Chapitre 29

55 9 2
                                    

Lina

Je ne me reconnais plus. Depuis près de deux semaines, je ne suis plus que l'ombre de moi-même. Je vis ma vie telle une automate : métro, boulot, dodo. Bon, sans le métro parce que je n'aime ni la foule ni les endroits confinés.

Ma confrontation avec Preston a laissé plus de traces que je ne le pensais. Je suis fière de lui avoir tenu tête. Pourtant, je suis physiquement et mentalement affaiblie. Qu'est-ce que je croyais ? Que la page allait se tourner d'elle-même parce que j'avais réussi à cracher mes quatre vérités à l'homme qui m'a meurtrie ? Il faut croire que non.

Et Ruben, son regard triste ne me quitte plus. J'ai l'impression de l'avoir abandonné. Je rêve encore de la chaleur de ses bras et de son odeur apaisante. Pourtant, je sais au fond de moi que j'ai fait le bon choix. Il n'est pas un homme pour moi. Son âme est trop brisée. Et puis, lui ne doit pas être si atteint que cela. Pas un signe en deux semaines. Je ne l'ai même pas croisé au bureau.

Au travail, je peine à retrouver pleinement mes capacités tant mes pensées sont parasitées par les derniers évènements. J'ai de la chance que Seth soit compréhensif et qu'il me laisse du temps et de l'espace pour remonter la pente. Quant à Samia, elle est nettement moins patiente. Elle m'appelle presque tous les jours et cherche par tous les moyens à me faire sortir de ma tanière. Mais je n'ai pas le goût à la fête alors j'esquive toutes ses tentatives par des excuses plus au moins plausibles. Loin d'être une imbécile, mon amie abdique tout de même. Et je m'en veux de lui faire subir mon passage à vide.

Nous sommes vendredi, et j'éprouve encore plus de difficultés que ces derniers jours. Je suis distraite et n'arrive pas à me concentrer sur mes différentes plaidoiries en cours. Un regard vert et pénétrant me hante. Pourquoi je n'arrive pas à me le sortir de la tête ? Parce que ses caresses me manquent ? Parce que j'aime quand il me regarde avec tant d'envie ? Parce que j'aime son caractère affirmé et la confiance qu'il m'a accordée lorsqu'il m'a raconté son histoire ? Parce que même si la manière était mauvaise, c'est la première fois qu'un homme, avec lequel je partageais plus qu'une amitié, a pris ma défense. Sûrement tout cela à la fois et plus encore. Je suis dans une belle merde !

Devant le dossier des époux Youtubeurs, je grogne et suis de mauvaise humeur. Cela fait une bonne dizaine de fois que je recommence mon plaidoyer et les mots ne viennent pas. Alors je tape nerveusement mon crayon contre le bois de mon bureau et souffle d'agacement.

- T'as pas fini ton cirque ! grogne Seth.

Je sursaute et en fais tomber mon crayon. Je ne l'avais pas entendu arriver.

- De quoi tu parles ?

- Elle est bien bonne celle-là. Non mais tu t'entends depuis tout à l'heure ? On dirait un buffle. Sans arrêt en train de souffler. Et puis le « clic-clic » de ton crayon va me rendre dingue putain !

- Tu exagères.

- Non. C'est toi qui exagères. Il est temps que tu te reprennes Lina. J'ai bien voulu te laisser du temps mais là, ça fait deux semaines. Bouge-toi bon sang !

- Je n'y arrive pas...

- Je t'ai connue plus combative que ça !

Il a raison. Et ça fait mal de le reconnaitre. Il faut vraiment que je sorte de cette léthargie ou je ne serai pas très crédible aux yeux des personnes que je dois représenter.

- Pour la peine, tu vas aller voir le Capitaine Suarez à ma place. Il a besoin de nous pour une affaire de harcèlement.

- Non. Je n'peux pas. Je n'veux pas croiser Ruben. C'est trop tôt...

Après coupsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant