents et d'ailleurs, je ne veux pas le savoir. Je ne suis qu'une orpheline.

Une brebis égarée.

La nuit commence à tomber et la lune ronde à prendre place dans le ciel. Je ne sais pas combien de temps ça fait que je cours. Je sens la sueur qui perle sur mon front. Je sens ma peine se déverser sur mes joues.

Je cours sur un sentier de forêt, et je grogne. Parce que la bête veut sortir mais je préfère qu'elle reste enfermée. Ma nuque se raidit, mes jambes aussi mais je ne m'arrête pas. Ma course est interminable.

Finalement, je me prends les pieds dans une racine d'arbre et tombe sur mes deux genoux. J'amortis ma chute avec mes mains et serre la terre sèche entre mes doigts. Je pousse un cri qui ne se termine que par un grondement de loup. Je ne peux lutter contre ma véritable nature, celle qui est cachée à l'intérieur de moi. En liberté comme ça, je risque de faire des dégâts. Encore plus comme je suis en colère.

Je le laisse prendre ma place. Je le laisse briser chacun de mes os, déformer mon corps. Je suis à sa merci.

Ce soir, toi... le loup, tu feras ce que tu voudras. Je préfère m'endormir. Ne pas rester éveillée pour voir ce que tu feras. Je préfère plonger dans les ténèbres.

La dernière chose que j'entends avant de m'endormir. C'est son hurlement.

Notre hurlement.

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