Chapitre 1

7.2K 164 88
                                    

Il faisait froid, en ce soir de début de mois de Décembre. L'air glacial de l'hiver s'engouffrait dans ses vêtements, ses doigts commençaient à la faire souffrir, tout comme la peau de ses joues qui semblait prête à se craqueler. Elle qui aimait tellement l'été et la chaleur, avait l'impression de devoir lutter en permanence pour que son corps ne flanche pas. L'atmosphère était chaleureuse pourtant, mais ça ne suffisait pas à la convaincre qu'elle avait moins froid.

La ville entière était éclairée, illuminée pour célébrer les fêtes de Noël. Il y avait cette ambiance particulière et propre à la fin de l'année. Les boutiques se paraient de leurs plus belles décorations et grouillaient de monde, les quartiers étaient plus animés qu'à l'accoutumée, les passants se baladaient les bras chargés de sacs et de paquets en tout genre, enthousiastes à l'idée de faire plaisir à leurs proches. C'était un moment singulier, le monde semblait tourner différemment, comme si la vie s'était mise sur pause le temps d'un mois.

Pourtant, elle avait juste l'impression d'être une simple spectatrice de tout ça. Comme un point de vue omniscient, elle se contentait d'observer et d'essayer d'interpréter les sourires des passants, se sentant chaque année un peu plus étrangère à ce monde. Cette année encore, elle ne mettrait pas les pieds dans les magasins bondés, et ne préparerait pas une grande tablée.

Avant, elle adorait ça, Noël. Enfant, elle aimait déchirer le papier cadeau de ses nombreux paquets, elle aimait l'odeur du sapin et des bons plats préparés par sa mère dans la cuisine. Elle aimait par dessus tout les réunions de famille, être entourée de l'amour de ses parents et de ses grands-parents. Elle aimait la féérie de ces moments, les rêves qui en découlaient, et l'humanité des gens en cette période. Mais aujourd'hui, Noël n'avait plus du tout la même saveur pour elle. Bien au contraire. Elle espérait que les jours passent vite, et qu'une nouvelle année puisse débuter, en priant pour de meilleurs lendemains. Elle n'était plus une enfant, ni même une adolescence. Elle avait le lourd poids de sa vie d'adulte et de la réalité sur les épaules, on était bien loin de l'innocence de l'enfance.

Elle essayait de faire abstraction de tout ça, zigzaguait entre les piétons, scindait la foule, avec pour seul objectif : rentrer chez elle, le plus vite possible.

Il ne lui restait que quelques mètres à parcourir pour se retrouver enfin devant la grande porte en bois de son immeuble. Alors elle pressait le pas. Elle n'avait qu'une hâte : retrouver Milo, pouvoir s'asseoir quelques minutes dans son canapé et surtout prendre une douche bien chaude.

Dès son réveil, elle pensait généralement déjà à son retour chez elle. Ils vivaient dans un appartement bien trop petit pour eux deux, mais ils avaient la chance d'avoir une chambre. Bien entendu, cette chambre était réservée à son gamin, elle se contentait du canapé défraîchi dont on lui avait fait don quelques années auparavant. Elle rêvait d'un vrai lit, confortable et dont le matelas ne serait pas complètement déformé par les années. Mais pour l'instant, elle essayait de se convaincre que certains dormaient dans la rue à même le sol, et qu'elle devait s'estimer chanceuse d'avoir encore un toit sur la tête.

Sa journée avait commencé très tôt ce matin-là, comme tous les matins depuis ce qui lui semblait être une éternité. Elle avait mis son réveil à 05:00, s'était habillée chaudement, avait préparé un bol et un verre sur la table du salon, avec un paquet de céréales premier prix juste à côté. C'est tout juste une demi-heure plus tard qu'elle avait claqué la porte derrière elle, après avoir embrassé son fils encore endormi, encore fatiguée par sa nuit trop courte et le coeur lourd de ne pas parvenir à se sortir de sa situation malgré tous ses efforts. C'était le même rituel, chaque matin. C'était sa vie, et même si ça n'avait pas toujours été le cas, elle avait désormais l'obligation de se battre pour survivre. Personne ne lui faisait de cadeau, à elle. Elle ne pouvait compter que sur elle-même, et elle avait souvent le sentiment que ce n'était pas suffisant.

SOLEIL DE DÉCEMBRE [PLK]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant