Chapitre 2

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Chapitre 2

*****Radia*****

On se fait la bise et je l'invite à entrer dans le salon où mon fils est déjà très concentré sur ses comptines à la télé. Mon aide-ménagère est partie pour le week-end mais doit revenir demain matin avant que je ne parte pour le travail.
Je vais dans la cuisine pour lui chercher quelque chose à boire. Je le pose sur la table avant de servir.
Il prend mon fils dans ses bras avant de s'asseoir. Je me mets à côté de lui. Il lui chuchote des choses pour rire. Mais son homonyme reste impassible. Il retourne à sa première occupation alors que je tends à Ibra un verre rempli de jus Bissap.

-Je vois qu'il est comme ceux que j'ai laissés chez moi, dit Ibra avant de gouter au jus. 
-J'ai l'impression qu'ils sont tous pareils.
-Je me demanderai toujours comment on en est arrivé là.
-J'ai pas compris.
-Je veux dire que nous, on avait pas ça. Dans notre enfance c'était une télé par maison si ce n'est pas par rue. La télé c'était le cadet de nos soucis, on préférait de loin jouer dehors.
-Je confirme mais cette génération reste une génération i-tech. Notre responsabilité est forcément engagée. Tant que la télé arrive à les calmer, nous n'hésitons aucunement à l'allumer. Nous avons également nos occupations.
-Sinon le quartier, ça va ? Je vois que tu es bien installée.
-Oui ça va. Ça fait des mois que je suis là. Ibra s'est fait un copain. Il a 5 ans et habite dans la maison d'en face. Tu le verras bientôt si tu restes encore quelques heures.
-C'est bien pour lui de se faire des amis. C'est bien pour un enfant d'être avec d'autres enfants. Ça l'aidera forcément à améliorer sa diction. Nous les adultes, on manque de patience à ce niveau.
-Je confirme. Je compte même l'amener au jardin d'enfants en octobre inchallah.
-Qu'en pense Aziz ? Demande-t-il avant de finir son verre.
-Je ne sais pas. Je ne lui en ai pas parlé mais je crois qu'il sera bon avec ça.
-Je le connais assez pour savoir que oui. Tu sais, on s'est vu hier on était ensemble avec les gars. Comme tu dois t'en douter, on a parlé de pas mal de choses toi y compris. Et effectivement ce n'est pas un hasard si on s'est vu hier et que je suis là aujourd'hui.
-S'il te plait. Je pense qu'on en a déjà parlé. Tu m'as dit être là pour ton homonyme, je préfère qu'on reste sur ça.
-Ça fait des mois que j'essaie de comprendre que cette situation me dépasse toujours autant. A ton niveau comme au sien. S'il savait que je suis là, c'est sûr qu'il me tuerait. Je le connais assez pour savoir qu'il tient encore à toi et que c'est son orgueil démesuré qui est à l'origine de tout ceci.
-Je pense pas que dans cette situation qu'on puisse parler d'orgueil. J'ai quitté Abdoul et il a rien fait pour me récupérer. On devait pas mourir ensemble. Je me suis départie de lui. Ma famille l'a accepté, la sienne aussi avec laquelle j'essaie toujours de garder de bon rapport même si ce n'est pas toujours facile. Je pensais que ses amis aussi mais si tu viens pour me parler de lui ça m'intrigue.
-J'ai juste l'impression de n'avoir pas fait ce qu'il fallait pour sauver les meubles.
-Ne t'en fais pas. Quand j'ai décidé de partir, Aziz avait un ultimatum et il l'a choisi elle.
-Oui, il m'en a parlé. Et pour ça que je parle d'orgueil. Ce qui est également valable pour toi.
-Moi j'ai toutes les raisons du monde d'être partie. Ne parle pas comme si je ne l'avais pas prévenu.   
-Tu sais mieux que moi qu'Abdoul Aziz est le sénégalais lamda. Quand on lui dit « ne fais pas », il fait.
-Après 5 ans de mariage, j'ai su ça de lui.
-Alors pourquoi avoir fait ça ?
-Peut-être que c'était mon désespoir qui parlait à ce moment. J'ai tenté le tout pour le tout.
-Je te mentirais si je te disais que là maintenant il est heureux.
-Ça ne peut pas être à cause de moi, sinon c'est lui qui serait assis là où tu es actuellement.
-Dois-je comprendre par là que s'il décide de revenir, tu lui donneras une chance ?
-Je ne pense pas. Je ne l'ai pas quitté sur un coup de tête. J'ai bien réfléchi avant de décider de ne jamais être la coépouse d'Azizatou.
-J'espère au moins que ce qui te dérange c'est Azizatou et pas la polygamie.
-Si la polygamie me dérangeait, jamais je n'aurais accepté qu'Aziz le signe à la mairie.
-Je voulais juste m'assurer que tu sais que pour un remariage t'as pas mal de chances d'être deuxième femme, il sourit.
-On sait jamais. Je peux bien tomber sur un célibataire endurci, un divorcé comme moi ou être 3e ou 4e . On ne peut savoir ce qu'il en est sans l'avoir vécu.
-C'est vrai aussi. Que la volonté d'Allah soit faite !
-Peu importe celui sur qui je tomberai, il peut pas être pire qu'Aziz.
-Je vais pas non plus te laisser dire ça sans le défendre. Il fume pas, il boit pas et il respecte la prière. Ok, il a ses défauts comme nous tous mais je ne te laisserai pas à en faire un moins que rien.
-Je n'ai pas dit ça.
-Accepte donc qu'il est possible que tu tombes sur pire que lui.
-Je pense qu'il y a très peu de chance que je tombe sur quelqu'un qui épousera une des belles-filles de mon père. Et ça le suffit.  
-Je vois que cette pilule ne passera jamais.
-Quand c'est moche, il faut accepter que c'est moche et aller faire autre chose.
-Je vois que je suis tombé sur un os. Je vais rentrer.
-Attends le diner.
-Je préfère ne pas risquer que Sokhna pense que j'ai une maîtresse, pose-t-il en levant.
-Non, elle sait que tu es là, souris-je.
-On en parlait l'autre jour. C'est bien de savoir que votre relation est restée intacte malgré ton divorce.
-On s'est connu grâce à Abdoul et toi, mais on a eu notre propre relation qui ne dépend pas de vous. Mais attends le diner, si Sokhna t'embrouille, je l'appellerai.

Ce que la morale interdit (T1 et T2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant