Fais de tes faiblesses, ta force
— Parfois je te déteste, je déteste ces apostrophes, je déteste ces journées frêles et merdiques, ces poumons qui se coincent quand la fumée les enfument, je déteste les lendemains sans toi, je déteste ce teint qui palis comme une veste de grêle, je déteste nos souvenirs si lointains, nos rêves de silence et nos promesses de cristal. Je haïs le gamin qui te ressemble, là-bas, derrière le métro qui avance, ce putain de gamin qui lorsque t'avais son âge n'était même pas foutu de comprendre le monde quand toi tu pouvais le surmonter. Oui, parce que je sais tout Louis. Je sais tout ce qui te tracasse, et si tu n'avais pas fui, j'aurais pu t'épauler. Te soutenir et t'aider. Je déteste ma gorge qui s'étrangle et mes genoux qui brûlent, et mon ventre qui se plie, et mon nez qui pleure. Je haïs tes photos, je haïs tout ton côté sensible et artiste et dingue que j'ai jamais compris mais que j'envierais toujours. Je haïs mon isolement presque volontaire, je haïs ce message, je haïs les trains, je haïs New-York, je haïs le froid. Mais par dessus tout ton absence. Qu'il est laid ce mot, pas vrai, qu'il est laid à force d'avoir était écrit, souillé, dépravé, prostré. Absence. Avec un A qu'on dira. Je haïs ne pas savoir quoi te dire quand tout est à refaire, je haïs le temps qui nous efface, je haïs cet absolu qu'on a toujours voulu pour soudure. Je haïs nos éternelles lettres d'amour, et nos détresses écervelées. Je haïs à la déception, à la lassitude, sans tourbillon juste les yeux pour décrire le monde, le peindre sans nous, le colorer sans rien. Pourtant existe et pourtant tu seras toujours là. Et pourtant je ne saurais pas l'expliquer. Tu me porte et c'est fragile mais c'est douloureux, parce que t'es là tout l'temps, parce que c'est ce silence qui raisonne et qui me montre à quel point je ne suis plus personne. Comme ce poème de Pessoa. Plus personne sans toi, sans dire quelqu'un puisqu'on a jamais appelé la Lune quelque chose. T'es mon enrichissement, et je suis Candide. J'ai l'impression que ce sera pour toujours le paradoxe de ma vie.Elle venait de lui dire tout ce qu'elle avait à dire depuis des mois déjà. Elle venait de lâcher son sac. Elle avait dépassé les limites, elle le savait ; mais qu'est ce que ça lui faisait du bien. Qu'est ce qu'elle se sentait bien. Mais maintenant ils devaient s'expliquer, réellement. C'était ça qu'elle redoutait le plus. La confrontation. Même si ça n'en avait pas l'air, pour rien au monde elle l'aurait laissé filer une deuxième fois. Parce que c'était lui. Louis. Son Louis, l'amour de sa vie.
Ils étaient debout à présent, l'un en face de l'autre, se regardant dans le blanc des yeux. Ça faisait tellement longtemps. Louis de son côté était blessé mais assumait. Il prit une lourde respiration et attrapa la main de Rose, doucement comme si c'était un objet fragile. Il la caressait, « aussi douce que du coton » pensa-t-il. Elle, elle se laissa faire, ressentant chaque frisson que lui procurait le mécheux. Il tira doucement dessus, et se mit à courir, à courir le plus vite possible, Rose sur ses talons. Il ne lâchait pas sa main, pas une deuxième fois. Ils esquivaient les passants sur le trottoir et les lampadaires. Elle ne savait pas où ils allaient, mais n'importe où ; elle le suivrait.
Il entra dans le haut bâtiment, et se dirigea vers l'ascenseur. Elle savait ce qu'il voulait faire à présent. Le « ding » retentit et un vent glacial leur fouetta le visage.
— J'aime sentir le vent dans mes cheveux, ça me rappelle à chaque fois que je suis vivant, murmura-t-il.
Il lâcha sa main, sentant de nouveau le vide se former. Il allait lui raconter, tout. Toute sa vie. Mais il voulait qu'elle l'entende par lui-même, pas sur des morceaux de papiers glacées. Elle s'approcha de lui, regardant la belle vue de New-York par-dessus son épaule. Elle était souvent retournée ici, depuis qu'il était partit. C'était grâce à lui qu'elle avait découvert cet endroit. Et l'Empire State Building donnant une vue magnifique de nuit sur la belle ville qu'est New-York, avec les milles et unes lumières allumées.
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Le bruit du silence
RomanceGuillaume Musso a dit « (...) C'est comme le vertige du funambule en équilibre sur un fil. » Vous êtes le funambule, je suis le fil, cette histoire est le vide en dessous. Que faire ? Tenir le coup ou chuter ? Sachez qu'il n'y a pas de retour en arr...