Chapitre 17

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Ses pensées n'étaient plus qu'un amas de magma brûlant et gluant. Une matière visqueuse, de laquelle il était impossible de retirer quoi que ce soit. Tout était mélangé, sans ordre, sans hiérarchie, et sans logique. D'une seconde à l'autre, il envisageait les choses différemment. Il prenait une décision, puis se ravisait, puis décidait l'inverse et se ravisait encore. Le visage de Léo lui venait, il entendait sa voix, sentait son parfum, et il n'arrivait pas à déterminer si c'était magique ou abominable. Il cherchait à quoi se raccrocher, alors que son esprit n'était que contradiction, et pour l'instant, il était en chute libre. Léo contrôlait littéralement toutes ses pensées, toutes ses sensations, et cela depuis si longtemps, qu'il avait oublié comment était la vie avant elle.

Il ressassait la conversation qu'il avait eu quelques heures auparavant, avec Aïssa. Il l'entendait lui annoncer qu'elle avait un "date", qu'il allait tout perdre et tout gâcher. Il l'entendait lui demander pourquoi il s'infligeait ça et pourquoi il refusait d'admettre qu'il l'aimait à en crever. Mais lui, il savait pourquoi. Il se souvenait de la douleur causée par le manque et le sentiment de trahison. Il se souvenait parfaitement de ce moment où il avait craqué dans son lit et qu'il avait pleuré comme un gosse, accroché au coussin de Léo. Il se souvenait de son estomac retourné et serré au point d'avoir envie d'y planter un couteau. Il avait peur de ressentir à nouveau cette atroce sensation d'abandon. Parce qu'il n'avait pas menti à son ami. Si elle lui refaisait un coup pareil, il était capable de se foutre en l'air.

Léo, à son retour, lui avait expliqué sa version et son point de vue, et il l'avait compris. Du moins, il en avait compris l'essentiel. Elle avait eu peur, elle avait perdu pied, elle s'était renfermée sur elle-même, et elle n'avait pas réussi à se confier. Il avait entendu et compris ses explications. En revanche, ça n'enlevait rien à sa douleur. Et s'il savait pertinemment qu'il devait pardonner pour guérir, il s'en sentait incapable. Du moins, il s'en était senti incapable jusqu'à présent.

Les mots d'Aïssa avaient eu un effet tout particulier. "Elle a un date". S'il avait mal rien qu'en se remémorant les évènements passés, ce n'était rien comparé à la douleur qui le traversait lorsqu'il imaginait Léo avec un autre homme. L'idée même de la savoir nue dans un lit avec ce type le rendait fou. Il ne pouvait pas admettre qu'un autre puisse la toucher, l'embrasser, la caresser et encore moins lui faire l'amour. En songeant à cette éventualité, il en arrivait à se figurer que peut-être, elle avait déjà connu d'autres hommes depuis son départ. Elle n'aurait pas eu tort, après tout, ils n'étaient plus ensemble, ils ne se devaient plus rien. A cause d'elle, d'ailleurs, mais ça, c'était un autre sujet. Peut-être qu'elle avait jouis sous les doigts d'un gars rencontré dans un bar, ou qu'elle avait vibré en sentant des lèvres dans son cou. Il détestait ces images, au point d'avoir envie de se cogner la tête contre un mur ou contre le sol jusqu'au malaise. Ces scènes qu'il créait de toute pièce dans sa tête lui laissaient un goût amer dans la bouche, et lui provoquaient des remontées infâmes dans la gorge. Il aurait pu en vomir, en pleurer, en crever.

D'une manière ou d'une autre, il devait empêcher ce rendez-vous, c'était la seule dont il était certain. Il ne pouvait pas laisser ce mec, aussi génial puisse-t-il être, entrer dans sa vie et dans la vie de Milo. Il se demandait si c'était de l'amour, de la jalousie maladive ou son ego surdimensionné qui faisait des siennes, mais dans tous les cas, c'était impossible qu'il reste les bras croisés à le regarder lui voler ce qu'il estimait lui appartenir. Parce que Léo lui était destiné, il n'en doutait pas. Mais ça ne lui expliquait pas comment il pouvait réapprendre à faire confiance, lui, qui avait fait tomber toutes les barrières et qui s'était retrouvé laissé pour compte. Il voyait en revanche tout son entourage apaisé de cette rancœur. Aïssa et Léo étaient inséparables, sa famille et même ses amis avaient réussi à pardonner et à la comprendre. Pourquoi, lui, n'y arrivait-il pas ? Léo avait fait des erreurs, lui avait causé plus de douleur qu'il n'aurait à en subir dans toute sa vie, mais il l'aimait toujours comme un fou, et visiblement, ça ne passait pas. Et il avait compris depuis longtemps que ça ne passerait jamais.

SOLEIL DE DÉCEMBRE [PLK]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant