Chapitre 20

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Ruben

Preston Crowl est en salle d'interrogatoire. Depuis deux heures, ce connard ne dit pas un mot. Il a invoqué le droit de garder le silence. Du coup, il est silencieux, et sagement assis sur sa chaise bancale. L'aménagement de la pièce est spartiate : une table en son centre avec deux chaises de part et d'autre, une fontaine à eau dans un coin et une vitre sans teint au fond. Un policier est en faction devant la porte et moi j'observe notre individu à l'abri derrière le miroir.

Malgré sa chaise instable, il est étonnamment serein. Sa position sociale et sa fortune transpirent par tous les pores de sa peau. Son costume taillé sur mesure bleu roi et sa chemise lilas sont d'un grand couturier. Sa Rolex brille à son poignet, tout comme ses boutons de manchette. Il a l'allure et le charisme du golden boy. Je comprends que les femmes puissent tomber dans le piège. Il est intelligent et doit savoir manier les bons mots. Ceux que ces dames aiment entendre.

Nous attendons patiemment son homme de loi. Malgré la fortune colossale de son client, celui-ci tarde à arriver. J'espère qu'il a une bonne excuse ou ses honoraires vont fondre comme neige au soleil. Je décide d'aller poireauter en compagnie du prévenu. Juste pour voir s'il supporte bien la pression. Quand j'entre dans la pièce, il ne se détourne pas et continue de regarder droit devant lui. Je m'installe face à lui et le toise. Je n'ai pas le droit de l'interroger alors j'exerce une pression visuelle. Celle-ci ne semble pas avoir d'emprise sur lui. Sur moi, son regard est froid et calculateur. Il est droit sur sa chaise et ne cille pas. Je maintiens le contact. Il est hors de question que je baisse les yeux le premier. Je suis assez fort à ce jeu-là mais il s'avère que je rencontre un adversaire à ma taille. Notre joute est interrompue par un coup à la porte. L'officier ouvre et l'avocat fait son entrée.

- Bonjour Maitre, lancé-je

- Bonjour Lieutenant Mora.

Il me tend la main mais je ne la saisis pas. Il se croit où lui ? Il croit qu'on va boire le thé ou quoi ?

Il salue son client et s'installe. Samia entre à son tour dans la salle et s'assied à mes côtés. Elle pose le dossier de l'affaire sur la table et ses mains sont jointes dessus. L'avocat et le milliardaire l'observent avec envie. Je devine leurs pensées malsaines et ils me dégoûtent. Samia, quant à elle, ne se démonte pas. Elle les affronte, le regard dur et froid. Tout son corps est tendu. Elle a bouffé du lion ma parole.

- De quoi accuse-t-on mon client ? tranche l'avocat

- Violences physiques et tentative de meurtre, lance Samia le regard ancré à celui de Preston.

- Vous êtes sérieux ? aboie Preston

- On ne peut plus sérieux Monsieur Crowl, continue-t-elle

- Et qui m'accuse de telles conneries ?

- Votre femme.

A l'évocation de son épouse, Preston se tend imperceptiblement. Mais il reprend son flegme très rapidement. Il est de nouveau impassible et a revêtu son masque de froideur.

- Quelles sont les preuves ? reprend Crowl

- Ne dites pas un mot Monsieur Crowl, conseille l'avocat. Vous avez invoqué le silence.

- Je sais ce que j'ai à faire nom de Dieu !

- Nous avons de nombreuses preuves, déclare ma coéquipière tout sourire

- Ne prenez pas cet air avec moi !

- Je prends l'air que je veux.

- Je pense que vous n'avez pas conscience de qui se trouve en face de vous, ricane l'homme de loi

Après coupsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant