Chapitre 12

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Il avait fait bonne figure, s'était retranché derrière son mur de glace, feignant l'indifférence et la froideur. Mais il avait trouvé cet exercice vraiment très difficile. Se trouver à nouveau si proche de la jeune femme l'avait perturbé bien plus qu'il ne voulait l'admettre, et ça avait eu pour conséquence de le replonger à nouveau dans leur histoire. Il s'était demandé si un jour il allait réussir à la regarder dans les yeux sans qu'elle ne provoque en lui ces sensations puissantes. C'était comme si elle avait un pouvoir sur lui, une influence qui l'empêchait de réfléchir correctement, et si durant leur idylle il avait aimé ce sentiment d'abandon, il avait bien du mal à le gérer désormais. Il y avait toujours ce tourbillon au creux de son ventre, celui qui l'obligeait à compartimenter son cerveau, entre l'amour et la haine, entre la tendresse et le dégoût. Le plus dur, finalement, ce n'était pas de devoir se cacher aux yeux de Léo, mais de ne pas savoir lui-même quoi penser de tout ça. Le tiraillement était douloureux et piquant, et pour le moment, il avait l'impression qu'il était bien incapable de trouver des solutions pour l'amenuir.

Maintenant qu'il se trouvait dans la voiture, en tête à tête avec Milo, il réussissait à remettre un peu d'ordre dans son esprit, et parvenait à se focaliser entièrement sur le jeune garçon. S'il ne laissait pas Léo dans un coin de sa tête, le moment allait être gâché, et c'était bien la dernière chose qu'il souhaitait.

Il avait longuement réfléchi au programme de la journée. Il avait d'abord cherché les activités les plus cools, les plus chères, les plus tape-à-l'œil qu'il aurait pu lui proposer. Il s'était dit qu'il devait lui en mettre plein les yeux, rendre leur journée inoubliable et leurs retrouvailles éblouissantes. Il avait en premier lieu pensé à l'emmener à Disneyland, avant de s'imaginer une horde de fans à ses trousses et de renoncer. Il avait pensé à des parcs d'attraction, des fêtes foraines, des magasins de jouets ou de jeux vidéos, avant de se rendre à l'évidence et de comprendre à quel point c'était risible face à la pureté de leur relation. S'il manquait à Milo, autant qu'il lui manquait à lui, il était inutile d'en faire des caisses. Au contraire. Il avait fini par opter pour la simplicité et l'authenticité. Et l'improvisation aussi, un peu. Il était 11h30, et il n'avait finalement aucune idée de ce qu'il allait faire avec le petit garçon. Il voulait juste être avec lui, après ces mois de silence et d'absence.

- T'as faim bonhomme ? Il entreprenait de lancer la conversation, voyant que Milo était anormalement silencieux et calme.

- Oui trop ! Il acquiesçait, son visage déformé par son sourire.

- On va manger alors.

- Et après ?

- Après on ira chez Mamie si tu veux.

- Yes !

Il était relativement tôt pour aller déjeuner, mais après tout, ils n'avaient pas tellement de temps à perdre, ils avaient faim, il était inutile de faire durer le supplice plus longtemps. Alors il prenait la direction du restaurant tenu par son ami, là où il avait emmené Milo la première fois qu'il avait mis les pieds dans ce genre d'établissement. Ca s'inscrivait dans la lignée de ce qu'il avait imaginé pour cette journée. La simplicité et l'authenticité. Après avoir longuement salué le propriétaire des lieux, ils prenaient place dans un coin de la grande pièce. Mathieu tenait à leur tranquillité, et il était fondamental pour lui de rester discret pour ne pas risquer d'être dérangé. Ni ses fans, ni ses connaissances n'avaient de rôle à tenir dans ce moment. C'était Milo et lui, rien ni personne d'autre.

Le serveur, seule personne habilitée à intervenir auprès d'eux, venait rapidement prendre leur commande, puis un silence s'installait à nouveau entre eux. Ils n'étaient pas bavards, en réalité. Mathieu observait le petit garçon, constatant combien il avait changé. Son visage s'était un peu transformé. Il approchait de l'adolescence et ça se voyait. Il avait grandit, sa silhouette se faisait un peu plus massive, moins frêle. Il était toujours beau, avait gardé son regard espiègle et il trouvait ça particulièrement rassurant. Malgré tout ce qu'il avait déjà eu à endurer, il était resté le même, souriant, léger et encore un peu insouciant. 

SOLEIL DE DÉCEMBRE [PLK]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant