Dix huit

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     Vaut mieux avoir des remords que des regrets, à ce qu'il paraît


— Mes bien-aimés, vous voici réunis devant Dieu et cette assemblée, afin d'unir cet homme et cette femme dans les liens bénis du mariage, état très honorable, institué par Dieu lui-même avant que l'homme ne succombe au péché, et symbolisant pour nous l'union mystique qui joint le Christ à son Eglise, commença le prêtre derrière son pupitre en bois.

Louis était installé au deuxième rang, en bordure de rangée. Il s'arrachait la peau de sa lèvre inférieure. Il avait sortit pour l'occasion un smoking et une cravate bleue marine même si la tradition disait le contraire. Parce qu'il n'aimait pas le noir. Il trouvait ça stupide aussi de porter du noir pour un mariage. Il n'aimait pas les traditions non plus, d'ailleurs.

Il restait concentré sur elle. Uniquement elle. Il ne voyait ni n'entendait rien autour de lui. Sauf elle. Ses yeux ne voulaient pas se détacher de son dos dénudés, et de sa longue traîne. De ses cheveux tombant en cascade sur son dos. De sa magnifique robe qu'il avait faite de ses propres mains. Il ne pouvait pas se détacher de sa main liée à celle de Karl. Surtout de sa main liée à celle de Karl. Il aimerait tellement se lever puis prendre la place de Karl. Prendre la douce main de Rose dans la sienne et faire des petits cercles pour lui rappeler « Hé mon amour, c'est notre mariage aujourd'hui. » Mais non. Il devait rester au deuxième rang parce que ce n'était pas son mariage.

— Le Mariage a été institué pour la sanctification de l'union entre l'homme et la femme, pour la procréation des enfants qui seront élevés dans la crainte et le respect du Seigneur, et pour l'affection, l'assistance et le réconfort mutuel des conjoints, dans la prospérité comme dans le malheur, continua-t-il.

Un volcan était à l'intérieur de lui. Il fallait juste la secousse qui le déclencherai. La secousse qui fera tout basculer. Il orienta sa tête vers un reliquaire même si il était bien moins beau que Rose, il ne voulait pas se faire de mal, parce que oui. Regarder Rose tenir la main d'un autre homme lui brisait littéralement le cœur. Il voulait crier, expulser sa haine sur quelqu'un ou même quelque chose. N'importe quoi, n'importe qui. Il voulait tout balancer. Il y avait un feu dans son estomac qui prenait de plus en plus d'ampleur. La seule personne qui pouvait l'éteindre c'était Rose, il n'était jamais  tombé amoureux comme ça avant. Même Colline. Colline qu'il avait tant aimée. Ce ne fut pas comparable à ce qu'il ressentait pour Rose.

—C'est le sacrement par lequel les deux personnes ici présentes désirent être unies. Donc, si l'un d'entre vous connaît une raison valable qui s'oppose à leur union légitime, qu'il parle maintenant, ou qu'il se taise à jamais.

Louis commença à frapper du pied. Il avait envie de frapper ce pauvre prêtre qui n'avait rien demandé. Il vit que Rose tourna la tête vers l'assemblée. Quand son regard se posa sur lui, un grand sourire apparut sur ses lèvres, dévoilant une lignées de dents blanches, laissant apparaître deux petites fossettes, quelque chose qu'il allait perdre.  Le sourire de Rose était l'une des plus belles choses qu'il connaissait. Ce fut surement ça, la secousse qui déclencha le volcan à l'intérieur de lui. Il repositionna sa cravate et se leva. Dans un bruit qui glaça l'assemblée. Karl et Rose se retournèrent vers lui. Karl serra les poings, mais c'était trop tard, plus rien ne pouvait l'arrêter.

— Je m'y oppose, cria Louis.

Tout les regards étaient braqués sur lui. Sans aucune exception. Il ne perdit pas son sang-froid et passa sa main dans ses cheveux à présent décoiffés. Il captura le regard de Rose et un lien fusionnel s'immisça entre les deux. Rose attrapa sa lèvre entre ses dents. Pétrifiée. Jamais de sa vie elle ne l'avait été à ce point-là.

Le bruit du silenceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant