Chapitre 46

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Il n'avait pas réussi à trouver le sommeil. 

Le silence, la solitude, l'inquiétude, et la tristesse s'étaient invités à sa soirée, et s'il avait essayé de se forcer à dormir pour récupérer des forces pour le lendemain, il n'avait pas réussi à fermer l'œil de la nuit. Il avait passé des heures entières sur internet à chercher toutes sortes de témoignages pour avoir des idées d'où mener ses recherches, entre les dizaines de tentatives infructueuses d'appels à destination du téléphone de Léo ou de Milo, mais rien n'aidait, rien ne fonctionnait. Il lui semblait impossible qu'elle soit partie de son plein gré, qu'elle l'ait quitté sans dire un mot, qu'elle l'ait quitté tout court. Elle n'avait pas pu lui faire une chose pareille, alors qu'il avait placé en elle son entière confiance. Elle savait pertinemment combien il l'aimait, et qu'elle était une exception parmi toutes ces femmes qu'il n'avait jamais réussi à aimer. Elle savait qu'une trahison telle ne pourrait que le détruire. Il avait confiance en elle, profondément. Malgré tout, il avait vérifié que leurs affaires se trouvaient toujours dans l'appartement, et au premier coup d'œil, rien ne lui paraissait anormal. Tout semblait être encore à sa place, rien ne manquait à l'appel, visiblement, elle n'avait pas prévu de ne pas rentrer. 

Ce qu'il ressentait, à ce moment précis, était comparable à un trou. Un trou béant. Un gouffre sans fond. Un précipice dans lequel il était en train de chuter. Tout se mélangeait. La peur était le sentiment qui primait sur tous les autres. Il lui paraissait impensable que Léo ait pu déserter d'elle-même, qu'elle ait pu partir sans un mot et sans une explication, laissant derrière elle toutes ses affaires. Il lui était inévitablement arrivé quelque chose. Et ce quelque chose était, sans aucun doute, suffisamment grave pour qu'elle ne soit pas en mesure de communiquer avec lui. Le sentiment qui suivait était la rage liée à l'impuissance. Il était condamné à subir une situation abominable, et il aurait pu détruire tout ce qui se trouvait sur son passage de colère. Mais il restait en lui une part de lucidité, qui le poussait à garder son calme autant que possible. Exploser en cours de route n'aiderait en rien,

Comme toujours lorsqu'il se trouvait dans une situation périlleuse, contacter Flav avait été un de ses premiers réflexes. Il lui avait expliqué rapidement la situation, du message du matin absent à l'appel des hôpitaux avec Madame Michel, ce à quoi son manager avait répondu par un simple « j'arrive ». Et il n'avait pas menti. Il ne mentait jamais, d'ailleurs. Quelques minutes seulement s'écoulaient avant qu'il ne franchisse le seuil de l'appartement de son protégé. Il y trouvait son ami assis dans son canapé, dans son salon enfumé, les coudes posés sur ses genoux, et le regard vitreux. La vision seule du jeune homme, de ses cernes et de sa mine inquiète, suffisait à lui faire prendre conscience de la gravité de la situation. Il avait vécu toute sorte de galère, plus jeune, il avait fait face à une multitude de situations merdiques bien différentes les unes des autres, mais une double disparition, ce n'était pas encore dans son CV. Et compte tenu de l'état de Mathieu, il savait qu'il allait avoir du pain sur planche.

- Toujours rien ? Il osait demander à Mathieu, avec prudence, en posant sa veste sur le dossier du canapé.

- Rien.

- Elle t'a rien dit de particulier, un truc qui pourrait nous mettre sur une piste ?

- Frère je me tords le cerveau depuis hier, je vois pas. Elle aurait jamais fait manquer l'école au p'tit ou raté le travail sans une vraie raison. Il lui est arrivé un truc c'est obligé.

- C'est normal de penser au pire, mais si ça se trouve, c'est rien, il essayait de le rassurer sans grande conviction.

- Ca lui ressemble pas. Ca lui ressemble pas. Ca lui ressemble pas. Il répétait en se redressant et en parcourant la pièce de long en large, les mains agrippées à ses cheveux décolorés.

SOLEIL DE DÉCEMBRE [PLK]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant