Chapitre 3

3.8K 144 125
                                    

Ils se toisaient quelques secondes, chacun désormais sur ses gardes, avant que Milo ne se décide à briser le silence pesant qui régnait dans le couloir. L'instinct surprotecteur de Léo l'empêchait de réellement être lucide, et Mathieu ne comprenait pas bien ce qui était en train de se passer. Pour autant, il comprenait qu'elle n'avait pas l'intention de se montrer agréable, ou pire, qu'elle était prête à l'accuser d'un grand crime. Dans son esprit, il n'avait rien fait de mal, il ne pensait pas mériter autant d'animosité. Mais dans son regard, il trouvait quelque chose de presque terrifiant. Elle avait l'air à la fois frêle et indomptable, à la fois fragile et intransigeante. Sévère. C'était le mot exact.

- Mathieu a bien voulu jouer avec moi après l'école... Expliquait le petit garçon avec prudence, conscient que sa mère n'allait sûrement pas être ravie de cette partie de cartes, et surtout qu'il avait bravé l'interdit en parlant à nouveau au jeune inconnu qu'était Mathieu.

- J'étais seul, je me faisais chier, et je l'ai croisé dans les escaliers, je me suis dis que j'allais lui tenir compagnie. Poursuivait le jeune homme, sous le regard accusateur de Léo, pour éviter au petit garçon de se prendre une soufflante trop violente.

- Milo, rentre à la maison, j'arrive.

C'était un ordre, sec et autoritaire. Sans même chercher à contester, mais malgré tout à contre cœur, il s'exécutait après avoir cogné son poing contre celui de son camarade de jeu. Les deux adultes le suivaient des yeux, jusqu'à ce qu'il ait fermé la porte, avant de reporter leurs regards l'un sur l'autre. Si Mathieu avait eu le sentiment qu'elle était froide et remontée contre lui, ce n'était rien comparé à ce qui allait suivre.

- Qu'est-ce que vous lui voulez à mon fils ? Elle attaquait avec hargne.

- Je lui veux rien. Je le vois toujours tout seul, j'ai juste accepté de jouer à son jeu.

- Je veux pas que vous l'approchiez, c'est clair ? Elle claquait. On se connaît pas, restez loin de lui.

- Calme-toi, je vais rien lui faire à ton p'tit, il répliquait irrité, les dents serrées, oubliant le vouvoiement qu'elle avait imposé dès le départ. Je suis même pas rentré chez toi, redescend.

- Vous êtes quel genre de malade pour passer votre soirée à jouer à un jeu débile avec un enfant de 8 ans que vous ne connaissez même pas ? Elle attaquait encore.

- Ouais aller, rend pas fou, c'est pas ma faute si ton gamin doit se démerder tout seul. Il renchérissait persuadé de la piquer. Vas-y, j'me casse.

Sans attendre une seconde de plus, il désertait le couloir pour rejoindre son étage, après lui avoir adressé son regard le plus noir. Il était plus qu'agacé, il était véritablement énervé. Que le voisinage lui tombe dessus pour ses soirées bruyantes ou pour les odeurs de cannabis qui émanaient de sous sa porte et parfumaient toutes les parties communes, il l'acceptait sans riposter. Il n'était pas le voisin idéal, c'était un fait, il voulait bien l'admettre. Mais qu'on le traite à demi-mots de pervers pédophile dangereux, juste pour avoir tenu compagnie à un gosse visiblement livré à lui-même, ça, ça ne passait pas. Il avait eu l'impression de faire quelque chose de bien en permettant à ce petit garçon de ne pas passer une énième soirée seul à attendre ses parents, il trouvait ça profondément injuste de se faire remballer de la sorte.

Régulièrement, il croisait Milo quand il rentrait de l'école. Souvent, il s'était demandé où étaient ses parents, et pourquoi il était toujours tout seul. Il se revoyait quand il était gamin, quand sa vie était un chaos sans nom, et qu'il devait se débrouiller sans l'aide de personne. Naturellement, alors qu'il n'avait généralement aucun atome crochu avec la marmaille, il avait essayé de discuter avec lui. Il y avait quelque chose de touchant chez ce petit garçon. Peut-être était-ce du à sa bonne humeur constante et sa facilité à débiter des phrases presque insensées à une vitesse folle. Quand il parlait avec lui, l'idée n'était jamais de le questionner sur sa vie, mais de faire comprendre à ce gamin qu'il y avait des gens bien intentionnés avec qui il pouvait parler pour se sentir moins seul. Il avait l'air gentil et bien élevé, alors quand après quelques minutes de discussion dans les escaliers, il lui avait demandé s'il voulait bien jouer avec lui à un jeu de société, il avait accepté sans réfléchir. Conscient qu'il ne serait pas le bienvenu dans son appartement, dans la mesure où il restait un parfait inconnu, ils avaient décidé d'organiser la partie de manière à ce que Milo ne sorte pas de chez lui, et que lui n'ait pas besoin d'entrer.

SOLEIL DE DÉCEMBRE [PLK]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant