Chapitre 37 : Auriane

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Le temps s'étant un poil rafraîchi à Sydney en cette fin avril, je n'ai plus à mettre ma clim' à fond dans la voiture. C'est donc avec plaisir que j'ouvre ma fenêtre pour laisser s'engouffrer un air tiède mais agréable dans l'habitacle. Je fredonne un air à la mode qui passe à la radio et que je détesterai d'habitude, mais ce soir, je souris alors que je suis bloquée dans les embouteillages.

J'aurais dû accepter la proposition d'Ethan d'aller rejoindre Anne, mon agent immobilier, sur sa moto. J'avais envie d'accepter. Vraiment. Mais si un employé de la boîte nous avait vu ensemble, ça aurait été inconfortable et les rumeurs auraient commencé à circuler. Tout ce que papa déteste. Et de toute façon, je ne suis pas prête à dévoiler notre relation aux yeux de tous même après ce qu'il s'est passé ce week-end. Je dois avouer que ma bonne humeur a beaucoup à voir avec ces deux derniers jours. Même Zoé, au bureau, a noté que quelque chose était différent chez moi.

Evidemment que quelque chose a changé ! J'ai changé ! A vingt-quatre ans, je viens de découvrir ce qu'était un orgasme !

Bien sûr, ce n'est pas ce qui est sorti de ma bouche. J'ai joué l'innocente en affirmant que je ne voyais pas ce qu'elle pouvait bien voir de si différent en moi. Zoé m'avait regardé avec une moue perplexe mais n'avait pas insisté. Et même si elle l'avait fait, je ne lui aurai rien dit. On n'est pas amies et je n'ai pas l'intention qu'on le devienne.

Je jette un œil à mon tableau de bord et découvre qu'il est quasiment dix-neuf heures. L'heure idéale pour appeler Rosie. Je lance donc l'appel en faisant un rapide calcul pour définir si je vais la réveiller ou pas. Il doit être pas loin de sept heures du matin, en Italie, elle doit être réveillée.

— Salut, Riri ! résonne la voix de ma meilleure amie dans les haut-parleurs de la voiture.

— Ca va Rosie ?

Le surnom ridicule dont elle m'affabule ne me fait même pas grimacer.

— Bien, je me prépare pour les cours. Et toi, quoi de neuf ?

— Je suis en route pour visiter d'autres maisons avec Anne. Et Ethan, je rajoute.

— Ah oui ? chantonne-t-elle. Comment va le crapaud qui s'est finalement révélé être un prince charmant ?

Je fais rouler mes yeux dans leurs orbites.

— Ethan n'est pas un prince charmant !

— Mais il n'est certainement pas un crapaud, non plus.

Ce qu'elle peut être irritante quand elle s'y met !

— Je n'ai jamais prétendu le contraire, je réponds, alors que les voitures commencent enfin à avancer.

— Mouais... Et ça avance ce projet ? s'enquiert-elle.

— Plus ou moins. Je savais que ça allait être compliqué mais je n'imaginais pas à quel point. Surtout que je me demande si c'est vraiment un orphelinat qu'il faudrait construire. Si c'est vraiment ça qui aiderait les gens.

— Qu'est-ce que tu voudrais faire à la place ?

— Tu sais, je dis en fronçant les sourcils même si elle ne peut pas me voir, j'ai beaucoup repensé à ma mère ces derniers temps.

— A Madeleine ? Pourquoi ? s'étonne Rosie.

— Non, pas Madeleine. Ma mère biologique, je veux dire. Je me demande, si elle avait eu un endroit sûr où fuir, où m'emmener avec elle, aurait-elle laissé mon père ? L'aurait-elle quitté pour être avec moi ?

Je ravale ma salive. C'est la première fois que je parle de mes questionnements, récents, à quelqu'un.

— Oh Auriane, mais bien sûr qu'elle t'aurait choisi. Ta mère a fait un acte d'amour immense en te laissant dans cet orphelinat, en dépit des apparences, et je suis certaine que si elle avait eu une structure où elle se serait sentie en sécurité, elle serait restée avec toi. Mais tu connais mieux que moi les conditions d'alors et la pauvreté en Bolivie...

A Taste Of EternityOù les histoires vivent. Découvrez maintenant