Chapitre 18

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J'ai plusieurs heures devant moi avant le rendez-vous fixé avec Cassius. Je ne sais pas vraiment quoi faire, j'ai trop d'idées et ne sais pas par quoi commencer. Finalement, je m'assois à la coiffeuse de ma mère et avale la moitié de la fiole que Sana m'a donné. Les effets sont presque immédiats et millimètre par millimètre, je les regarde repousser. C'est incroyable, mais aussi assez dérangeant de voir mes mèches violettes réapparaître. L'idée que ces cheveux me rapprochent de ma mère me donne un petit frisson. Je sais que c'est idiot, mais j'ai l'impression d'avoir fait tellement de progrès que l'idée d'un quelconque retour en arrière m'effraie. Je ne suis pas ma mère. Elle était cruelle, sans raison, de nature. Alors que c'est la façon dont elle m'a éduquée qui a fait de moi quelqu'un de si froid. Au fond de moi, je sais désormais que je ne suis pas comme elle. Moi, je veux apprendre à ressentir mes émotions, à faire ce qui est juste, à prendre soin des gens qui me sont proches. Pour la première fois, je me rends compte que la perte de mes pouvoirs, la fuite de ma mère, ma propre fuite chez les humains, toutes ces mésaventures sont peut-être des bénédictions. Toutes les conditions finalement réunies pour m'aider à me détacher de son emprise et découvrir ce que je veux vraiment. Mes cheveux arrivent maintenant à la hauteur de mon menton. J'enroule une mèche autour de mon doigt et plonge mon regard dans le miroir. Mes yeux presque noirs me dévisagent et je sais que malgré tout, même si je ne suis pas aussi tordue que ma mère, j'ai de la colère, de la rage au fond de moi, que je ne pourrais pas réprimer si je ne veux pas exploser. Je suppose qu'il faudra que j'apprenne à canaliser toute cette énergie dans de bonnes actions. La perte de mon illusionnisme aura déjà bien endigué ma tendance à la manipulation, en m'enlevant une grande partie des repères que j'avais dans ce domaine. La croissance de mes cheveux se ralentit alors qu'ils commencent à descendre dans mon dos. Sana avait raison, c'est une bonne longueur. Mon visage a beaucoup changé maintenant qu'il est encadré par ces longues mèches. Je les brosse rapidement et les attache dans un chignon désordonné, le genre que ma mère ne m'aurait jamais autorisé à faire. Cela me permet de me rappeler que désormais, je fais ce que je veux.

À présent que cette histoire est réglée, je décide de passer en revue les documents. Je l'ai déjà fait, mais je ne suis pas à l'abri d'être passé à côté de quelque chose d'important. Une fois les papiers méthodiquement rassemblés devant moi, je reprends mon examination. Il y a au moins trois écritures différentes dans les lettres, alors je les rassemble en trois tas différents. Les premières me semblent être de la main de ma mère, mais je ne n'en suis pas sûre à cent pour cent, même si je reconnais quelques expressions qu'elle utilisait souvent. Ces lettres-là ne m'apprennent pas grand-chose, car tous les noms propres sont remplacés par des noms de code. Pourtant, je crois deviner à certains moments qu'il est question de son associé Argus, ou de renseignements sur les défenses du palais. La lettre la plus vieille date d'un peu avant l'arrivée d'Astoria et parle d'un élément inattendu qui entre en jeu, mais qui sera réglé facilement et deviendra peut-être même un atout. Il me parait maintenant évident que ces lettres sont de ma mère, mais à part confirmer sa traîtrise, elles ne comprennent rien d'important. Je prends tout de même note de deux termes qui attirent mon attention, d'abord le plan "crépuscule ", et le plan "renaissance". Même s'ils ne sont que très peu évoqués. Les deux autres piles de lettres sont encore plus incompréhensibles, mais je pense pouvoir faire deux suppositions. D'abord, elles ont été écrites par des humains, ça je le déduis au papier blanc et extrêmement lisse, quand les elfes utilisent plutôt du parchemin légèrement granuleux pour leurs lettres. Et ensuite, vu le snob qui s'en dégage, je dirai que ce sont des riches. Le soleil décline déjà et c'est ce qui me tire de l'étude des lettres. J'ai dit à Cassius que l'on pouvait se retrouver devant l'appartement d'Acanthi, et je ne compte pas lui faire le plaisir d'être en retard, il s'en donnerait trop à cœur joie en me le reprochant.

le royaume des elfes 2-AuroraOù les histoires vivent. Découvrez maintenant