A Taste Of Eternity

Chapitre 29 : Auriane

La vibration de mon téléphone contre le bois de ma table de chevet me sort du sommeil. Je gémis de frustration d'être réveillée avant que mon réveil ne sonne. J'ouvre pourtant les yeux, les rideaux filtrant la lumière du jour, empêchant l'agression de mes pupilles.

Je tourne mollement mon visage vers la droite, là où se trouve Ethan. Il dort sur le côté, son visage paisible tourné vers moi, presque dans le creux de mon cou et un de ses bras autour de ma taille. J'essaie de ne pas faire de mouvements brusques pour ne pas le réveiller, alors je reste un moment à fixer le plafond en essayant de me remettre de la nouvelle que m'a annoncé John, hier.

Notre frère aîné va se marier. Avec une femme qu'on ne connait pas, qu'on n'a jamais vu, qu'on va peut-être détester... Et pourtant, si je suis honnête avec moi, ce n'est aucune de ses raisons qui me mine le moral. Si Hugues l'a choisi, c'est qu'il l'aime et c'est le plus important. Le truc qui me titille et m'empêche d'être totalement heureuse pour eux, c'est que j'ai été mise au courant en dernier lieu et que mon grand frère n'a même pas daigné m'appeler pour m'annoncer la bonne nouvelle lui-même. C'est John qui s'en est chargé.

Je sortais du bureau quand il m'a appelé pour me le dire. Hébétée, j'ai mis quelques secondes à lui répondre. Evidemment, Hugues avait appelé nos parents ainsi que John pour leur annoncer. Mais pas moi. Jamais moi.

Ma réaction est sûrement ridicule. Après tout, Hugues était déjà un adulte quand j'ai atterri dans sa famille. On ne se voyait que dans de rares occasions, il a toujours eu la bougeotte. Et pourtant du haut de mes huit ans, je l'admirais. Je le trouvais beau et intelligent, pas méchant pour un sous mais tellement distant avec moi. Sur la réserve.

Son attitude n'a pas changé au fil des ans. Au contraire, je pense que ses voyages nous ont encore plus éloigné si cela est possible mais mon admiration pour ce grand frère libre, qui vivait sa vie comme il l'entendait, n'a pas faibli sans que je puisse vraiment savoir pourquoi. Peut-être parce que je rêvais d'avoir sa vie, de pouvoir vivre sans peur, sans me détruire, sans me méfier des autres ? Quoi qu'il en soit, même si le pire est derrière moi, même si j'ai cessé d'avoir peur, de me faire du mal, je n'ai jamais cessé de chercher son approbation, son amour. Comme j'ai cherché celle des autres hommes de ma famille : papa et John. La différence c'est qu'eux m'ont accepté dès le départ. Pour maman et Hugues, c'est une autre histoire et je le ressens dans chaque mot, geste, attitude ou plutôt le manque de tout ça...

Alors, oui, ma réaction est peut-être un peu égoïste, autocentrée mais la colère, la résignation et la douleur sont bien là.

Je pousse un profond soupir avant de me contorsionner pour atteindre mon portable sans déranger Ethan. Une fois que je l'ai, je le déverrouille. Un message de ma mère m'y attend. Quand on pense au loup...

« J'organise les fiançailles de Hugues, samedi 13. Je ne te demanderais pas ton aide, on a tous vu comment ça s'est passé lors de l'anniversaire de ton père ! En revanche, j'espère que tu seras à l'heure !18h tapantes ! »

Un goût amer m'envahit la bouche et je grimace. Pas de bonjour, encore moins d'intérêt de savoir comment je vais et ces points d'exclamation ! Mon Dieu, ce qu'elle peut m'agacer ! J'ai envie e grogner de mécontentement mais je me retiens. Je ne suis pas seule.

Quand je lis ça, j'ai envie de me comporter comme l'adolescente mal élevée et perturbée que j'ai été et foutre la merde à leur fête de fiançailles débile ! Pourtant, je sais que je ne le ferai pas. J'ai grandi et même si j'ai toujours du mal à communiquer avec Hugues et ma mère, je ne veux surtout pas gâcher un jour aussi important pour mon frère et donner plus de munitions à ma mère. Elle en a déjà bien assez.

- Ils me font chier, je marmonne en reposant mon portable avec beaucoup trop de violence.

- Quels merveilleux mots doux pour se réveiller, ironise Ethan, les yeux toujours fermés, un léger sourire moqueur aux lèvres.