Chapitre 13

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La déception était immense. Colossale même. Elle n'avait pas osé trop espérer, mais elle n'en demeurait pas moins terriblement déçue. C'était comme si on venait d'ajouter sur ses épaules un sac à dos chargé de pierres et de plombs. Comme si on avait ajouté la goutte d'eau à son vase, déjà prêt à déborder. Elle n'allait jamais y arriver. Elle ne s'en sortirait jamais. On ne lui laisserait jamais une chance de réparer ses erreurs et celles de son ex-mari. Elle allait subir toute son existence, condamnant son fils à une vie où il devrait se saigner pour survivre. Voilà tout ce qu'elle était capable de penser, à cet instant précis.

- Léo, on va chercher ailleurs, ne vous en faites pas. Je vous ai promis mon aide. Je tiens toujours mes promesses.

- Merci Madame Michel. Mais personne ne voudra de moi. Je ne sais rien faire, j'ai pas fais d'études, je suis pas le genre de fille qu'on a envie d'embaucher... Elle soufflait, négative.

- Je vous interdis de parler de vous comme ça! Je vous l'interdis ! Elle claquait en la pointant du doigt. Vous êtes une femme forte, indépendante et courageuse. Vous êtes puissante ! Maintenant il va falloir que vous l'imprimiez !

Le ton employé par Madame Michel était glaçant. Léo se trouvait droite comme un piquet devant la vieille dame, figée par ses mots et la grimace qui déformait son visage. Elle ne l'avait jamais vue aussi sévère. Comme une mère, ou une grand-mère, elle semblait décidée à lui remonter les bretelles, et lui ramener les pieds sur terre.

- Ça suffit maintenant de se plaindre ! Vous n'êtes pas moins bien qu'une autre ! On nous piétine, nous les femmes, depuis des millénaire, il serait temps d'arrêter de se laisser faire ! Il veut pas de vous ? On s'en fout. Vous allez trouver encore mieux ailleurs.

- J'ai aucune expérience, j'ai pas l'éducation, ou la culture générale pour atteindre des postes importants. C'est pas une question de se plaindre, je suis réaliste...

- Vous croyez que les grands de ce monde sont nés avec leurs connaissances ?! Vous allez apprendre. Mais je veux plus jamais entendre que personne ne voudra jamais de vous.

Le poste à la galerie d'art lui était passé sous le nez, à la grande surprise de Madame Michel. Le chargé de recrutement avait décidé qu'il était préférable d'embaucher un homme, plus âgé, et avec beaucoup d'expérience dans le marché de l'art. Elle ne pouvait pas lutter, même avec l'appui de l'octogénère, elle ne correspondait à aucun critère.

Elle était tellement déçue. Le changement de vie, l'amélioration de son quotidien, ce n'était encore pas pour cette fois. Elle avait espéré un petit coup de pouce du destin, pour une fois, mais elle commençait à croire qu'elle n'avait pas droit à un nouveau départ.

- Léo, écoutez-moi. Vous allez continuer à vous battre encore un peu. Et ça va finir par payer.

- J'ai plus de force. J'ai juste plus de force... Déclarait-elle abattue et les larmes menaçant de sauter de ses yeux.

Madame Michel était désolée face à ce spectacle. Elle sentait que Léo perdait espoir, et elle se sentait un peu responsable de la situation. Elle avait été trop confiante, et elle de reprochait d'avoir donné de faux espoirs a lajeune femme. En la voyant quitter son appartement, le regard triste et la silhouette courbée, elle se jurait qu'elle vivante, la situation se décanterait.

Le reste de sa journée avait été terriblement compliqué à mener. Elle était irritable, anxieuse, à bout de nerf. Elle avait atteint les limites de sa patience et elle luttait en permanence pour ne pas envoyer tout le monde sur les roses. Elle avait encaissé pendant des années la solitude, la précarité, la maternité en solitaire, le manque de sommeil et de repos, les responsabilités. Mais ce jour-là, elle était au bord du gouffre. Elle était essorée, à bout de souffle.

SOLEIL DE DÉCEMBRE [PLK]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant