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  C'est vrai ça... Pourquoi est-ce que je suis là ?

- J'en sais rien. Je soupire. Je vais rentrer.

   Il s'empresse de se lever et attrape mon poignet alors que je m'apprêtais à partir. Le frisson électrique qui me traverse à cet instant me prouve bien que je suis encore loin d'avoir retenue la leçon.

   Il se place face à moi et avance lentement son visage près du mien. Nos souffles irréguliers s'entremêlent alors

- Interdiction de m'embrasser. Dis-je doucement.

- Oui chef. Murmure-t-il.

   Je réprime un sourire alors que son front de joint au mien. Sa main qui tenait mon poignet vient entrelacer nos doigts ensemble:

- Tu n'es pas obligé de partir. Dis-je.

- Alors dis-moi que si je reste, tu nous laisseras une chance.

- C'est du chantage ça.

- Non. Mais il me faut une raison de rester.

   Je ferme les yeux. Je suis tout simplement en train de retomber vers lui telle une alcoolique qui replonge de manière incontrôlable dans l'alcool.

- Avery...

- Attends. Je l'interrompt.

   Je me recule et plonge mon regard dans le sien:

- Si on doit faire ça, il me faut la vérité. Je veux tout savoir. Sur ces histoires. Ton frère, mon père... Toi. Ce genre de relation, particulièrement après ce que tu m'as fait, a besoin d'être basée sur la sincérité.

   Il acquiesce.

- Ok. Je vais tout te raconter. Il esquisse un léger rictus, s'allonge sur le lit et m'attire avec lui, me faisant tomber contre lui.

   Je souris en constatant notre position. Lui, allongé torse nu, et mon allongé sur lui. J'ai envie de rire face à ma propre bêtise. Lui redonner un brin de confiance après ça, c'est bête. Mais je n'ai plus l'impression de posséder encore un minimum de raison.

- J'ai grandi normalement. Mon père gagnait pas mal et j'ai toujours cru qu'il était agent secret. Non, le meilleur agent secret du pays. C'est ce qu'il a réussi à me faire gober. Il sourit avec nostalgie sans me quitter des yeux, je pensais donc que mon frère bossait pour lui. Mais un jour, ils ont dit partir en mission.

- Vous viviez déjà ici à ce moment là ?

Il acquiesce.

- Mais mon frère et mon père sont partis tous les deux. Je savais pas trop où. Ma mère n'était vraiment pas bien depuis leur départ. Elle stressait beaucoup... Ils lui manquaient trop. Et je subissais les conséquences de sa douleur...

   En un clignement de paupières, les larmes qui semblaient prête à déborder de ses yeux sont refoulées. À cet instant, je crois être face à la personne la plus forte qu'il me soit donné de rencontrer.

   Il me fait alors signe de regarder son torse. Plusieurs cicatrices couvertes par quelques tatouages. Je déglutis, sentant ma gorge se serrer.

  De ma main libre, j'approche mes doigts de l'une d'entre elles.

- Tu... C'est...

- Non, c'est elle qui me l'a faite. Dit-il, sa voix perdant en assurance. Avec une lame brûlante.

- Mon Dieu...

- Le but c'était pas que t'aie pitié hein.

- C'est de l'admiration. Dis-je avant de relever mes yeux vers les siens, je n'avais aucune idée de ce que tu avais pu vivre.

   Je regarde à nouveau la cicatrice et dépose un baiser dessus. Il frissonne. Exactement comme moi au moindre de ses contacts.

- Mais rapidement, elle a été surprise à me taper sous le palier, la voisine l'a vu et a prévenue la police. Je n'ai plus revu ma mère depuis. Dit-il alors que je laisse tomber ma tête contre son torse, avec la forte intention de lui redonner le courage de continuer. J'ai grandi avec la voisine. Quelques mois plus tard, mon père est revenu. Seul. Et pas en bon état du tout. Il... il soupire, il a perdu l'usage de ses jambes.

   Mon cœur loupe un battement.

- Il était déjà dans un piètre état, physique comme mental, mais après avoir su que ma mère était partie il a simplement... Disparu. Sa voix se brise. J'ai continué à vivre avec la voisine. Ma famille continuait de se briser et je savais au fond que si j'avais au moins la chance de combler cette... Cette putain de douleur qui s'emparait de moi, je la saisirai. Et je l'ai eu. Dès le jour où j'ai fait la rencontre de Rowan. Il cherchait mon père, on s'est croisé devant la maison et il a de suite su que j'étais son fils. C'est lui qui m'a appris que... Mon frère était mort.

- Comment tu t'es senti ?

- Je ne saurai même pas te le dire. Rit-il tristement. Assemble tous les synonymes qui se rapportent à la douleur et multiplies-les par dix. Ouais, c'est le meilleur moyen de décrire ce que j'ai ressenti.

Je ferme les yeux et écoute les faibles battement de son cœur. Celui-ci doit être épuisé. Chagriné. Il a tant aimé, tant souffert que je doute que ma présence puisse en faire quelque chose maintenant.

- Alors Rowan m'a de suite propose de venir rencontré ses « potes ». J'avais onze ans. Mais bien vite, j'ai fini ancré dans ces histoires sans même m'en rendre compte. Je me mêlais des disputes de quartiers, je les aidais... Et un jour, ils m'ont fait voir grand.

- Qui ça « ils » ?

- La mafia mongole.

Je ne relève pas la sueur froide qui me traverse le dos. Comme s'il avait senti mon malaise soudain, il pose sa main sur mon dos et le caresse doucement, me faisant soupirer discrètement de soulagement.

- Ils m'ont parlé d'une vieille histoire. Comme quoi ils voulaient récupérer un ancien terrain que ton père avait volé pour construire son entreprise. Ce que ton père avait qu'eux n'avaient pas, c'était tout simplement la confiance de l'Etat. Tout ce qu'il avait fait jusqu'à ce jour était légal. Le fait simple d'énoncer la mafia provoque la suspicion, la méfiance...

- Le peur. Je conclus.

- Exactement. La fait est que... Juste derrière, il y en avait un autre. Plus grand, plus à sa disposition. Mais ton père a choisi de s'installer . Là où eux se cachaient. Là où tout se déroulaient. Les affaires, les fêtes, les réunions secrètes, ce terrain, c'était la mafia elle-même, réunie là. Mais depuis que Lincoln Green en a appris l'existence, il a eu la merveilleuse idée de s'y poser. Il a utilisé le célèbre chantage, en disant que si l'on tentait de s'opposer à lui, il dirai à la police pour les magouille qui se déroulaient sur ce terrain. La mafia a été forcé de partir. Mais ils voulaient retrouver leur chez eux.

- Ok, mais qu'est-ce que toi tu viens faire là-dedans ? Je demande, croyant tout de même avoir compris.

- Moi je voulais ma vengeance. Et elle était là. L'opportunité. Elle me tendait la main, et ça me paraissait tout simplement évident sur le coup. Je n'avais rien d'autre à faire. Mais, je n'ai pas pris cette décision comme ça. J'ai eu besoin de réflexion. Beaucoup de réflexion. Et ce n'est qu'à mes 19 ans, quand Rowan m'a annoncé qu'ils auraient besoin de moi que j'ai accepté.

- Pourquoi toi ?

- Ils avaient confiance en moi. Et j'étais le seul qui avait été assez discret pour avoir un casier judiciaire entièrement vide. Ton père, et ses hommes ne m'avaient jamais vu. J'étais... La pièce manquante pour parfaire leur plan, celui qui aurai le rôle le plus important. Ma vengeance était là, servie sur un plateau d'argent. J'ai de suite pensé à ma famille... Auxputain de malheurs que j'ai encaissé comme un con sans rien faire. Je me suis sentit obligé de le faire. Je me disais tout simplement que c'était le meilleur moyen de leur faire honneur à tous.

J'ai au pincement au cœur en me disant qu'au final, je lui en ai voulu pour quelque chose que j'aurai sans doute fait à sa place. Mais bien vite, je me dis qu'il y avait d'autres solutions. Une autre solution.

- Et pourquoi avoir continué à me mentir à moi ?

This Body GuardOù les histoires vivent. Découvrez maintenant