Chapitre 36

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Ruben

Ce que je découvre en claquant la porte contre le mur me met dans une rage dingue. Lina est attachée à une chaise et est bâillonnée. Son regard est perdu dans le vide, comme si elle était en transe. Sûrement un mécanisme de défense afin de résister à la pourriture qui tente d'abuser d'elle.

- Povchek ! hurlé-je.

- Ruben... tu en as mis du temps. J'ai failli t'attendre.

Ce connard parle calmement et me sourit. Il croit franchement que je suis venu boire le thé ou quoi ?

- Nous n'avions pas rendez-vous, reprends-je, nerveux.

- Effectivement. Pourtant, j'ai réussi à te faire venir jusqu'à moi.

Nous nous affrontons du regard. A qui lâchera le premier.

- Ne t'avise pas de lui faire du mal, ordonné-je

- Sinon quoi ?

Il continue son manège, un sourire sadique sur les lèvres, et la caresse avec le canon de son silencieux. Il longe la bordure de son décolleté et ça me rend fou. J'ai envie de le mettre en pièces.

- Tu vas dégager tes sales pattes de là espèce d'enfoiré ! ne puis-je m'empêcher de réagir. Si tu la touches encore, je vais défoncer ta sale gueule de ruskof de mes deux !

- Pourquoi tu t'énerves ? Je ne lui veux que du bien à ton p'tit lot.

Mon sang bout dans mes veines et les battements de mon cœur viennent cogner jusque dans mes tympans. Je dois impérativement rester maître de moi-même. J'essaie de réguler ma respiration. Je fixe Lina et essaie de capter son regard. Mais elle est déconnectée, toujours à fixer un point imaginaire.

- Maintenant que je suis là, tu veux juste me buter ou tu as d'autres plans pour moi ? l'interrogé-je

- Toujours aussi impatient. Tout dépend de toi en fait. Même si j'avoue que, là tout de suite, j'ai bien envie de te descendre. Tu m'as beaucoup déçu Ruben. Mais tu m'as aussi beaucoup impressionné.

- Et en quoi t'ai-je impressionné en juste ?

- Malgré mon expérience, tu as réussi à me baiser ! Et je peux te dire que c'est une sacrée performance. C'est pourquoi, je voulais te proposer un marché.

- Je t'écoute.

- Tu intègres mes rangs et tu seras mon second. Un homme tel que toi me sera fort utile.

- Tu veux que moi, je bosse à tes côtés ? répété-je moqueur. Jamais de la vie. Tu me dégoutes.

Cette ordure assène une gifle magistrale à Lina. Je vois sa joue gonfler sous l'impact. La douleur est telle que ses larmes inondent son visage. Ce constat me met en rogne et mon souffle se bloque. Il est allé trop loin. Je dégaine mon arme de service. Le russe me met en joug à son tour et me tire une balle dans l'épaule.

- Pose ton arme au sol ou j'la butte, exige Povchek.

Je hurle de douleur et me tiens le bras pour empêcher le sang de trop s'écouler. J'obéis et balance mon arme au loin. J'ai trop peur qu'il réserve le même sort à Lina. La gifle a sorti ma belle de sa transe et nous nous fixons. Le temps est comme suspendu. Pas besoin de mot pour se comprendre. Malgré sa souffrance, je lis toute la détermination dans son regard. Elle se battra quoiqu'il lui en coûte. J'essaie de lui transmettre ma force et de la rassurer. Il faut que je gagne du temps ou ce connard va nous refroidir tous les deux.

- Tu ne croyais pas t'en tirer à si bon compte après ce que tu m'as fait ! reprend le russe. Tu as foutu en l'air le travail de plusieurs années et anéanti mes affaires aux Etats-Unis. Alors, je ne fais que te rendre la monnaie de ta pièce. Tu ne veux pas travailler à mes côtés ? Très bien. Quand j'en aurai fini avec toi, je prendrai ta poule et l'emmènerai avec moi. Mes compatriotes seront ravis de la baiser jusqu'à plus soif.

- Ta gueule putain !

Je ne supporte pas qu'il puisse avoir de tels projets pour Lina. L'épaule en sang, je suis affaibli mais je ne suis pas à terre. Je ne peux pas le laisser faire. Elle a besoin de moi. Dans ses yeux, elle invoque ma rage et mon besoin de la protéger envers et contre tous. Comprend-t-elle d'où me vient mon agressivité parfois ? Je sais qu'elle ne me laissera pas tomber non plus. Mais serait-elle prête à mettre de côtés ses principes ?

Je n'ai pas le temps de tergiverser davantage qu'elle hurle de fureur derrière son bâillon et se débat comme une lionne sur sa chaise. Elle bouge tellement qu'elle tombe au sol avec son fauteuil. Par son action, elle a attiré l'attention du psychopathe. Quelques instants en tous cas. J'en profite pour me jeter au sol afin d'aller récupérer mon arme. Mais je ne suis pas assez rapide. Le russe se rend compte de ma tentative et tire alors une nouvelle fois en visant ma cuisse. Effondré au sol, soufflé comme un château de cartes, je souffre le martyr. J'ai échoué dans les grandes largeurs en essayant de protéger cette femme qui a une place toute particulière dans mon cœur.

Povchek jubile de son ascendant. Il est un véritable sadique et prend plaisir à persécuter. J'ai des envies de meurtres. Je ne supporte pas qu'il lui fasse du mal. Je suis à la limite du black-out.

- Tu ne gagneras pas cette fois-ci ! me nargue-t-il. J'ai trouvé ton point faible. Tu es tellement mordu de cette femme que tu serais prêt à te sacrifier pour elle. C'est presque trop facile. Elle doit être sacrément bonne au pieu pour que tu te donnes cette peine.

- Ne parle pas d'elle de cette façon ! Elle n'a rien à voir avec celles qui garnissent tes clubs.

- C'est vrai qu'elle a plus de classe. Ne t'inquiète pas. Je saurai en faire bon usage.

Je vois chez Lina un léger tremblement. Elle essaie de cacher sa peur au maximum mais je sais qu'elle commence à paniquer. En même temps, j'ai échoué. Je suis en train de me vider de mon sang sur la moquette de son bureau et Lina va servir d'objet sexuel à un Russe détraqué.

Povchek s'approche de moi avec un sourire victorieux. Les larmes coulent abondamment sur les joues de Lina. Je ne la lâche pas des yeux. Je veux qu'elle soit la dernière image que j'emporterai avec moi. A cause de moi, sa vie va devenir un enfer. Je m'en veux d'avoir croiser son chemin et de l'avoir exposée. Mais je n'ai pas pu m'éloigner d'elle. Le Russe s'amuse à appuyer sur ma plaie de la cuisse avec le bout de sa chaussure en cuir italien. Je grogne et me mords la langue pour ne pas hurler. Je ne veux pas lui donner ce plaisir. J'entends le cran d'arrêt se déverrouiller. La fin est proche. Toujours noyé dans les iris de Lina, j'y mets tout ce que je ressens pour elle. Malgré ses larmes, j'espère qu'elle pourra lire sur mes lèvres.

- Je t'aime.

Puis un nouveau coup de feu retentit. J'ai fermé les yeux d'appréhension. Je n'ose pas les rouvrir. J'ai peur de ce que je pourrais découvrir. Je ne sais pas si c'est moi qui suis mort. Je n'entends plus aucun bruit. C'est donc ça l'après ? Le vide ?

Après coupsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant