KAIDEN
Je dépose ma clope dans le cendrier et m'accoude à la rembarre du balcon. Ici, j'arrive à me calmer. Ici, j'arrive à me persuader que j'ai quand-même une chance.Non sale con... T'as tout foutu en l'air.
Si je pouvais, je me tirerais une balle dans le crâne juste pour mettre fin à cette voix insupportable dans ma tête. Celle-ci continue de ruiner mes espoirs. Je soupire et baisse les yeux. C'est pas comme s'il y avait vraiment de l'espoir.
J'entends soudain du mouvement derrière moi. Je me retourne, et vois la jolie blonde s'avancer sur le balcon.
Je ne mérite même pas de pouvoir l'admirer comme ça.
Elle porte mon sweat gris et mon jogging. Sa silhouette élancée nage dans mes vêtements. Mais putain pourquoi je n'arrive pas à détacher mes yeux ?
Son regard fuit encore obstinément le mien. Je ne sais pas si je m'y habituerai.
Lorsque j'ai rencontré Avery, elle était loin d'être du genre à fuir. Non. Son regard percutait le mien avec assurance. Elle avait soit une mine grincheuse affichée au visage, accompagnée de grondements constants, soit une expression malicieuse dont elle ne devait même pas percevoir le charme.
Dès que son regard a croisé le mien, j'ai senti que ce serai intéressant. Enfin, c'est ce que je croyais. Finalement, ça allait bien plus loin que ça. Et j'ai encore du mal à l'admettre.
- Vas-y, dis-moi tout. Dit-elle soudain. Je veux bien t'écouter.
Mon cœur gonfle d'espoir instantanément. Je la regarde s'asseoir sur la chaise en face, les bras croisés sur sa poitrine.
Ce n'est plus le moment de faire le con.
J'acquiesce pour répondre à Avery, et à la petite voix dans ma tête.
J'attrape une chaise et m'assieds face à elle. Son regard se joint enfin au mien. Ok, je suis en train d'y arriver. Petit à petit, lentement, mais j'y arrive. Je retrouve déjà son regard, aussi vide soit-il, au moins, elle me regarde.
- Ok... Hum... Comme tu le sais je m'appelle Rafael. Je t'ai dit la vérité l'autre soir, je viens du Mexique. Ce que je ne t'ai pas dit c'est que... Ma famille bossait pour la mafia californienne. C'est pour ça qu'on a quitté le Mexique.
Elle hausse des sourcils, et je vois bien que ce que je lui dis la surprend. Dans le fond de ses pupilles bleues, je perçois encore un brin de curiosité.
- Il s'est passé pleins de trucs compliqués qui font que... Que j'en suis à la aujourd'hui mais je vais essayer d'abréger. Je poursuis. Mon grand frère a commencé tôt à bosser pour la mafia et c'est ce qui lui a coûté la vie. J'explique. Il a choisi de se battre coûte que coûte et vois où ça l'a mené. Je pouffe un rire nerveux.
- Comment ?
Je relève mes yeux face à siens, y lisant une profonde incompréhension.
- Comment c'est arrivé ? Elle demande avec plus de curiosité.
Je soupire:
- Tout ce que je peux te dire... C'est que ton père est entièrement coupable de la mort de mon grand frère.
Un instant, je me dis que j'en ai dit trop. Mais son regard reste neutre. Elle se contente de s'avancer légèrement, plongeant intensément son regard dans le mien:
- Et je peux savoir pourquoi m'avoir fait rentrer là-dedans ?
Alors si je m'attendais à ça...
- Je... Je ne vois pas où tu veux en venir.
- Evidement que tu vois. Tu a décidé d'être mon garde du corps, puis tu as laissé ces gens me kidnapper. Qu'est-ce que je suis venue faire là-dedans si mon père...
- Tu sais pourquoi ! Je m'exclame, mon calme se dissipant peu à peu, je n'avais aucune idée de qui tu étais. Tout ce que je savais c'est que t'étais sa fille et que j'avais une vengeance à accomplir.
- Je ne t'avais rien fait moi.
- Je sais. Je m'en foutais. Mais c'était avant que...
- Arrête. Souffle-t-elle. Je ne suis pas prête pour plus de mensonges.
Je me recule, croyant avoir mal entendu:
- Plus de mensonges ? Tu crois que je te mens encore ?
- Parce que ce n'est pas le cas ? Elle pouffe un rire. Tu veux sérieusement me faire croire que j'ai grandi avec un meurtrier en guise de père ?
- Qu'est-ce que tu crois ? Que je m'amuse à te raconter de la merde maintenant ?
- Je crois... Je crois que tu n'es qu'un manipulateur. Le plus gros de escrocs et la pire menteur qu'il me soit donné de rencontrer. Et je suis encore gentille.
Je lutte contre moi-même pour ne pas m'énerver. Je pense qu'à sa place, j'aurai aussi la rage. Mais après tout ça, tout ce qui a pu se passer entre nous, nous méritons une chance. Une vraie. Elle mérite que je sois sincère et mon frère mérite de reposer en paix.
- Tu ne comprends rien en fait. Je déclare.
Elle lève les yeux au ciel, puis se lève:
- Je ne sais même pas pourquoi j'ai voulu t'écouter.
- Attends...
- Non, laisse tomber. Décidément je continue désespérément de chercher les emmerdes.
Elle s'éloigne et je la regarder filer sans oser bouger. Elle ne veut pas que je la touche...
Plus elle s'éloigne, plus je me sens minable d'avoir mal. Particulièrement quand je me souviens que je hais cette fille. Mais si je la détestais premièrement, ça restais avant tout parce qu'elle était une Green.
Et il aura fallu que j'apprenne à la connaître. J'ai honte de m'être laissé si facilement aveuglé par l'envie de vengeance. Il y avait tant d'autres moyens... Et j'ai décidé qu'en faisant couler Lincoln Green, je le ferai couler avec sa fille.
Je la regarde qui s'assied au salon, ses genoux contre sa poitrine et ses bras toujours croisés. Même si une partie de moi admet à présent qu'Avery est loin de me laisser indifférent, l'autre regrette. Je n'aurai certainement pas dû choisir de la rencontrer. Ça ne nous aura mené à rien: aucune douleur, aucun regret. Rien.
Le plan a échoué de toute manière. Le chef n'a pas encore appelé et je n'ai aucune idée de ce que je peux faire. Ils ne savent pas que j'ai Avery avec moi. Ils ne savent même pas où je vis maintenant. Nous sommes en sécurité. Et même si mon objectif actuel est de la tenir éloignée du danger, je sais que nous ne pourrons pas rester cachés comme ça longtemps.
Je soupire et la regarde. De profil, elle fixe un point imaginaire face à elle. Elle est à deux doigts de s'endormir. Mais elle m'en veut trop pour me demander où dormir. Et elle sait que je lui aurai laissé ma chambre.
De mon côté, je ne parviendrai certainement pas à dormir seul. Plus maintenant que j'ai gouté au luxe que ça pouvait être de dormir en la serrant contre moi...
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This Body Guard
RomanceAvery Green est l'adolescente superficielle, riche et un peu farfelue dont les gens tirent ce qu'ils veulent à l'aide d'un simple sourire. Mais même si elle n'en a pas l'air, Avery sait voir l'hypocrisie dans ce qui est recouvert de bonté. Sa vie s...