Chapitre 27

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Elle n'avait jamais abordé une matinée après une nuit sans sommeil avec autant de sérénité. Un sourire radieux était ancré sur son visage, et même la perspective d'abimer ses mains avec des produits d'entretien ne pouvait rien contre sa bonne humeur. 

Quand le jeune homme s'était enfin décidé à quitter l'appartement, elle avait pu se concentrer sur les sensations qui avaient pris possession de son être. La plénitude. L'accomplissement. La joie. La fatigue aussi. Ce genre de fatigue qui ne vous rend pas malheureux et qui ne vous donne pas envie de retourner vous coucher. C'était une fatigue qui, comme après avoir fait du sport, vous comble de calme et d'un grand sentiment de relaxation. Le souvenir plus que récent de sa nuit avec Mathieu était figé dans son esprit. Elle était presque capable de sentir encore ses mains sur sa peau et ses lèvres contre les siennes. Léo ne ressentait même pas de tristesse à l'idée que ce moment se soit terminé, tant elle avait la certitude que d'autres nuits similaires étaient à venir.

Après s'être assurée que Mathieu n'avait laissée aucune trace de son passage qui auraient pu les mettre dans l'embarras vis à vis de son fils, Léo avait suivi scrupuleusement sa routine matinale avant de claquer la porte derrière elle. Madame Michel l'attendait, le soleil n'allait pas tarder à se lever, il lui semblait que le froid n'était pas si insupportable que d'habitude et elle venait de passer une nuit extraordinaire avec Mathieu. La journée débutait sous les meilleures auspices.

La route jusqu'à sa cliente préférée lui semblait plutôt courte, à l'inverse de tous ces matins glacials où elle avait eu l'impression qu'il était interminable. Les gens étaient beaux, courtois, souriants. Et si la réputation qui collait au derrière des parisiens n'était qu'une vaste mascarade?  Le Parisien était sympathique quand on se donnait la peine de le voir.

Perdue dans ses pensées farfelues, causée probablement par le manque de sommeil et le sentiment de bonheur immense qui l'envahissait depuis le lever du jour, elle ne réalisait même pas qu'elle était arrivée à destination. Ses pieds l'avaient comme menée machinalement ici, il ne lui restait plus qu'à composer le code de l'interphone avant d'entrer dans l'enceinte de l'immeuble.

- Bonjour Madame Michel ! Lançait-elle joyeusement en pénétrant dans l'appartement. Comment ça va aujourd'hui ?

- Ne me parlez pas comme si j'étais déjà un légume, elle maugréait.

- Bah... qu'est-ce qui vous arrive ? Elle demandait plus que surprise par l'attitude de la dame.

Elle trouvait Madame Michel assise sur une chaise, accoudée à sa table, le visage fermé, le sourcil froncé, les lèvres pincées. Tout dans sa posture et sa manière de s'adresser à Léo sans lever le regard vers elle, démontrait une certaine colère, mélangée à un peu de chagrin.

- Il m'arrive que ma fille devait me rendre visite à la fin de la semaine, mais que son idiot de mari l'emmène en voyage pour leurs 25 ans de mariage... Elle peut crever la vieille, voilà ce qu'ils doivent se dire. Elle grognait.

- Mais ça va pas de dire des choses pareilles... La contredisait Léo, en prenant place sur la chaise d'à côté et en posant sa main sur son avant bras.

Visiblement, ce jour-là, tout le monde n'était pas de si bonne composition qu'elle. Si habituellement c'était elle qui avait besoin de soutien et d'une oreille attentive, elle comprenait que les rôles s'inversaient. Bien entendu, ça ne lui faisait pas plaisir de la voir ainsi, mais elle avait emmagasiné suffisant de joie de vivre pour pouvoir en transmettre un peu, et ça aussi, ça la rendait heureuse.

Son manteau encore fermement harnaché sur sa poitrine, elle essayait de réfléchir aux bons mots qu'elle pouvait employer pour permettre à la vieille dame de se sortir de cet état de déprime avancé. Finalement, elle était novice dans l'art de réconforter les autres. Sa vie ne l'avait jamais menée à se trouver dans cette position, elle se sentait un peu maladroite et pataude.

SOLEIL DE DÉCEMBRE [PLK]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant