Chapitre 2

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Il avait cherché longuement une excuse valable pour se défiler, avant de voir apparaître dans son esprit le visage de son petit frère, satisfait et fier d'être le centre de l'attention pour la journée. Il avait promis d'être là, et même s'il avait trop bu, trop fumé et trop peu dormi, il faisait l'effort de sortir de son lit et se dirigeait d'un pas traînant jusqu'à sa salle de bain. Le reflet que lui renvoyait le miroir n'était pas glorieux, il avait le teint fade et la mine sombre, comme tous les matins depuis des semaines. Et comme tous les matins, il tachait d'en faire abstraction et de détourner le regard. Il profitait quelques minutes de l'effet que l'eau brûlante produisait sur sa peau halée, avant de sortir affronter la réalité. Sans se presser, il enfilait une tenue convenable, essayait de dompter ses cheveux sec à la couleur douteuse, et se saisissait de sa sacoche pour rejoindre l'appartement de sa grand-mère. Il n'était pas enthousiaste à l'idée de passer sa journée assis à écouter sa famille parler trop bruyamment, mais encore une fois, il se souvenait qu'il se devait d'être là pour fêter l'anniversaire d'Enzo.

Arrivé devant la porte à la peinture défraîchie, il entrait sans prendre la peine de s'annoncer. Après tout, il avait vécu dans cet appartement de nombreuses années, il se considérait toujours chez lui. Son entrée, pourtant discrète, était remarquée de tous. Sa grand-mère se précipitait pour embrasser ses joues rondes, son père venait lui claquer affectueusement l'épaule et son petit-frère se ruait sur lui pour entourer sa taille de ses bras fins. Il saluait de la main l'ensemble des personnes présentes, une tante, des cousins. Maintenant qu'il était dans ce cocon intimiste, il était finalement plutôt content de s'être fait violence. Avec le temps, les regards devenaient moins pesants, chacun des membres de sa famille ayant assimilé le départ de Léo. Si personne n'était dupe, ils faisaient tous en sorte de rendre les choses les plus normales possibles. Et finalement, il n'y avait rien de plus normal que de fêter un anniversaire en famille.

- Je suis contente que tu sois là, mon grand. Lui glissait Françoise discrètement.

- T'inquiète, c'est normal...

Il parvenait même à esquisser un sourire qu'il adressait à la sexagénaire. Il se voulait rassurant, gardant toujours à l'esprit que moins elle s'inquiétait, moins elle le questionnerait.

- Mathieu est là, je peux ouvrir mes cadeaux maintenant ? Réclamait Enzo sans gêne.

- Tu veux pas manger le gâteau d'abord ? Suggérait sa grand-mère.

- Je préfère ouvrir mes cadeaux !

- Aller Mamie, laisse le ouvrir ses cadeaux. Ca sert à ça un anniversaire ! Mathieu appuyait la requête de son frère, impatient de le voir déchirer l'emballage des paquets qui trônaient sous ses yeux.

- Va pour les cadeaux, alors !

Enzo déballait avec précipitation tous ses présents, profondément heureux de tout ce qu'il découvrait. En ce point, Mathieu trouvait qu'il ressemblait beaucoup à Milo. Il avait aussi connu le manque d'argent, les noël au budget serré, les anniversaires sans folie, et par conséquent, il savait apprécier ce qui lui était offert. Il ne se préoccupait pas de la valeur de ce qui se trouvait  sous le papier cadeau, et savait toujours se montrer reconnaissant de ce qui lui était donné. Son sourire communicatif irradiait la pièce et sa joie n'échappait à personne. C'était un moment si simple et pourtant si puissant. L'espace de quelques secondes, le jeune homme se laissait entraîner par le vice de son esprit, et se remémorait la première fois qu'il avait offert quelque chose au petit garçon de Léo. Il avait été si heureux et si ému, qu'il avait presque eu l'impression de lui avoir décroché la lune. Encore un fois, il ne parvenait pas à s'empêcher de se demander où ils étaient, et si la jeune femme avait une situation suffisamment confortable pour lui offrir ce genre de moments. Il imaginait Milo à la place d'Enzo. Pire, il les imaginait côtes à côtes, riant à gorge déployée comme ils le faisaient souvent par le passé, mais Enzo était bien le seul jeune garçon dans cette pièce.

SOLEIL DE DÉCEMBRE [PLK]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant