Chapitre 28

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Le brouillard dans la tête de Léo était bien plus épais que celui qui enrobait le salon. Elle était à la fois ahurie, blessée et désemparée, et à tout cela s'ajoutaient la douleur et la tristesse. Il avait touché cette fille, et quelques heures après, il l'avait embrassée passionnément au pied de son immeuble. Seulement quelques heures séparaient ces deux évènements, et elle avait du mal à encaisser la nouvelle tellement ça lui semblait dégoûtant. Qu'il couche avec une autre, alors qu'ils étaient séparés depuis des mois, elle voulait bien l'accepter. De toutes façons, elle n'avait pas le choix, elle ne pouvait le lui reprocher, alors même qu'elle avait tout fait pour le fuir sans laisser d'adresse. En revanche, s'il avait eu l'intention de la récupérer, pourquoi avait-il décidé d'aller voir cette fille ? Cette question résonnait en elle sans interruption, et aucune des réponses qu'elle essayait d'imaginer ne lui convenait. Et si il avait continué à voir cette fille après qu'ils aient décidé de se laisser une autre chance ?

En retrouvant les participants à la soirée dans le salon, elle était prise d'une sensation abominable d'étouffement. Elle avait l'impression que tout le monde savait, que tout le monde était au courant, que tout le monde l'observait. C'était comme si les murs se rapprochaient d'elle, prêts à l'écraser, et l'acidité de son estomac lui remontait dans la gorge. Comme si c'était pour le moment sa seule issue, elle se dirigeait vers le minuscule balcon qui succédait à la baie vitrée. Il lui fallait de l'air, du calme, et de la solitude pour remettre de l'ordre dans les pensées qui fusaient dans son esprit. Une fois dehors, elle s'asseyait en tailleur, la tête appuyée contre le mur, et elle faisait tout son possible pour retrouver un rythme cardiaque plus régulier et plus lent. Si la musique était désormais étouffée par le double vitrage, ses oreilles bourdonnaient, et c'était bien plus assourdissant.

Elle était là, seule depuis plusieurs minutes, quand les yeux toujours fermés, elle entendait la baie s'ouvrir à nouveau, et sentait un corps prendre place à ses côtés. Elle était persuadée qu'Aïssa avait compris et qu'elle venait la soutenir, mais elle ne reconnaissait pas son parfum. En rouvrant les paupières, elle tombait nez à nez avec Alice et ses sourcils froncés. Sa mine était grave, ses lèvres pincées, et il lui semblait même voir ses mains trembler légèrement. Elle ne lui en voulait même pas à elle. Elle jugeait Mathieu seul responsable de la situation.

- J'aurais aimé te rencontrer dans d'autres circonstances... elle glissait prudemment, inquiète de la réaction de Léo. Je peux m'asseoir là ?

- Qu'est-ce que tu veux, Alice ? elle soufflait en passant ses doigts dans ses cheveux pour les rabattre en arrière, avec l'infime espoir que ça lui permette de décompresser.

- Je voulais te parler. Je vous ai entendu dans la cuisine. Il a pas été très clair...

- Alors soit claire, toi, claquait Léo en la fixant de ses yeux les plus noirs.

- On n'a pas couché ensemble, la dernière fois qu'on s'est vus. Il y a eu quelques dérapages quand t'étais plus à Paris, c'était il y a très longtemps, mais la dernière fois qu'on s'est vus, il ne s'est rien passé. Rien du tout, du tout.

- C'est pas ce qu'il avait l'air de dire... grognait la jeune femme, sur la défensive.

- Léo, il a dit qu'on s'était vu. Et factuellement, c'est vrai. Mais on n'a rien fait de mal. Je crois qu'il avait juste besoin que quelqu'un l'écoute sans lui faire la morale. Que ça soit ses potes ou Aïssa, tout le monde a fini par lui gueuler dessus pour qu'il ouvre les yeux, et même si je suis persuadée qu'ils ont eu raison, il avait besoin de parler à quelqu'un de neutre qui l'écoute. Je suis même pas sûre qu'il soit venu dans l'idée qu'on termine dans mon lit. T'façons, il aurait pas pu, il était trop dans l'mal...

SOLEIL DE DÉCEMBRE [PLK]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant