Chapitre 8

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Si Mathieu avait eu du mal à entendre les justifications de Léo, la jeune femme en revanche, avait bien assimilé l'ensemble des mots prononcés par son ancien petit-ami. Elle le savait brut et rude, elle n'avait pas été franchement surprise. Pour autant, ça n'empêchait pas ses paroles d'êtres violentes et douloureuses. Elle savait pertinemment qu'il n'aurait pas été tendre, trop blessé pour rester courtois, mais même en s'y préparant, entendre de sa bouche qu'elle était comme morte à ses yeux, avait broyé son cœur.

Elle s'était préparée à cette rencontre, longuement, durant des semaines, des mois, même. En réalité, elle s'était préparée à ces retrouvailles dès l'instant où sa mère l'avait suppliée de ne pas tout foutre en l'air et de se soigner au plus tôt. Le jeune homme avait été comme un phare rassurant que l'on aperçoit au loin en pleine tempête, et sans la perspective de leurs possibles retrouvailles, elle aurait eu bien du mal à amorcer sa thérapie. Elle avait donc bien entamé son processus de guérison, mais leur réconciliation paraissait vraiment compromise, et ce n'était pas franchement une surprise pour Léo. Ce n'était pas une surprise mais elle avait gardé au fond d'elle l'infime espoir qu'il puisse lui pardonner ou du moins, lui laisser une vraie chance de s'exprimer correctement sur les raisons qui l'avaient poussée à quitter Paris. Ca n'avait pas été le cas, et si dans l'instant ça la faisait souffrir, elle savait qu'elle devait accepter la fatalité. C'était désormais à lui de décider de la suite de leur histoire. Mais elle avait quand même mal au cœur. C'était un coup dur, même si elle l'avait anticipé.

Le Docteur Erard, et Madame Michel, lui avaient répété sans arrêt depuis des semaines que Mathieu était comme un bonus dans sa vie, la cerise sur le gâteau, le sucre glace sur la gaufre. Ce qu'ils voulaient faire passer comme message, c'était qu'il ne devait pas être le centre de son monde, surtout maintenant qu'ils ne formaient plus un couple. S'il refusait de réintégrer sa vie, c'est qu'il devait en être ainsi, et elle devait continuer sa route, sans son bonus, ce qui ne devait rien enlever à la valeur de son existence. Elle devait garder en mémoire qu'elle existait sans lui, et qu'elle continuerait parfaitement à le faire s'il était amené à refuser tout dialogue. Elle savait au fond d'elle qu'ils avaient raison, mais ça ne l'empêchait pas d'être incapable d'appréhender son avenir sans cet homme à ses côtés.

En quittant l'appartement de Mathieu, elle avait ressenti le besoin pressant de s'aérer l'esprit. Elle avait marché, longuement, se réfugiant dans une bulle hermétique aux bruits de la rue et aux passants qui la bousculaient. Durant de longues minutes, elle avait arpenté Paris, en marche pour rejoindre l'appartement de Madame Michel. Elle prenait quelques détours pour admirer certains endroits qu'elle aimait, s'arrêtait parfois pour regarder l'intérieur de vitrines de magasins ou écouter un musicien de rue. Elle déambulait, concentrée sur elle-même, sans se presser, interrogeant ses propres émotions. Autant que possible, elle tentait d'analyser les évènements, essayait de prendre du recul, de ne pas se contenter de la première idée qu'elle se faisait de la situation. Elle devait voir plus loin que le bout de son nez, si elle voulait être en mesure d'avoir une vision d'ensemble et ainsi interpréter les choses correctement.

Tout avait changé depuis son départ. La situation, sa vie, ses relations. Elle-même, était transformée. Elle avait accepté ses failles, appris à apprivoiser ses faiblesses pour avancer. Elle était encore souvent sur le fil du rasoir, mais désormais, elle en avait conscience, et ça changeait tout. Durant trop longtemps elle s'était convaincu qu'elle devait être forte, invincible et qu'elle devait toujours tout maîtriser. Preuve en était que malgré tout, elle avait fini complètement au fond du seau, et qu'elle avait quasiment tout perdu. Alors elle laissait une place plus importante à ses sentiments. Elle acceptait le fait qu'il était normal, parfois, de souffrir et de ne pas être en totale harmonie avec elle-même. Elle acceptait de ne pas toujours aller bien, de ne pas toujours être capable de positiver. Elle acceptait ses noirceurs et ses imperfections.

SOLEIL DE DÉCEMBRE [PLK]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant