Épilogue

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Je suis installée derrière mon bureau, les pieds dessus. Je sais, ce n'est pas correct, mais en réalité, je n'en ai rien à faire des apparences. Et puis je suis assez agacée par le candidat qui vient de sortir. Quelle partie de l'annonce a pu lui laisser croire que nous cherchions quelqu'un dont le seul talent est de prédire la météo une heure à l'avance ? Je pensais en savoir beaucoup sur la folie humaine, mais il faut croire que ce n'était que le début. On toque à la porte. Je suppose que le candidat suivant s'impatiente. Je respire profondément, et lui crie d'entrer. Je vais essayer de ne pas avoir l'air trop excédée, mais si il est aussi dramatiquement idiot que les trois précédents, je risque d'avoir du mal. Pendant que la porte s'ouvre, j'ouvre son dossier. Super. Il n'a aucune référence, et pas grand-chose dans les qualifications.

" Cours vite et sais grimper aux toits " Je suis un peu perplexe, mais continue, sans lever la tête pour regarder le candidat qui vient de s'asseoir de l'autre côté du bureau.

" Connais les bas quartiers par cœur", intéressant ! Peut-être que celui-là fera l'affaire. Je regarde rapidement en haut du dossier, mais ne vois son nom nulle part.

- Bonjour. Je dis en abaissant le dossier qui me sépare visuellement du candidat. Pourtant, les mots qui sortent de ma bouche ne doivent au final ressembler qu'à un baragouinage incompréhensible. Mon cœur choisit ce moment-là pour me lâcher, et je peux sentir mon estomac se retourner.

Pendant un moment qui me parait durer l'éternité, je garde mes yeux rivés dans ceux couleur d'orage en face de moi.

- Nathanaël ?

Les mots réussissent enfin à franchir mes lèvres, et je crois que je ne me suis jamais sentie aussi vulnérable. Nat se tient en face de moi, et si ses vêtements et sa coiffure sont plus soignés, il reste inchangé à mes yeux. Comme si nous ne nous étions jamais quittés. Comme si je ne les avais jamais laissé tomber...

Je savais de ma tante qu'ils allaient bien, et même si je le voulais de tout mon être, je ne me serais jamais permise de reprendre contact avec eux. Après tout, j'ai failli briser leur vie. Je suppose qu'ils ne veulent plus rien avoir à faire avec moi, et je les comprends.

- Qu'est-ce que tu fais là ? Non, écoute, c'est une erreur. Je suis désolée, je peux t'envoyer quelqu'un d'autre pour te faire passer l'entretien.

Chose qui m'arrive rarement, je panique et perds mes moyens. Je me lève et m'agite, alors qu'il continue à me regarder en silence. Mais alors que je me dirige vers la porte, sa voix me retient.

- Ce n'est pas une erreur. C'est toi que je suis venu voir.

Ces mots provoquent en moi des réactions très contradictoires, et alors que je me rassoie, je n'ose pas espérer quoi que ce soit. Au contraire, je suis morte de honte.

- Je voulais te dire merci.

- Merci ? Je répète interloquée. Merci pour quoi ?

- Pour nous avoir fait sortir de prison. Pour t'être assurée que nous ne manquions de rien ensuite.

Je me sens indigne du regard plein d'affection qu'il pose sur moi, et je ne peux m'empêcher de me demander ce qu'il pense de moi, maintenant qu'il me voit dans mon ensemble, avec mes oreilles pointues, mes cheveux violets et ma famille royale.

- Mais je vous ai abandonné. C'est à cause de moi que vous avez été emprisonnés. Sans parler des mensonges...

- Nous savions qu'il y avait un risque en cambriolant le musée. À quoi ça nous aurait mené, que tu sois arrêté en même temps que moi ? Tu as su comprendre sur le moment qu'un seul de nous pourrait s'échapper. Et tu ne m'as pas menti, tu ne m'as pas dit ce que tu n'étais pas prête à dire.

- J'ai été égoïste.

- Peut-être, mais tu as surtout fait ce qu'il fallait pour t'en sortir. J'appellerais plutôt ça l'instinct de préservation. Mais par la suite tu nous as fait sortir, et tu as pris soin de Miki. Je ne vais pas te mentir, la première nuit en cellule, je t'ai traité de tous les noms. Mais j'ai eu le temps de réfléchir, et tu as fait la seule chose rationnelle. Je ne peux pas t'en vouloir pour ça, ce serait injuste de ma part. C'est Rowan qui me l'a fait comprendre. Et si lui ne t'en veux pas, c'est dire combien il serait étrange que je t'en veuille.

Trop soufflée pour répondre quoi que ce soit, je me laisse aller dans mon fauteuil.

- Et le poste ? Il t'intéresse ?

Nathanaël parait un peu prit au dépourvu par ma question, mais finit par hocher la tête.

- Bien sûr. On forme une bonne équipe tous les deux, non ? Et tu sais aussi bien que moi à quel point aider les bas quartiers me tient à cœur, même si je n'y vis plus.

- Alors si c'est ce que tu veux, tu es embauché.

- Tu n'es pas en train de me faire une fleur, rassure-moi ? Parce que je ne veux pas de traitement de faveur !

Dans ses yeux brille ce brin de malice qui me plaît tant, et nous continuons de nous dévorer du regard quand je lui réponds d'un ton dramatique :

- Si tu avais vu les candidats précédents ! Tu saurais que c'est toi qui me fais une fleur !

le royaume des elfes 2-AuroraOù les histoires vivent. Découvrez maintenant