chapitre 2

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   Le lendemain matin je me lève avec le soleil, il est temps de reprendre les bonnes habitudes. J'enfile ma tenue de combat, je prends mon épée de son fourreau, mon arc et mon carquoi et je sors dans le jardin. Il fait encore bien froid mais j'espère me réchauffer rapidement. Je fais le tour de la maison, j'y ai repéré une cible hier. Elle doit déjà avoir quelques décennies mais le temps ne semble pas l'avoir affectée. Je décoche quelques flèches pour me défouler puis je calme ma respiration et me concentre. Toute ma concentration se fixe sur le centre de la cible. Je tends la corde de mon arc, vise et détend, la flèche fuse. Sans me donner davantage de temps je saisi d'autres flèches et les tires. Ma mère n'a jamais fait de tir à l'arc, mais je sais que ma grand-mère était une fine archère. Ça me plaît d'avoir quelque chose en commun avec cette femme que je connais à peine mais avec qui je partage un patrimoine génétique. Me dire qu'il y a quelque chose d'autre en commun avec elle. Quand j'en ai mare de l'arc je passe à l'épée. Alors que je me suis toujours entraînée seule à l'arc, les leçons d'épée m'étaient données par ma mère. Elle a toujours insisté pour que je sache manier plusieurs armes aisément et que je sois capable de sortir vainqueur d'un combat. Je répète les mouvements et les passes que je connais désormais par cœur, pourfend l'air en l'absence d'adversaires. Les elfes ont toujours été un peuple guerrier, autant que des magiciens. Alors que les humains sont chargés de nos innovations technologiques, les nains de nous procurer les minéraux nécessaires et les fées l'alimentaire, le rôle de mon peuple est de défendre tous les autres. Les légendes racontent qu'aux limites de notre royaume vivent des elfes renégats qui se préparent à un jour nous envahir, ou encore des mythes sur des créatures des ténèbres que nous avons chassé il y a des millénaires et que nous devons maintenir à distance.

Cela fait plusieurs siècles que nous vivons en paix, mais comme me le rappelle ma mère ce n'est pas une raison pour devenir faible. Nous avons un rôle important dans la diplomatie entre les peuples afin de maintenir de bons rapports entre tous, et nous devons également rester vigilants aux complots, aux clans qui pourraient se créer au sein même de notre territoire pour nous renverser. Je souris en me remémorant tout cela, il faut dire que même à moi elle a bien caché son jeu. Je continu à agiter mon épée dans le vide jusqu'à ne plus avoir de souffle, je me laisse alors tomber dans l'herbe humide et sent la rosée tremper mes vêtements. Si je ne veux pas prendre froid je ne dois pas rester comme ça trop longtemps. Je regarde mon reflet dans la lame de mon épée, mon visage rouge et mes cheveux ébouriffés déformés par le métal. Mère n'apprécierait pas un manque de grâce et de noblesse pareil, mais elle n'est pas là, je peux bien avoir une petite pause pour une fois, non ?

Je me remémore nos combats à l'épée. Je les adorais, c'était un des rares moments où je me sentais réellement proche d'elle. Et puis il y avait cette excitation d'un jour la battre, de lui montrer que je peux être meilleure qu'elle. Le jour ou j'ai réussi à la désarmer je devais avoir treize ans. Elle ne m'avait jamais laissé gagner pendant les sept ans qui avaient précédé ce combat alors je savais que j'avais vraiment réussi. Elle ne m'a pas félicité, elle a juste hoché la tête et annoncé que nous allions passer à un nouveau type d'entrainement. À partir de ce jour je me suis battue contre les illusions qu'elle créait. Comme elle est très douée en illusionnisme il était facile de croire que j'affrontais de vrais adversaires. Et cette fois il était possible d'infliger des blessures. Les illusions ne se gênaient d'ailleurs pas pour le faire. La blessure était elle aussi une illusion, mais ça ne m'empêchait pas de trouver la douleur plus vraie que nature. Il y avait aussi les leçons d'illusions. Plus jeunes je ressentais un mélange d'angoisse et d'excitation avant chaque cours, j'y avais droit une heure par jour en rentrant de l'école. Je ne crois même pas que mon père soit au courant pour ça, ma mère nous installait toujours dans un coin à l'abri des regards et des oreilles indiscrètes. Maintenant je crois que j'en connais presque autant qu'elle dans ce domaine, mais il est toujours bon de s'entraîner à deux, ainsi on peut avoir un avis extérieur, ce qui est vraiment nécessaire pour un don qui se base sur la perception. Les premiers jours après la perte de mon don, ma mère a essayé milles méthodes pour le faire ressortir. Elle pensait que je n'y mettais pas assez de volonté alors elle me poussait dans mes retranchements pour essayer de m'obliger à m'en servir. Mais il n'y avait rien à faire, la seule chose en ma capacité c'était hurler de douleur. Je sais qu'elle voulait seulement m'aider, mais au fond de moi je crois que ce n'était pas une chose à faire, je souffrais déjà assez comme ça à ce moment-là.

le royaume des elfes 2-AuroraOù les histoires vivent. Découvrez maintenant