chapitre 30

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J'essaie tant bien que mal de porter les deux pots de peinture, mais avec Plume sur mon épaule qui joue avec mes cheveux, la tâche se révèle plus compliquée que prévu.

Mon père me double avec les rambardes et les volets, qui pèsent à n'en pas douter bien plus lourd que la peinture.

- Bah alors ? On se traine ?

Je lui fais une grimace et il suit mon regard jusqu'à Plume, dont la tête disparait sous mes cheveux.

- Mais quel pot de colle ! Regarde comme elle est avide d'attention ! Je croyais que les chouettes dormaient le jour ?

- Oui, moi aussi. Mais je dois être tombée sur un spécimen hors du commun. Pas vrai Plume ?

En m'entendant prononcer son nom, elle se redresse et bascule la tête sur le côté avec un hululement plein d'incompréhension. Nous reprenons notre route en rigolant. L'après-midi est douce pour un mois de janvier, mais j'ai quand même mis un manteau et des bottes bien chaudes. Nous arrivons en bas de la cabane, et hissons laborieusement le matériel à l'aide des poulies. Plume délaisse enfin mon épaule, pour s'installer sur le dessus du chargement. Elle adore ce faux ascenseur. Cela fait une semaine que nous rénovons la cabane. Mon père ayant un peu plus d'expérience que moi dans le domaine, il m'a montré comment refaire le plancher, puis nous avons aussi changé les fenêtres et la porte. Nous avons ensuite réparé le toit, et aujourd'hui, nous apportons les volets et des rambardes pour certaines zones de la terrasse, que nous avons d'ailleurs agrandis. Ensuite, ma partie préférée : La peinture ! Du rouge pour les volets et un beige chaleureux pour l'intérieur. Nous nous mettons chacun au travail, moi avec mon rouleau et mon père avec sa scie et sa visseuse. Celui-ci commence à siffloter un air que je connais, et je me joins à lui, puis Plume vient ajouter la petite touche dissonante qui manquait. Je suis rentrée depuis maintenant deux semaines, et les moments que je partage avec mon père resteront sûrement dans ma mémoire comme certains des meilleurs de ma vie. Les jumeaux, ma tante et Acanthi étaient un peu surpris quand, après l'arrestation, j'ai annoncé que je rentrais directement avec mon père. C'était le meilleur choix, et cela m'aura évité de me retrouver face à une myriade de journalistes. J'ai déjà fait la une des journaux du royaume entier, je n'avais pas du tout envie de devoir en plus me voir réclamer des interviews. Désormais les choses commencent à se tasser, et d'ici à quelques semaines, je pourrais sûrement me montrer en public sans crainte qu'on vienne me harceler de questions. Je sais que je ne pourrais pas rester cachée dans cette forêt pour l'éternité, mais je compte le faire le plus longtemps possible. J'ai bien mérité ce temps de pause. Et plus que ça, c'est l'occasion idéale pour apprendre à me connaître, rattraper tout le temps où je portais un masque et découvrir ce qui se cache derrière. Prendre le temps de me demander ce que j'aime, ce que je n'aime pas, et ce qui m'a été implanté par ma mère.

Nous rentrons à la tombée de la nuit, transpirants et fatigués, mais avec la satisfaction de savoir que la cabane sera terminée demain. Je sais déjà exactement comment je vais l'aménager. Le matériel de peinture de ma tante n'attend que d'être utilisé, et j'ai trouvé un chevalet et encore plus de brosses, pinceaux et tubes de toutes les couleurs dans la remise. J'ai le sentiment que cette attirance pour l'art s'étend sur plus d'une génération. Il faudra que je demande à Espéranza si c'était sa mère ou son père qui peignait.

- Et si l'on se faisait un petit festin dans ta cabane demain ? Un peu comme une crémaillère. Me propose mon père en accrochant sa veste au porte-manteau.

- C'est une idée qui me plaît bien ! Tu crois que tu pourrais nous faire ta tarte ? Elle est tellement bonne...

- À une condition, tu me donnes un coup de main pour faire un fondant ensuite !

le royaume des elfes 2-AuroraOù les histoires vivent. Découvrez maintenant