Chapitre 9

1.7K 108 79
                                    

"- La vie c'est comme ça tout le temps, ou c'est seulement quand on est petits ?

- ... C'est comme ça tout le temps"
"Léon" - 1994

******

La situation n'était évidente pour personne.

Léo luttait contre ses démons, partageant son temps entre ses introspections et ses projections vers l'avenir. Elle mettait toute son énergie à appréhender le futur avec plus de sérénité, pour assurer une vie digne à son petit garçon. Elle avait bien compris qu'elle devait être heureuse et épanouie pour être la meilleure mère possible, et elle s'y consacrait pleinement. Elle avait en elle une culpabilité tellement grande, qu'elle devait parfois se battre avec acharnement contre cette petite voix qui lui susurrait qu'elle était la pire maman du monde, et qu'elle avait fait souffrir son fils au-delà de l'acceptable. Elle savait qu'elle ne se débarrasserait jamais de ce sentiment, mais elle s'attelait chaque jour à le surmonter. Madame Michel mettait toute son énergie à sortir ses petits protégés de la galère, malgré la fatigue qui découlait logiquement de son âge. Elle y mettait les moyens, financiers déjà, et amicaux. Elle leur apportait un soutien sans faille, conseillait, écoutait. Il lui était insupportable d'imaginer qu'ils puissent passer à côté d'une vie agréable. C'était, elle le savait, le dernier combat de sa vie, et elle y mettait tout son cœur. Mathieu, lui, était toujours tiraillé entre la colère et la peine, entre l'amour et la haine. C'était trop fort pour être maîtrisé, il ne faisait que subir, incapable de nommer de manière exacte ce qui se passait dans sa tête. Il avait mal, mais sa rage prenait le dessus sur tout le reste la plupart du temps. Il était à cran, malheureux, et il ne trouvait pas comment emprunter le chemin de l'apaisement. Aïssa avait toujours un rôle un peu particulier, au milieu des deux mondes, tâchait de faire preuve d'impartialité, et faisait tout son possible pour être présente pour les deux amants séparés, sans jugement. Elle voyait Mathieu s'enfoncer d'heure en heure dans la noirceur, avec la profonde conviction que malgré tout, ils ne pourraient jamais être heureux séparément. Le cercle amical et familial du jeune homme devait supporter ses états d'âme et ses sauts d'humeur, sans pouvoir trouver de solution pour le soulager ou le consoler. Il fallait faire preuve de patience, peser ses mots en permanence pour ne pas le contrarier, fermer les yeux sur ses comportements excessifs, et c'était lourd. Définitivement, c'était compliqué pour tout le monde.

Et au milieu de tout ça, se trouvait Milo.

Ce petit garçon de presque 10 ans subissait et observait en silence les actions des adultes autour de lui. Dans son esprit, il était clair qu'il n'avait pas tous les tenants et les aboutissants, et qu'il devait encore se fier aux grands qui contrôlaient encore sa vie. Il n'en voulait pas à sa mère, conscient qu'elle n'avait fait qu'agir instinctivement pour le protéger. Il comprenait et faisait en sorte de ne surtout pas faire de vague au risque d'ajouter des soucis à Léo. Pour autant, il y avait au creux de lui, en permanence, comme un vide. Toute sa vie, il avait encaissé les douleurs et la détresse des autres. Il en arrivait à se demander si c'était ça, la vie. Il était empli de gratitude quand il voyait son maigre entourage se démener pour lui, mais il regrettait profondément le temps de la légèreté, quand ils partageait leur vie avec Mathieu et que tout était plus simple. Durant sa courte existence, il avait vu trop de chagrin, trop de difficultés, trop d'épreuves, au point de penser parfois qu'il n'aurait jamais vraiment la chance d'avoir une vie paisible et calme.

Il gardait en lui le souvenir ancré de leur départ. Léo l'avait réveillé en pleine nuit, le suppliant de s'habiller en silence. Il se rappelait de son regard, à la fois calme et paniqué, qui scrutait le couloir qui menait à leurs chambres. Il n'avait pas immédiatement compris que c'était un réveil potentiel de Mathieu, qu'elle surveillait. Encore à moitié endormi, il s'était levé difficilement, avait constaté qu'il faisait encore nuit, et sans trop se poser de questions au départ, il avait obéi. Il s'était habillé, prenant soin de faire le moins de bruit possible, suivant les consignes de sa mère, et avait patienté, assis sur une valise, qu'elle lui explique ce qui était en train de se passer. Au départ, elle ne lui avait donné aucune réponse. Elle l'avait aidé à mettre son manteau, toujours en lui ordonnant de se taire, avait attrapé leur seul bagage et ils étaient sortis sur la pointe des pieds.

SOLEIL DE DÉCEMBRE [PLK]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant