Chapitre 19

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Lina

La veille...

Ma journée est interminable. Je ne suis bonne à rien. Je n'arrive pas à empêcher mes pensées de m'envahir. L'audience de l'affaire Turner est demain et je ne me trouve pas dans les meilleures dispositions.

Seth m'observe en silence. Je ne sais pas depuis combien de temps il est planté là, devant mon bureau. Les mains dans les poches de son costume, les manches de sa chemise immaculée sont remontées sur ses avant-bras et laisse paraitre sa peau hâlée. Sa chemise est cintrée et laisse devinée sa carrure ferme et rassurante. Ses jambes puissantes sont bien ancrées sur le sol de mon bureau. Le spécimen est viril et magnifique. Ses yeux bleus gris me sondent et tentent de percer ma carapace. Il ne dira pas un mot. Il attend que je vide mon sac. Et on peut dire qu'à ce jeu-là, il est très patient. Il ne bougera pas tant que je ne serai pas passée aux aveux. Je ne sais pas par quoi commencer. J'ai si peur de le décevoir.

Pour désamorcer et aussi et surtout pour me laisser encore du temps, je tente une diversion.

- On mange ensemble au bureau ce soir ? Des sushis ? J'en ai envie depuis des lustres.

- Avec du saké alors. J'ai comme l'impression que tu vas en avoir besoin...

- Tu sais c'que j'aime... Alors je te laisse commander.

- Et en plus c'est à moi de t'inviter ? T'es pas culottée !

- Moi aussi je t'aime !

Ma parade a fonctionné. Enfin, Seth a la bonté de me le laisser croire. Je fais la maline mais je sais que le repas de ce soir sera difficile à vivre. J'ai l'impression de remonter le temps. Déjà, il y a dix ans, Seth avait lu en moi comme dans un livre ouvert et avait su voir aux delà des apparences. Il avait su détecter que quelque chose ne tournait pas rond. Il a été persévérant et m'a laissé le temps nécessaire pour m'ouvrir à lui. Et avec douceur, il a pansé chacune de mes blessures. Depuis, on ne se quitte plus et il est devenu mon meilleur ami, mon confident, mon soutien dans la vie de tous les jours, mon mentor au travail. Je lui dois tellement. Et là plus que tout, je lui dois la vérité.

Mon téléphone sonne me sortant de mes pensées :

- Oui ? soufflé-je en décrochant agacée d'être dérangée.

- Bonjour Lina, me répond la voix mielleuse de Maître Cox que j'affronte dans une vulgaire affaire de vol à la tir. J'attends toujours que vous confirmiez notre rendez-vous avec mon client pour la semaine prochaine.

- Je vous ai dit que je vous tenais au courant, m'exclamé-je irritée qu'il me relance. J'attends la date d'une audience dans une affaire beaucoup plus importante que la vôtre, et elle sera déterminée demain. Donc vous devrez encore patienter.

Je lui raccroche au nez. Non mais oh ! Qu'est-ce qu'ils ont tous aujourd'hui à me chercher des noises ?

Je suis remontée comme une pendule. La moindre contrariété me fait sortir de mes gonds. Non. Cet avocat est vraiment un emmerdeur de première. Il est fourbe et prêche le faux pour avoir le vrai. Mais je ne me fais plus avoir par ce genre de beaux parleurs et le fait savoir.

Je baille à m'en décrocher la mâchoire. Ma soirée d'hier a été intense en tous sens. Je suis plus que fière d'avoir réussi à convaincre Felicity de porter plainte et de ne pas laisser son mari s'en tirer à si bons comptes, encore une fois. Pourtant, malgré ma joie de savoir qu'il finira derrière les barreaux, l'angoisse de le voir prend toute la place. Comme un serpent venimeux qui s'enroule autour de mon corps pour l'étouffer et lui asséner le coup de grâce. Cette nuit, seule dans mon lit, les mêmes cauchemars qu'il y a dix ans sont revenus me hanter. Mon ex me frappait jusqu'à plus soif. Je n'étais qu'une poupée de chiffon entre ses mains destructrices. Il me punissait de l'avoir dénoncé. Rien que d'y penser, mes mains tremblent d'effroi et je sens une sueur froide se former entre mes omoplates et descendre le long de ma colonne vertébrale. Mon souffle est erratique et je peine à reprendre une respiration normale. Une seule chose m'a permis de m'endormir au petit matin. Alors je me concentre dessus, les poings serrés. Je fais le vide et me remémore le baiser sauvage de Ruben dans son bureau. Instinctivement je passe mes doigts sur mes lèvres et me rappelle comme les siennes sont douces et exigeantes. Heureusement que Samia est arrivée. Je ne sais pas comment ceci aurait pu finir. Si je le sais. Parce que j'ai déjà goûté à ses étreintes et j'ai adoré ça.

Après coupsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant