C'est le matin, l'air est doux, et la brise légère, elle vient caresser nos visages. Le soleil déjà levé flamboie à travers l'épais feuillage des arbres de la forêt, illuminant les traits pâles de Madyson qui observent le paysage d'un air fasciné, avant de se tourner vers moi et de me sourire. Un sourire chaleureux qui fait battre mon cœur un peu plus vite à mesure que je m'approche.
Je me sens léger, aussi léger qu'un amas de plumes virevoltantes. Le cœur plus gaie, je m'arrête à la hauteur de l'humaine aux cheveux de braise, prêt à tout lui avouer.
Cette fois, c'est le moment.
-Madyson, ma merveilleuse Madyson. Il faut que tu saches quelque chose que j'essaie de te cacher depuis que je te connais.
Inspirant profondément, je tends la main pour lui caresser la joue avec tendresse. Celle-ci est plutôt froide, mais je n'y prête pas plus attention que nécessaire.
-Madyson, je suis am... non, je suis fou, complètement fou, amoureux de toi, de tes sublimes yeux bleus hypnotiques, de ta magnifique chevelure de feu, de ton petit nez couvert de tâches de rousseurs que tu plisses de temps en temps, de ton côté fidèle et bienveillant. J'ai essayé de me battre contre cette attirance, mais je ne peux pas me mentir à moi-même aussi longtemps. Tu ne m'attires pas, Mady, tu m'obsèdes, complètement, au point que j'ai envie de casser la gueule au premier venu qui pose les yeux sur toi et ose t'aborder. Et là, j'ai vraiment très très envie de t'embrasser.
Se disant, je me penche vers elle, le souffle court, prêt à recevoir ce premier baiser que j'attends tellement depuis que je la connais. Cet instant devrait être magique, inoubliable, mais Madyson s'écarte avant que mes lèvres ne frôlent les siennes.
-Je suis désolée, Juliane, mais... non, je ne t'aime pas. Ce n'est pas pour toi que mon cœur bat. C'est Nolan que j'aime, c'est lui.
Elle se recule et s'en va se blottir de les bras du métamorphe qui est apparu sans que je ne m'en aperçoive. Il la tient contre lui, un bras enroulé autour de sa taille, comme si l'humaine lui appartenait, comme si elle était sa compagne.
Foutaise !
Pris d'un accès de rage que je n'ai jamais connu, je me métamorphose en un tour de main. Mon loup, à présent au commande, se jette sur la rousse avant de l'achever d'un coup de crocs habile, ne nous laissant que comme dernière image de la femme que nous aimions, un visage terrifié.
Je me relève subitement, en nage et complètement paniqué. Je mets du temps avant de comprendre que je ne suis pas dans la forêt, mais sur un lit, dans la chambre que Evan et Aisha ont l'amabilité de nous prêter. La respiration haletante, je me tourne vers le côté gauche du lit et suis heureux d'y trouver la silhouette de Madyson dormir paisiblement.
Est-elle seulement endormie ?
Terrifié à l'idée de la trouver morte, je me penche sur elle et vérifie qu'elle respire. Je pousse un profond soupire de soulagement en me rendant compte que l'humaine est belle et bien vivante, le front posé contre sa tempe. Je ferme les yeux, ravi de constaté que ce n'était qu'un cauchemar.
Un cauchemar très réaliste.
La métamorphose est toute nouvelle pour moi, et le contrôle de ma forme lupine m'échappe. Sans compter que mon loup avait un air meurtrier lorsqu'il a pris les choses en main pour s'en prendre à l'assaillant de Madyson. Je n'ai pas oublier l'intensité de son plaisir lorsqu'il a arraché la jugulaire de ce métamorphe. Et je ne peux m'empêcher de m'inquiéter.
Et si ce rêve est un avertissement ? Et si mon loup est véritablement capable de tuer Madyson ?
Je me recouche sur le lit, incapable de me rendormir alors que l'idée que mon loup ne tue la seule personne qui compte à mes yeux me hante.
Après quelques heures d'insomnie, de douche froide et de maigre petit déjeuner, je rejoins Evan dans son jardin. Celui-ci m'a déclaré une chose ce matin, alors que je buvais un grand café : " avoir enfin la possibilité de se métamorphoser, c'est bien beau, mais encore faut-il s'avoir le faire ! ". Je me suis retrouvé devant une impasse lorsque j'ai voulu me transformer la dernière fois. Alors Evan va m'apprendre.
Peut-être que cela m'aidera à avoir le contrôle sur mon côté bestial.
J'ai expressément demandé à ce que Madyson n'assiste pas à cette séance d'entraînement. Mon cauchemar de cette nuit m'a sacrément chamboulé et je tiens à ne prendre aucun risque.
Alors je m'en vais m'accroupir sur la verte pelouse, seul avec mon ami canin.
-Je vais te demander de fermer les yeux. commence t-il par m'expliquer, et j'obéis. Je veux que tu te représentes ta forme animale, dans les moindres détails. Dès que ton loup commencera à s'agiter, surtout ne lui résiste pas ! Laisse-le prendre le contrôle.
Je rouvre aussitôt les yeux, terrifié à l'idée de laisser le contrôle à mon loup.
-Je veux que tu fasses une chose pour moi. Si je réussis à me transformer mais que mon loup est trop instable, fais en sorte que jamais j'approche de Madyson.
Et sur ce, je ferme de nouveau les yeux sans attendre sa réponse. Un peu à cran, je commence à visionner ma forme animale autant que je le peux avec les souvenirs que j'en ai gardé de la dernière fois. Il faisait sombre, je n'ai pas très bien vu ma couleur, mais j'ai clairement vu l'immensité de mes pattes griffues, aussi acérés que des coûteaux. J'ai vu le bout de mon museau sombre que ma langue râpeuse venait lécher après que du sang ai été venu le tâcher. Je me rappelle de mon gabarit gigantesque, de la sensation étrange d'avoir une queue, et le sentiment de puissance et d'invulnérabilité. Et je me rappelle... je me rappelle...
Rien d'autre.
Un peu agacé que mon loup ne vienne pas pointer le bout de son vilain museau, je rouvre les yeux. Ce gros roublard n'a pas montré le moindre signe de vie depuis ce matin. Il se terre au plus profond de mon esprit, ne souhaitant nullement être dérangé.
-Ça ne marche pas !
Evan hausse les épaules.
-Ton loup doit être capricieux, ou fainéant, peut-être même les deux. Dans ce cas-là, il faut le forcer à sortir.
-Comment ça ?
-Tu dois te remémorer quelque chose qui vous fout la rage. Un truc qui le mettra tellement en pétard, qu'il enclenchera la métamorphose sur le champ.
Se remémorer un truc moche. Facile.
Je ferme une énième fois mes yeux, bien décidé à faire sortir ce loup et faire en sorte de le museler. Je plonge dans ma mémoire, ayant déjà dans l'idée de me souvenir du soir de ma métamorphose ratée. Ce fameux jour où mon père m'a attaché pour lacérer mon dos de ses griffes avant de m'enfermer dans cette toute petite et minuscule pièce. Je ne méritais pas pareil punition. J'avais cassé un objet qui lui tenait à cœur, sans le faire exprès. Ce n'était qu'un accident.
Et il m'a torturé.
Je reste les yeux fermés, patientant longuement dans l'espoir que mon animal surgira, en vain. Je frappe le sol de mon poing.
-Ce satané loup ne veut pas sortir de son trou !
Consterné, Evan me dit qu'on ne pouvait pas s'attendre à ce que je réussisse du premier coup. Aussi, nous rentrons à l'intérieur pour nous détendre, ou plutôt essayer pour ma part.
Mon loup a toujours été malheureux d'être enfermé dans mon esprit. Il se lamentait tout le temps, surtout les soirs de pleine lune. Aujourd'hui qu'il peut sortir au grand jour, il reste cloitré à l'intérieur et préfère me hanter dans mon sommeil. Il se joue de moi. Il veut pouvoir garder le contrôle lorsqu'il en aura envie, il ne veut pas que j'apprenne à le maitriser. Tout ça pour ravir ses instincts meurtriers et me prendre ma Madyson.
Je le hais !
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Convoitise
Kurt AdamJuliane est un métamorphe insociable, solitaire malgré sa vie en meute. Il n'a jamais rien demandé à personne, tout ce qu'il souhaite c'est qu'on le laisse vivre sa vie. Mais le voilà obligé à jouer les nounous auprès d'une jeune femme certes sédui...