Chapitre 17

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Ruben

Je suis de garde ce soir. J'aime l'ambiance du commissariat à la nuit tombée. La population qui côtoie les lieux est différente de celle en journée. La nuit, les gens se désinhibent. Et dans la grosse pomme, les excès en tous genres sont de mise. C'est quand le crépuscule tombe sur la ville que la débauche sort des ruelles. Quand dans la journée, on traite en majorité des délits mineurs, le soir on rencontre la drogue, le proxénétisme, les bagarres de comptoir, des âmes perdues ou en quête de sensations fortes. Nous sommes aussi moins nombreux qu'en journée. Du coup, la charge de travail est plus intense et nous occupons tous les postes.

Aussi, j'aime travailler depuis l'open space. Il y a une dizaine de bureaux disséminés dans la pièce. Ces derniers nous permettent de prendre les plaintes et de recevoir les « délinquants » ramenés par les patrouilles qui circulent. Sur les murs, sont affichées les personnes disparues, les objets d'art recherchés et tout un tas d'autres documents. L'élément incontournable, c'est le drapeau américain disposé à l'entrée de cet espace. Pour ceux qui aiment travailler dans le silence absolu, passez votre chemin. Le brouhaha qui règne ici est intense. Les sonneries de nos téléphones essaient de se frayer un chemin dans ce foutoir. En plus du bruit, un mélange d'odeurs vient chatouiller les narines. En fonction du public, il est plus ou moins malodorant.

Et celui à qui je finis de signifier ses droits sent la le vin bon marché à dix miles. C'est un homme qu'une patrouille vient d'interpeller pour attentat à la pudeur. Ce dernier a cru bon de se foutre à poil pour impressionner un groupe de jeunes femmes en soirée. Pitoyable. Heureusement que les collègues passaient dans le coin. Il aurait pu attraper froid cet imbécile. Non, je plaisante. Une des nanas voulait lui couper la queue pour lui faire comprendre que son comportement était inapproprié. Elles ont du cran les new-yorkaises. Je le descends en cellule de dégrisement. Un vrai mollusque. Il ne tient même plus debout tellement il est imbibé.

Quand je remonte, je repasse devant l'accueil du commissariat. C'est Samia qui est de permanence. Elle est en train de discuter avec deux femmes. Mais mon regard se fixe sur une seule d'entre elles. Même de dos, je reconnais les courbes de son corps. Celles-ci sont d'ailleurs divinement mises en valeur dans cette tenue. La couleur jaune moutarde lui va à ravir. J'imagine la lingerie qu'elle porte en-dessous. Elle doit être minimaliste étant donné que l'on ne voit rien. Je ne peux qu'imaginer et mon palpitant accélère à cette pensée. Je secoue la tête avant de me retrouver à l'étroit dans mon jean. Et Samia m'aperçoit.

- Tiens, Ruben. Tu tombes bien, m'interpelle-t-elle

Je m'en vais les rejoindre quand Lina se détourne. Nos yeux s'aimantent instantanément. Elle parait surprise mais ne semble pas déçue. Je ne sens plus la colère dans son regard. Notre petite mise au point aura au moins eu pour mérite d'apaiser les tensions au boulot. Ma tentative de baiser l'autre soir s'est soldée par un échec mais je ne lui en tiens pas rigueur. Quelle nana embrasserait le fils d'un meurtrier ?

Quand j'arrive à leur hauteur, je reconnais la femme qui accompagne Lina. C'est l'inconnue que j'ai retrouvée inanimée au pied d'un immeuble. Elle a l'air d'aller beaucoup mieux et son visage n'est plus tuméfié. C'est une très belle femme. Et je reconnais facilement qu'elle doit naviguer dans un milieu aisé. Sa posture et son port de tête en sont les indicateurs. Elle porte toujours son plâtre. On peut dire qu'elle revient de loin.

- Bonsoir Lina.

- Bonsoir Ruben, me répond-elle sans joie.

- Bonsoir Madame. Comment allez-vous ? J'avoue que j'ai eu du mal à vous reconnaitre.

- Mieux je vous remercie.

Elle m'adresse un sourire reconnaissant. Je ne sais pas comment me comporter. J'avoue que je n'ai pas l'habitude de ces marques de sympathie.

Après coupsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant