Chapitre 12

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L'épaule posée contre le chambranle de la porte, un plateau de nourriture entre les mains, j'observe avec minutie la fascinante vue de la minuscule silhouette qui somnole sur le grand lit. La belle humaine aux cheveux en bataille est allongée en diagonale, tout entortillée dans la couverture, si bien que si je devais tirer sur cette dernière, son corps suivrait le mouvement. Ses bras sont fermement agrippés à l'oreiller clair sous sa tête, comme si elle craignait que celui-ci ne lui soit arraché. Un autre traine lamentablement sur le sol, en-dessous du pied qui dépasse du matelas.

Ces derniers jours avec Madyson m'ont permis de découvrir que la petite rousse bouge beaucoup dans son sommeil. Cependant, je n'ai encore jamais eu le plaisir de la trouver dans une telle position. Je souris, attendri par ce spectacle. Je ne sais pas depuis combien de temps je suis là à l'observer. Peut-être bien quinze minutes, si j'en crois l'horloge mural.

En tout, pas assez longtemps pour en être rassasié.

Madyson commence à remuer. Ses sourcils se froncent un instant. Puis elle grommèle, et s'étire avant d'enfin ouvrir les yeux et de tomber sur ma silhouette. J'essaie de paraître naturel et de faire comme si je venais simplement d'arriver. Je me redresse et m'avance en présentant le plateau entre mes mains.

-J'apporte le petit déjeuner.

Semblant encore un peu endormie, Madyson me jauge du regard d'un air troublé. Je pose le plateau sur la table de chevet sans m'en soucier. Une fois de nouveau face à elle, je l'observe quelques instants avant de désigner le coin de sa bouche de mon index.

-Tu baves.

-Quoi ?

Elle porte aussitôt la main à sa bouche, ce qui a pu confirmer mon propos. Ses joues rosissent alors qu'elle essuie le maigre filet de bave d'un revers de la main sous mon regard amusé.

-Bien dormi ?

-Pour la première fois depuis longtemps.

D'un geste prudent, je m'assois sur le rebord du matelas tandis que Madyson se redresse.

-Je vais aller rendre visite à mon Alpha, pour savoir s'il a une piste sur le type qui cherche à te tuer.

-C'est un peu tôt, non ? Les recherches n'ont commencé qu'hier.

-Je souhaite quand-même y aller. Je veux identifier cet individu au plus vite pour pouvoir le neutraliser.

Mon corps se raidit à l'instant où la main de Madyson, douce et délicate, vient se poser sur la mienne. J'observe cette menotte caresser ma peau et déglutis.

-Je te remercie encore, Juliane, pour tout ce que tu fais pour moi.

Je détache mon regard de nos deux mains sur le matelas et arrime mes yeux à ceux hypnotisant de Madyson.

-Est-ce que tu veux m'accompagner ? Je sais que tu n'as pas encore rencontré mon Alpha.

Mady réfléchit un instant avant d'acquiescer. Mais quelques secondes plus tard, elle fait la moue.

-J'ai laissé mes affaires chez Nolan.

Je m'efforce de ne pas montrer les crocs à l'entente du nom de mon rival. Je jette un coup d'oeil à la tenue de Madyson. Il n'y a aucun soucis à ce qu'elle se balade en jogging, mais son débardeur, en revanche, dévoile trop de peau à mon goût pour s'afficher à l'extérieur devant tous ces mâles. Il est cependant hors de question qu'elle retourne au pavillon du frère de Thaïs.

-Je peux te prêter quelques affaires.

Je glisse du lit et trottine vers ma chambre avant qu'elle ne puisse dire quoique ce soit. Quelques secondes plus tard, je reviens avec l'un de mes pulls que je lui tends. Une fois l'avoir enfilé, Madyson grimace.

-Je ressemble à une gamine comme ça.

En effet, le pull, bien trop grand pour un gabarit comme le sien, lui descend à hauteur des genoux, quand aux manches, elles sont tellement longues que la petite humaine est obligée de les retrousser pour que l'on puisse apercevoir ses mains pâles. Je ne peux m'empêcher de sourire et de la trouver adorable ainsi vêtue. Mon loup se ravit de l'idée de Madyson qui va se promener au milieu de la foule tout en portant mon odeur. Cela dissuadera peut-être l'autre loup de venir rôder autour d'elle.

On peut toujours rêver.

Je la laisse manger en toute tranquillité, ayant pour ma part déjà rempli mon estomac. Puis, une fois rassasiée, brossée, et chaussée, nous quittons le pavillon.

Nous croisons Thaïs sur le chemin qui nous rejoint aussitôt qu'elle nous a vu. La brune toise Madyson de ses yeux gris pâles0 tout en posant ses mains de chaque côté de ses hanches.

-Nolan s'inquiète, il se demande où tu es. Personnellement, j'avais déjà une petite d'idée d'où tu pouvais te trouver.

Encore ce Nolan ! Même loin de lui, on continue d'en parler !

Le sourire malicieux de Thaïs qui nous observe tour à tour semble cacher un sous-entendu. La tête penchée sur le côté, j'essaie de comprendre le comportement de la louve, puis écarquille les yeux de stupeur une fois avoir compris.

-On a pas couché ensemble.

-Oh ? Ça alors, je suis déçue.

Les joues en feu, je n'ose regarder Madyson à mes côtés. Thaïs va beaucoup trop vite. Nous ne nous sommes même pas encore embrassés, si jamais l'humaine accepte ce rapprochement intime.

-Où est-ce que vous allés sinon ?

-Rendre visite à Léo.

-Cool ! Je me rends justement dans son bureau. Il paraît qu'il prévoit une nouvelle attaque contre une bande de fripouilles.

Madyson, qui est restée muette depuis son arrivée, prend la parole.

-Pourquoi est-ce que tu ne dis jamais de mot grossier ? la questionne t-elle de manière curieuse, un sourire amusé aux lèvres.

-Ce n'est pas très joli joli dans la bouche d'une fille. lui répond t-elle en accompagnant sa réplique d'un clin d'œil complice.

Nous reprenons la route et arrivons très vite à destination. Nous montons tous ensemble jusqu'au bureau de Léo qui semble toujours aussi occupé derrière toute sa paperasse. Il relève la tête après que Thaïs ait frappé contre la porte et son visage se fige de surprise en apercevant Madyson à mon côté. Il se ressaisit et se relève pour venir nous saluer.

-Bonjour. Tu ne t'en souviens pas, mais je m'appelle Léo. Je suis le dirigeant de cette meute.

Il lui tend la main en souriant. Mais Madyson paraît hésiter, peut-être impressionnée par ses iris presque entièrement noirs. Elle lui rend finalement sa poignée de main avec moins d'entrain, ce que Léo remarque. Il s'écarte en se raclant la gorge, puis s'excuse auprès de nous en prétextant un coup de fil urgent qu'il doit passer. Deux secondes plus tard, il quitte la pièce. Indisponible pour le moment, nous repartons tous les trois bredouille.

Sur le chemin, je me tourne vers Madyson, curieux de comprendre son comportement un peu distant de tout à l'heure, alors que je l'ai connu bien plus chaleureuse.

-Est-ce qu'il y a un problème ? Tu n'avais pas l'air à l'aise avec Léo.

La rousse serre les lèvres. L'air peu rassurée, elle croise les bras et baisse d'autant plus la tête.

-Je ne sais pas. Ça m'a fait tout drôle quand je l'ai vu. Je peux pas dire pourquoi, mais quand il m'a regardé, j'ai eu comme le pressentiment qu'il fallait que je prenne mes jambes à mon coup. Il me fait peur.

Thaïs et moi nous jetons un regard. Nous pensons tous deux la même chose : que ce sentiment est étrange. Léo n'est pas une personne effrayante, bien au contraire. Il fait toujours bonne impression.

Serait-ce un évènement oublié du passé qui viendrait la hanter ?

ConvoitiseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant