Prologue

874 52 14
                                    

Il fait sombre, la nuit est tombée et aucune lumière n'est allumée dans le bâtiment. Pourtant, celui-ci n'est pas vide. Alors que tout le monde est censé être couché, une jeune femme sort en toute discrétion d'une salle normalement interdite, un tas de paperasse sous le bras. Elle referme la porte en douceur et se glisse en catimini hors du bâtiment. Elle ne cesse de regarder autour d'elle.

Si jamais il la prenait en flagrant délit, elle serait fichue.

Elle doit être la plus attentive possible, et surtout très silencieuse. Les dossiers serrés contre son buste, elle pousse la porte arrière du bâtiment, celle qui sert d'issue de secours en cas d'incendie ou d'attaque. La lumière des lampadaires fait ressortir le roux de ses cheveux. Consciente que cette couleur vive ne passe pas inaperçu, elle rabat comme elle peut de sa main libre sa capuche sur le sommet de son crâne, puis longe le mur, tête baissée.

Elle ne sait pas encore où aller. Peut-être chez elle, elle y cacherait toutes ses preuves sous son lit, puis elle attendrait que la nuit passe et que tout le monde soit réveillé pour leur montrer sa découverte. En espérant que personne ne remarque les papiers manquants et la porte déverrouillée avant le lever du soleil. Si jamais on venait à le remarquer aussi tôt, tous les soupçons se tourneraient vers elle, et peut-être ne l'écouteraient-ils pas. Sauf si c'est lui qui lui tombe dessus, dans ce cas-là, elle n'aura même pas le temps d'aligner deux mots. Elle sera morte.

Un grognement résonne soudain derrière la femme qui se fige. Ses jambes se mettent à trembler. Elle espère au plus profond d'elle-même que ce n'est pas celui qu'elle croit. Pourtant, l'animal se jette sur elle en plantant ses griffes dans la chair de son dos. La femme a le souffle coupé par sa chute. Elle aimerait hurler, alerter les autres, mais la peur la rend muette. Elle se sent incapable d'émettre le moindre son, même pas pour extérioriser son insupportable douleur.

Une patte apparut dans son champ de vision, écrasant la multitude de papiers étalés sur le sol crasseux. Celle-ci finit par changer, devient plus fine, moins poilue, jusqu'à prendre la forme d'une main parfaitement humaine qui attrape une feuille sur le dessus du tas. L'homme s'accroupit, entrant dans le champ de vision de la rousse éplorée qui lève la main pour se saisir du bout de papier.

-Ta-ta-ta. fait l'homme en éloignant la feuille de sa portée.

Les pleurs de la femme redoublent. Elle a mis sa vie en danger pour récupérer ces dossiers. Son sacrifice n'aura servi à rien. Aucun de ces papiers n'arrivera à l'un de ses destinataires. Et son meurtre allait être maquillé.

-Tu aurais dû te mêler de tes affaires.

Le bruit caractéristique d'un briquet retenti. Il est en train de brûler toutes les preuves qu'elle a accumulées. Tout part en fumée.

L'homme-animal s'approche d'elle, l'attrape par le col de son pull déchiré et souillé par son sang qui se déverse le long de son dos, puis il la soulève à sa hauteur. Ses yeux noirs couvent une colère non-dissimulé. Ils lui promettent une insupportable souffrance qui lui fera regretter ses actes.

Mais alors que son assaillant semble réfléchir à la façon de la faire souffrir, des voix retentissent non loin d'eux.

-Eh merde !

Pris de panique, il lance le corps de la rousse avec force contre le mur de béton et se sauve en quatrième vitesse. La tête de la femme heurte le mur de plein fouet puis elle s'écroule sur le sol. Alertés par le bruit, les propriétaires des voix s'approchent en vitesse jusqu'à elle.

Elle n'y voit plus grand-chose. Sa vision s'obscurcit. Elle ne peut plus bouger, ses membres sont lourds, tout comme ses paupières qui se ferment.

Elle doit les avertir. C'est important. Il faut qu'elle se batte et qu'elle les prévienne.

Mais c'est trop tard.

ConvoitiseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant