Chapitre 24

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Ai-je vraiment besoin de raconter ce qui survint ensuite ? Probablement pas, vu que ce récit serait d'un ennui mortel. Je suis maintenant allongée dans mon lit, sur le dos, les oreilles aux aguets ! Les murs sont fins, mais je n'entends rien, la maison est silencieuse. J'espérais un peu pouvoir surprendre une conversation secrète en me levant pour aller aux toilettes, mais ça n'a pas marché. J'ai du mal à trouver le sommeil, ou plutôt à m'autoriser à le trouver. Je ne me sens pas assez en sécurité pour être aussi vulnérable pendant plusieurs heures. J'ai des petits soucis de contrôle, je sais. Finalement, je me lève et vais m'asseoir au bord de la fenêtre. Je suis au rez-de-chaussée et elle n'est pas fermée à clé. C'est bon signe je trouve. Au-dehors, il doit faire bien froid, au vu de la buée qui se forme sur la vitre au rythme de ma respiration. Je ferme les yeux et essaie de faire le vide. Mon cerveau ne peut s'empêcher de repasser en boucle les derniers évènements, et d'anticiper un max ce qui va suivre. C'est épuisant. Tu pourrais pas la mettre un peu en veilleuse des fois ? J'entends le hululement d'une chouette et ça me fait du bien. Je ne sais pas vraiment comment je me retrouve debout sur le rebord de ma fenêtre, mais la suite me vient logiquement. Je m'accroche aux aspérités du mur, et avec l'aide de la gouttière, je me hisse sur le toit. La vache, ça pèle. Un grand sourire s'étire sur mon visage, et comme il n'y a pas de témoins, je ne le retiens pas. Les tuiles sont un peu glissantes, mais j'ai un bon équilibre. La chouette hulule toujours, et je ne sais pas ce qu'il me prend, je me mets à siffloter, dans le silence presque parfait de cette nuit. La chouette semble me répondre. Je suis maintenant en équilibre sur l'arête du toit. Pendant un instant, j'ai l'impression d'entendre son rire à mes côtés. Comme je suis stupide, je me retourne en m'attendant l'espace d'une seconde à croiser ses yeux d'orage. Ma capacité à m'agacer moi-même est surprenante. La chouette hulule de nouveau, et je reprends notre conversation. Un battement d'aile derrière moi m'indique que cette fois, je ne suis vraiment plus seule. Je tends le bras sans me retourner, et quelques claquements de langue plus tard, je sens un poids sur mon poignet. Il s'agit d'une petite chouette, enfin je crois, je n'y connais rien en pioupiou. Je ne distingue pas bien sa couleur dans l'obscurité, mais ses yeux me fixent avec intérêt.

- Salut nouvelle copine ? Qu'est-ce que tu fais dans le coin ?

Un petit hululement adorable me répond, et je replie mon bras pour la rapprocher de moi.

- Je peux te caresser ? Enfin si tu n'es pas pleine de parasites bien sûr.

Sa tête s'incline, et son bec émet un petit claquement.

- Je prends ça pour un oui.

Ma main passe doucement sur sa tête, ses plumes sont toutes douces. Un dernier petit hululement lui échappe, puis l'oiseau déploie ses ailes et je l'aide à prendre son envol.

Mais, qu'est-ce que je fous sur un toit, bon sang ? À parler avec un piaf en plus ! Si je prends froid, j'aurai l'air maligne. Heureusement que j'ai laissé mes bijoux dans la chambre, je n'ose imaginer les blagues que Cassius me ferrait subir s'il avait assisté à ça.

Le soleil me cueille dans mon lit, et je me maudis encore plus pour mon caprice nocturne. Maintenant, je dois faire preuve de tout mon courage pour m'extirper de la couette et me préparer. Je m'habille, optant pour une tunique dont l'arrière se transforme en traîne, puis relève grossièrement mes cheveux dans une queue de cheval, avant d'y glisser un diadème qui pourrait nourrir une famille entière des bas quartiers pendant un mois. Je peux vous dire que ,quand j'en aurai fini avec cette mission, ça va bouger au palais. Il serait temps qu'ils enlèvent leurs œillères, et s'ils ne le font pas, je serai là pour les arracher. Après avoir ajouté une ridicule quantité de noir autour de mes yeux, je sors enfin de ma chambre, mon sac sous le bras. Le baron semble déjà en train de m'attendre dans la salle à manger. Tant mieux, j'espère qu'il a attendu longtemps.

le royaume des elfes 2-AuroraOù les histoires vivent. Découvrez maintenant