SOLEIL DE DÉCEMBRE [PLK]

Chapitre 44

Mathieu ouvrait les yeux difficilement, ébloui par le soleil qui se laissait filtrer à travers le volet. Il avait terriblement mal dormi. Son esprit n'avait eu de cesse de prendre des virages, alternant entre le bonheur d'avoir cette incroyable femme endormie à ses côtés, la colère d'avoir encore une fois été traqué comme une bête, et l'incertitude quant à ce qu'il devait faire pour protéger Léo et Milo. Ce qu'il lui semblait, en revanche, c'était que le bonheur de la voir emmitouflée dans sa couette prenait le dessus sur le reste. Il voyait ses cheveux courts en bataille tomber sur son visage et s'étaler sur l'oreiller. Il voyait la couverture qui la recouvrait se soulever légèrement au rythme de sa respiration, les traits de son visage apaisés et calmes, sa main entrouverte à côté de sa joue. Comme une promesse à lui-même, il se disait que désormais, chacune de ses décision serait dictée par son besoin de préserver sa sérénité. Leur sérénité. A tous les trois.

C'était samedi, ils n'avaient pas besoin de se lever en catastrophe pour que Léo parte travailler, Milo ne risquait pas de débarquer à tout moment, et même avec peu de sommeil au compteur, il se sentait chanceux. Par curiosité, il soulevait un peu la couette qui cachait presqu'entièrement la jeune femme, et souriait à pleines dents en la voyant toujours nue. C'était un détail, mais quand ils dormaient dans son canapé défraîchi, elle s'empressait toujours de se rhabiller, par peur que son fils ne la voie dévêtue. Ils étaient tranquilles, finalement, et il souriait d'autant plus en se remémorant les mots de la veille. Tout ça deviendrait la norme bientôt, et c'était trop beau pour le laisser insensible.

Allongé sur le dos, bercé par la respiration lente de Léo, ses deux bras croisés derrière sa tête, il continuait malgré tout à tordre son cerveau, en fixant le plafond. Est-ce qu'il devait parler sur les réseaux de leur relation ? Cela ne produirait-il pas l'effet inverse de celui escompté ? Il s'était juré de ne jamais exposer sa vie privée, mais il n'avait pas tout à fait envisagé de se laisser piéger ainsi. Devenir une personnalité publique impliquait de devoir faire face à l'intrusion de certains curieux, et de devoir faire preuve de prudence, mais il avait eu jusqu'ici le sentiment d'être un peu intouchable et de pouvoir échapper à cet aspect de la célébrité. Et visiblement, il s'était trompé. Il était évident qu'à chacune de ses sorties, il pouvait se faire suivre, observer, photographier. Il devait maintenant trouver la meilleure solution, la meilleure méthode. Mais c'était un véritable coup de poker. C'était quitte ou double. Et il était terrifié à l'idée de voir le phénomène s'amplifier au lieu de s'amenuir. Pour la première fois, il avait peur des gens. Peur des réactions excessives de certaines personnes. Peur de ces fans qui pouvaient penser que sa vie leur appartenait, parce que sa voix berçait leurs oreilles. Il avait rêvé des années durant de vivre confortablement de sa passion, mais le prix à payer était plus élevé qu'il n'aurait pu le croire. Il réalisait combien la tranquillité pouvait être enviable, mais il était désormais trop tard pour faire machine arrière.

Il connaissait des rappeurs qui avaient annoncé sans filtre être mariés, être pères, mais objectivement, ils n'avaient pas exactement la même popularité, ni la même audience. Pour eux, ça se passait bien, mais en serait-il de même pour lui ? Il n'avait aucun moyen de le savoir, aucun moyen d'anticiper les évènements à venir avec certitudes. Ce qui l'inquiétait le plus, c'était de voir Flav, qui d'habitude semblait tout maîtriser, si impuissant et incertain face à tout ça. Il n'avait aucun conseil à lui donner, parce qu'il savait qu'il n'y avait pas vraiment de bonne façon de faire dans ce genre de cas.

- Tu réfléchis trop... murmurait Léo d'une voix rauque en enroulant un de ses bras autour de son torse, encore dans un état de demi-sommeil mais pourtant bien consciente des tracas de l'homme qu'elle aimait.

- J'y peux rien. Il chuchotait en embrassant sa tempe délicatement.

- J'ai faim...