Chapitre 11

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- Salut Aïssa, avait-elle lancé dès qu'elle avait décroché.

- Salut ma belle ! Comment tu vas ?

- Ca va, ça va. Mathieu va venir chercher Milo pour la journée, si ça te dit qu'on se voit ? Enfin, si t'es pas occupée quoi...

- Oh, je vois. Elle rétorquait, comprenant que la situation était délicate. Je suis pas occupée ! C'est ok ! 

Il lui avait paru impossible de rester à l'appartement à se ronger les ongles pendant que Milo passait son après-midi avec Mathieu. Son psy, et Madame Michel avait appuyé son propos, lui avait conseillé de penser à autre chose, de s'occuper et de faire tout ce qui était en son pouvoir pour rester calme et lâcher prise. Assez naturellement, elle s'était tournée vers Aïssa, lui proposant d'aller déjeuner à la terrasse d'une brasserie avant d'aller se promener elle ne savait pas encore où. Son amie avait accepté de bon cœur, consciente qu'elle allait avoir du pain sur la planche si elle voulait vraiment lui permettre de ne pas trop penser.

Aïssa avait toujours cette place délicate, à la jonction de la relation pour le moment inexistante de Léo et Mathieu. Elle voyait son amie se sortir petit à petit de ses tourments avec une force et une détermination sans faille, pourtant rongée par une tristesse qu'elle tentait de masquer. Elle voyait Mathieu aussi, feignant l'indifférence, qui croyait être discret lorsqu'il lui demandait indirectement si elle avait vraiment repris contact avec elle. Elle voyait ce qu'ils ne voyaient pas. Elle savait pertinemment qu'ils étaient destinés l'un à l'autre. Même elle qui pourtant n'était pas du genre à donner de l'importance à la superstition, se disait que seule une action divine avait pu faire en sorte que leurs chemins se croisent. Un jour ou l'autre, ils se retrouveraient, ça ne faisait aucun doute pour la jeune femme. Pour autant, elle refusait catégoriquement de jouer les entremetteuses, se gardant bien de faire trop de commentaires pour ne pas avoir l'air de prendre partie, ce que ni Mathieu ni Léo ne lui demandait, d'ailleurs. Mais ses yeux restaient grands ouverts, à l'affût du moindre signe d'amélioration. Pour elle, ce n'était qu'une question de temps, et au fond d'elle, elle espérait que le temps passe vite, pour enfin enterrer toute cette histoire. Ils étaient malheureux, et elle avait bien du mal à les imaginer retrouver leur joie de vivre séparément.

******

Léo regardait l'horloge, alternant entre l'impatience et la trouille. Mathieu n'allait plus tarder, Milo sautait littéralement dans tous les sens, et elle, elle ne savait pas exactement où se situer dans tout ça. Quelque chose de presque inconscient l'avait conduite à faire un effort pour être présentable. A défaut de pouvoir se sentir vraiment séduisante, elle refusait de lui renvoyer une image défaite et négligée. Et puis elle allait sortir avec Aïssa, c'était une excellente raison de prendre un peu soin de son apparence. "Ca peut grandement aider pour la confiance en soi" lui répétait souvent le Docteur Erard, et il n'avait pas tort. Quand elle s'apprêtait, elle avait un peu plus d'estime pour elle-même, et dans son cas, c'était précieux.

Elle crevait d'envie de voir Mathieu, de l'écouter parler, même s'il ne s'adressait que très peu à elle. Malgré tout, elle était à deux doigts de dire à son fils de se débrouiller tout seul pour descendre en bas de l'immeuble afin d'éviter le regard perçant du jeune homme. Depuis leur conversation téléphonique sans enthousiasme, quelques jours auparavant, elle n'avait eu de cesse de penser à lui. Deux nuits de suite, elle avait rêvé de lui et de son corps. Et les réveils avaient été terribles. Elle n'avait pas été capable de retenir ses larmes, tant dans ses songes ses caresses avaient semblé réalistes. Les matins qui avaient suivis, elle avait gardé de longues heures en tête ces mots qu'il lui murmurait quand ils faisaient l'amour, crus ou tendre, délicats ou bruts, comme si sa voix raisonnait dans son esprit sans pouvoir en partir. Elle faisait son possible pour faire abstraction de Mathieu au quotidien, mais le manque était si intense, qu'il ne la quittait jamais. C'était là, en permanence, comme une punition perpétuelle, qui lui rappelait qu'elle était responsable de sa situation, et qu'elle avait tout perdu. Elle l'aimait tellement qu'elle en souffrait terriblement, et elle réalisait jour après jour que le temps ne parvenait pas à l'apaiser.

SOLEIL DE DÉCEMBRE [PLK]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant