SOLEIL DE DÉCEMBRE [PLK]

Chapitre 30

Léo n'avait bien entendu pas pu se rendormir après la conversation téléphonique lunaire qu'elle avait eue avec Mathieu dans la nuit. Ses propos, même manquant de lucidité, matraquaient son cerveau sans interruption. Elle savait pertinemment qu'il ne lui aurait jamais dit ce genre de choses s'il n'avait pas été sobre, mais elle avait la profonde intuition qu'il n'avait pas manqué de sincérité pour autant. En boucle, elle l'entendait lui dire combien il la trouvait exceptionnelle et combien il appréciait l'avoir dans sa vie, et ça suffisait à occulter le fait qu'il l'ait dérangée au beau milieu de son précieux sommeil parce qu'il ne tenait plus debout.

Elle l'avait écouté déblatérer ces paroles de sa voix ivre pendant de longues minutes, en se mordant la lèvre pour s'empêcher de sourire. Elle n'avait pas pu s'empêcher de sourire, en réalité. Elle avait dû ordonner silencieusement à son cœur de calmer ses ardeurs pour ne pas que Mathieu puisse en entendre les battements à travers le téléphone. Ce qui était le plus incroyable, en réalité, ce n'était pas les mots qu'il avait utilisés ou le fait qu'il ait ressenti le besoin de lui parler à elle et rien qu'à elle. Ce qui était le plus fou, c'était qu'au fond, Léo savait déjà tout ça. Elle le savait, parce qu'il le lui faisait ressentir à chaque fois qu'il la prenait dans ses bras, à chaque fois qu'il lui faisait l'amour, à chaque fois qu'il posait ses lèvres sur son front. Alors oui, bien entendu, l'entendre se confier sur ses sentiments naissants, même s'il était resté plutôt vague et subtile, rendait le tout plus réel. Mais il la faisait renaître, il l'obligeait à se sentir un peu moins laide que d'habitude, et il lui apportait un tel réconfort, qu'elle ne doutait ni de ses intensions, ni de son affection.

De sa seule relation jusqu'alors, elle n'avait gardé en mémoire que le doute, la jalousie, le manque affectif, la peur que l'autre ne partage pas ses sentiments. Mais avec Mathieu, elle comprenait aisément que tout était différent. C'était sain, bien que récent, elle en était persuadée. Elle n'avait strictement aucune idée de comment allaient évoluer les choses, mais pour le moment, elle se contentait d'apprécier l'instant présent et tâchait de profiter de ce que la vie lui offrait.

Elle entendait le réveil de Milo à travers les murs fins de l'appartement, et la sonnerie lui donnait à elle aussi l'impulsion nécessaire pour sortir de son lit et se reconnecter à la réalité. Elle devait cesser ses rêveries, et se mettre en marche pour entamer cette journée. Elle avait rendez-vous avec Madame Michel, mais avant, elle avait une mission à mener à bien. Elle avait dit à Mathieu qu'elle viendrait le chercher, elle allait aller le chercher.

Après s'être préparée rapidement, elle installait son fils devant son petit-déjeuner après l'avoir longuement câliné, et se mettait en condition pour voler au secours du jeune homme. Sa journée de travail commençait exceptionnellement moins tôt ce matin, comme si le destin avait prévu qu'un jeune blond trop bourré pour être raisonnable l'appelle à l'aide.

- Je dois aller chercher Mathieu. Elle indiquait à Milo tout en lui caressant tendrement les cheveux. J'en ai pas pour longtemps, je serai rentrée avant que tu partes à l'école. Il me faut la clé de son appartement pour pouvoir prendre sa voiture. Elles sont où ?

- Dans mon cartable, il lui indiquait dans un bâillement. Il a un problème Mathieu ? Demandait-il l'air soucieux.

- Non, ne t'inquiète pas, tout va bien. J'y vais, tu fais attention, s'il y a quoi que ce soit, tu...

- Je t'appelle, il la coupait. Je sais.

Elle n'aimait toujours pas laisser son fils seul, mais elle se remémorait les mois entiers où il avait dû se débrouiller sans elle, et elle parvenait à se rassurer. Il était capable de se passer d'elle le temps qu'elle fasse l'aller-retour. Après avoir embrassé ses deux joues, elle entamait son petit périple. D'abord, elle devait récupérer les clés de sa voiture. Ensuite, elle devait conduire sa voiture.