En début d'après midi, je reprends la route. Avant qu'il reparte, j'ai demandé au cocher d'envoyer une calèche et je l'attends avec mes sacs sur le seuil de la porte. Mon père et Miki m'y accompagnent, me câlinent et me font ensuite des coucous derrière la fenêtre jusqu'à ce que je ne les voie plus. Je sais que ce n'est pas évidemment pour mon père de me revoir repartir si rapidement. Il a dû beaucoup prendre sur lui pour me montrer une confiance pareille. Qu'il ait à garder Miki pendant ce temps est parfait, ils vont s'occuper mutuellement. J'ai au moins trois heures à tuer avant d'arriver au palais, alors je sors les carnets que j'ai récupérés plus tôt. Trois sont à ma tante, deux à ma mère. Il y a des choses que je veux comprendre, que je dois comprendre.
J'ouvre le premier et commence à le feuilleter. C'est le journal d'une petite fille. Ma tante devait avoir huit ans, elle a dû le commencer dès qu'elle a su écrire correctement. Je ne m'y arrête pas très longtemps, mais certains passages me laissent comprendre qu'enfant, elle avait une grande admiration pour ma mère.
Dans le deuxième journal, ma tante a une dizaine d'années et ma mère est adolescente. Un basculement s'est fait, ma mère est davantage décrite comme exigeante, capricieuse et Ésperanza s'attarde pendant de longs extraits à raconter des disputes entre sa mère et sa sœur. J'en apprends plus sur ce grand-père et cette grand-mère que je n'ai jamais connue. Je sais qu'ils sont encore vivants et qu'Éspéranza va parfois leur rendre visite, mais ma mère les a totalement bannis de sa vie avant ma naissance. Maintenant, je me demande si je pourrais les rencontrer un jour.
Le troisième carnet est le plus gros. Je l'ouvre avec un peu de crainte. J'espère que je vais y trouver ce que je cherche. L'écriture me semble bien plus mature, Éspéranza doit avoir mon âge. Je vérifie les dates et c'est effectivement le cas, ce qui veut dire que ma mère avait déjà vingt-deux ans. J'ai l'impression d'envahir l'intimité de ma tante en lisant ça, peut-être que je ne devrais pas. Pourtant j'ai besoin de comprendre ce qu'il a bien pu se passer pour que ma mère soit si obsédée par mon oncle et ma tante. Et puis ça m'étonnerait que ça dérange ma tante. L'Éspéranza que je trouve dans ce carnet est toujours aussi douce et aimante, mais elle s'est affirmée. Elle paraît toujours adorer sa sœur, mais ne se laisse plus marcher dessus. Même si elle ne le formule pas, elle semble trouver sa sœur égoïste, et de ce qu'elle raconte, je ne peux qu'être d'accord avec elle. La partie qui m'intéresse arrive enfin. Ma tante raconte qu'elles doivent se rendre au palais où j'ai grandi, afin de conclure un arrangement avec la famille royale. Il avait déjà été question de cela entre deux lignes, mais je n'y avais pas vraiment prêté attention jusque-là. Maintenant, si je comprends bien, il est question d'un mariage entre ma mère et le futur roi pour unir deux des plus puissantes familles du royaume. Éspéranza décrit sa sœur comme ravit par cet arrangement, alors qu'elle n'a jamais rencontré le prince. Ma tante ne comprend pas comment sa sœur peut désirer davantage l'accès à la couronne, que l'amour. Ayant toujours connu ma mère comme froide et détachée de ses émotions, ça ne me choque pas vraiment. La famille entière se rend au palais pour un plutôt long séjour, le temps de négocier le mariage, et l'organiser. Et là, je commence à avoir une idée claire, même si je commençais à m'en douter, de ce qu'il a pu se passer. Les chapitres suivants sont un peu trop mièvres pour moi, et tous ne tournent autour que d'un sujet : le prince. Entre ma tante et mon oncle, ça semble avoir été le coup de foudre. D'abord, ils se retrouvaient en cachette, mais au bout de quelques semaines, Hélios a décidé de briser son engagement auprès de ma mère, pour demander sa sœur en mariage. Bien sûr, c'est un drame pour ma mère qui réagit assez violemment pour dire à ma tante que si elle épouse Hélios, elle sera morte à ses yeux. La rupture s'est donc produite à ce moment-là. Je feuillette le reste du journal, mais rien d'autre n'est vraiment important. Après la demande en mariage, Éspéranza demande un délai de trois ans ou elle restera au palais pour s'assurer que c'est bien ce qu'elle veut. Ma mère quant-a -elle retourne chez leurs parents et ne lui donne plus de nouvelles. Le journal s'arrête là. Il est très probable que la suite soit au palais, mais de toute manière, elle ne me regarde pas. J'ouvre ensuite les carnets de ma mère, le premier commence vers ses seize ans, et déjà à ce moment-là, elle semble rongée par l'ambition, elle fait souvent référence à son statut, à son rang. Pourtant, il y a déjà une épine dans sa chaussure, sa sœur ; elle est déjà très jalouse, de sa magie qui est plus forte que la sienne, de son visage qui est plus fin, de ses parents qui sont plus gentils avec elle. Chaque prétexte parait être bon pour la martyriser, et je m'étonne qu'Éspéranza n'ai pas cherché à se défendre plus tôt. Autour de ses dix-neufs ans, les fiançailles sont organisées. L'égo de ma mère semble monter d'un cran, et elle passe des pages entières à fantasmer sur son couronnement et son trône. Je passe au deuxième carnet, qui commence un peu avant la visite au palais. La rencontre entre Hélios et ma mère est extrêmement intéressante et j'ai plusieurs fois envie de me prendre la tête entre les mains. La manière dont ma mère lui parle, convaincu que lui aussi ne pense qu'au pouvoir, alors que lui parait juste vouloir leur trouver des points communs. Ils n'ont jamais été sur la même longueur d'onde, et je ne doute pas qu'après cette première rencontre, Hélios contait déjà se débrouiller pour rompre les fiançailles. J'avance un peu, et la réaction de ma mère apprend que ses fiançailles sont rompues, à cause de sa sœur, est à la hauteur de ce que j'attendais. Pendant des pages et des pages, ce n'est que l'élaboration de plans pour se venger et rendre sa sœur misérable. Elle la considère comme la pire des traîtresses et des voleuses et même si je pourrais comprendre, c'est complètement disproportionné. Le journal de ma mère se termine avant qu'elle ne rencontre mon père et je me dis que ce n'est pas plus mal. Je n'ai pas envie de savoir ce qu'il se passait dans sa tête à ce moment-là, parce que je serais assez surprise que ça ai le moindre lien avec de l'amour.
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le royaume des elfes 2-Aurora
FantasíaAlors que tout s'est effondré autour d'elle, Aurora se lance dans une quête aussi difficile qu'étrange.